Sternheim, Thea (1883-1971)

Thea Bauer est née à Neuss (Allemagne) et est décédée à Bâle (Suisse). Son père, industriel prospère, lui a laissé une belle fortune. Épouse de l’écrivain Karl Sternheim, elle a utilisé le nom de son mari et Hubert Roland le conserve dans l’article qui sert de base à cette notice, « Les carnets (Tagebücher) de Thea Sternheim 1914-1918 : For privé, socialisation et engagement en Belgique occupée », publié dans Écrire en guerre, 1914-1918, Des archives privées aux usages publics, sous la direction de Philippe Henwood et Paule René-Bazin, Rennes, PUR, 2016, p. 43-56. Elle a tenu des carnets personnels depuis l’année 1903. « Pour qui est-ce que j’écris le Carnet, en réalité ? D’abord pour moi. Et ensuite pour qui ? Peut-être pour personne. Peut-être ne le donnerai-je ni à Karl ni aux enfants et que je le détruirai », écrivait-elle le 5 septembre 1918. En fait elle les a conservés et ils sont déposés au Deutsches Literaturarchiv Marbach. La partie 1903-1925 a été éditée en 2002 avec quelques passages effacés, vraisemblablement par elle-même.
Chrétienne, elle a aussi un idéal de cosmopolitisme hérité des Lumières, caractéristique d’une bourgeoisie cultivée. Elle avait un large réseau de sociabilité dans le monde de l’industrie et de la politique, comme de l’art et de la littérature. Sa collection de tableaux comprenait des Renoir, Matisse, Gauguin.
En 1913, la famille s’installe en Belgique dans un domaine proche de Bruxelles. Elle doit quitter le pays à l’automne 1914 mais revient au printemps 1916, se considérant comme « occupante contre son gré ». Ses carnets décrivent la vie quotidienne, culturelle, politique en Belgique occupée par l’armée allemande. Elle critique les excès de patriotisme du cardinal Mercier. Au cours d’un séjour en Allemagne, elle dénonce les industriels de Rhénanie qui ne pensent qu’à accumuler les profits, et elle raconte une discussion avec un noble allemand à propos des exactions de l’armée impériale en Belgique. Ce comte lui répondit : « Nous avons été attaqués par la Belgique. » (Donald Trump et ses amis ajouteraient : « point barre » !)
Pour Thea, la guerre a été le naufrage de la civilisation. Il faudrait bâtir autre chose sur les ruines du nationalisme.
Réfugiée en France lors de l’arrivée des nazis au pouvoir. Elle compte André Gide dans ses relations et celui-ci lui facilite la sortie du camp de Gurs où elle est internée quelque temps en 1940.
Rémy Cazals, février 2017

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