Gamel, Roger (1896-1962)

Sur le livre Impressions de guerre 1914-1918, Carnet de guerre de Roger Gamel, poilu aveyronnais, pas de mention d’éditeur mais un ISBN 978-2-7466-7598-8. Si on retourne le livre, c’est une nouvelle couverture, celle des Impressions de guerre 1914-1918, Journal de guerre de Mimi Jacob (voir ce nom). Le livre double, imprimé en 2014, est le résultat d’un travail pédagogique réalisé au lycée Louis Querbes de Rodez (Fax 05 65 78 12 32) sous la direction de Jean-Michel Cosson, professeur d’histoire et de géographie, et de Sandrine Garriguet, documentaliste. Il semble hors commerce mais il est peut-être possible de se le procurer en s’adressant à ce lycée. Je l’ai moi-même reçu sans commentaire. Les deux témoins n’ont aucun rapport, l’un avec l’autre.
Roger Gamel est né à Rodez le 29 juin 1896. Deux lignes de son carnet (p. 51 et 91) nous apprennent qu’il était employé de commerce, ayant travaillé à Paris à la Samaritaine et aux Galeries Lafayette où il reprit du service lors de sa démobilisation en septembre 1919. Le fait que le cahier ait été trouvé par hasard dans un grenier à Lille est peut-être à mettre en rapport avec ses emplois successifs. Marié en 1920 à Deuil-la-Barre (actuellement dans le Val d’Oise), il mourut dans ce même département, à Belloy-en-France, le 26 octobre 1962. Roger Gamel ouvre son cahier en affirmant qu’il est la copie conforme des notes prises pendant la guerre, notes brèves pour la période du 16 avril 1915 (incorporation au 4e RIC) au 29 août 1916 (mutation au 23e RIC) et plus complètes ensuite. Quelques fautes d’orthographe de l’auteur ou de transcription. Les points de suspension dans les citations qui suivent sont de Roger Gamel.
Sans surprise, on trouve dans ce témoignage les habituelles descriptions concernant la vie des poilus. La pluie (p. 16) : « Ma capote tient debout toute seule tant elle a été mouillée. » Le froid (p. 29, 2 janvier 1917) : « Nos boules de pain nous arrivent gelées aussi faut-il nous servir de nos pelles bêches pour les partager en quatre, nous les faisons passer au feu vif pour pouvoir manger ce pain. » Les poux (p. 56) et les rats (p. 85) : « Un rat m’a mordu à la joue, teinture d’iode… » La boue (p. 56) : « Les boyaux ne sont plus que des canaux de boue dans lesquels on s’enfonce par endroit jusqu’à la poitrine. » Les mercantis (p. 27) « sans scrupules qui nous écorchaient de leurs prix excessifs ». L’aide aux paysans (p. 43) : « Blancs et noirs aident nos paysans dans les travaux des champs. Comme partout, on a craint l’arrivée des « Coloniaux » dont la mauvaise renommée n’a été répandue que par des curieux et des jaloux ; et quand les « Coloniaux » s’en vont, on les regrette et on ne se cache pas pour nous le dire. » En permission, l’accueil démoralisant des « civils très patriotes » qui ne comprennent pas ce qu’est la guerre (p. 62) ; et toujours, au moment de repartir, un terrible cafard. L’officier d’état-major, « très élégant et pommadé », qui, tout pâle, passe une heure avec les fantassins : « Il pourra en raconter long sur la vraie guerre ! » La peur au cours d’une patrouille, la vie au milieu des morts, la mauvaise surprise des obus à l’ypérite (p. 59). Plus originale, la situation du groupe à qui on ne peut faire parvenir de nourriture par voie terrestre (p. 34) : « Par signaux optiques, notre aviation est prévenue du danger que nous courons… une dizaine d’avions survolent notre secteur et nous jettent quelques boites de conserves qu’il nous est impossible de retrouver… »
Intéressante description d’une corvée de soupe (p. 57) avec cette précision très concrète : avant d’avoir à affronter le retour, chargés à l’excès, dans la boue et sous les obus, les hommes de corvée ont le plaisir de boire et manger chaud. Jules Puech (voir ce nom) et d’autres l’ont noté. Jules Puech et sa femme Marie-Louise ont également donné de nombreux exemples de prosélytisme catholique en particulier dans les hôpitaux. Roger Gamel en fournit un cas personnel (p. 59) : « Je quitte l’ambulance de Beaurieux… la sœur me coud à ma vareuse un scapulaire et me donne deux médailles elle m’embrasse et je remonte en ligne.»
Nommé observateur du régiment (7/12/1916), il assiste à la destruction du village d’Andéchy (13/12) ; ayant repéré un groupe de travailleurs ennemis, il les signale et a « la satisfaction à voir éclater 8 coups de 75 en plein but ». Il ajoute : « J’ai bien travaillé. » Lors du recul des Allemands dans l’Oise (21/03/1917), il note la joie des habitants sortant de leurs caves pour recevoir les soldats français, et il condamne les dévastations : « Nous voyons partout les arbres fruitiers sciés, les caves inondées, les puits bouchés avec du fumier… là, par ces abominables manières à faire la guerre on reconnaît l’âme boche… la destruction systématique de ce riche pays est complète… pourquoi avoir scié les arbres fruitiers ? est-ce cela qui arrête une armée ? »
Le 16 avril, son régiment est en réserve. Le 18, il décrit l’attaque du mont des Singes. En juin, secteur calme en Alsace. Une brève allusion aux troubles, le 22 juillet : « Quelques régiments se sont révoltés… ça barde… le 20e Corps qui occupe une partie du secteur a un mauvais moral… les pires canards circulent. » Retour vers le Chemin des Dames, fin juillet. Caverne du Dragon (p. 51), Hurtebise jusqu’en novembre (p. 51-61).
Montagne de Reims en février 1918 ; fort de la Pompelle en mars. Le 19 octobre, il est évacué, atteint de grippe espagnole, mais s’en sort rapidement. Le 11 novembre le surprend à Paris, retour de convalescence.

Rémy Cazals, septembre 2015

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