Cazals, Maximin (1882-1936)

Dans le livre collectif, 500 Témoins de la Grande Guerre, en page 24, une photo prise en 1915 représente un groupe de sept poilus. Celui qui porte une veste sombre est Maximin Élie Cazals. Il est né le 29 mai 1882 à Mazamet (Tarn). Son père, tisserand, est issu de familles de travailleurs de la laine des montagnes du sud-est du Tarn, région de Brassac. Maximin reçoit une instruction primaire mais ne semble pas avoir obtenu le certif. Son livret militaire indique qu’il ne sait pas nager. Il entre très jeune au travail comme ouvrier mégissier. Après le service militaire, il se marie à Aussillon en avril 1907 et habite alors dans cette commune limitrophe de Mazamet. Deux filles naissent en 1908 et 1912, deux fils en avril 1915 et mars 1918, une dernière fille en 1923. Après la guerre, il reprend son travail dans la mégisserie et devient contremaître.
Lors de la déclaration de guerre, il a 32 ans. Il est simple soldat dans divers régiments, puis au 52e d’infanterie coloniale à compter du 16 août 1915. Auparavant, il avait été blessé à Massiges, le 3 février : « plaie pénétrante épaule droite par shrapnell ». Il participe aux attaques de Champagne (septembre 1915), de la Somme (octobre 1916) et de l’Aisne (avril 1917). Le 16 avril, il est devant Hurtebise. Caporal le 9 octobre 1918.
Il semble qu’il n’ait pas tenu de carnet de guerre. Sa correspondance a été brûlée après sa mort et celle de son épouse par une de ses filles. Il reste de ses quatre années de 1914-1918 la photo mentionnée plus haut, son livret militaire, un certificat de visite constatant sa blessure, une fiche de citation à l’ordre du régiment datée du 31 octobre 1917 et sa croix de guerre. Dans les années 1980, ses enfants ont apporté le souvenir suivant : Il ne parlait jamais de la guerre et n’allait pas aux réunions d’anciens combattants. Un de ses copains l’y a entraîné une fois. Il en est revenu à la maison en pleurant et, là, il a tout raconté.        « C’était exactement ce qu’a décrit Barthas », a dit son fils aîné qui avait lu le récit du caporal audois.

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Cozic, Louis (1894-1915)

1 – Le témoin
Louis Cozic est né en novembre 1894, le 28 (p. 5 : Présentation ; p. 137 : Acte de décès) ou le 22 (p. 143 : Photo ; et fiche « Louis, Auguste, Jean, Marie Cozic » sur www.memoiredeshommes.sga.defense.org).
Il grandit à Lannion (Côtes-d’Armor, anciennement Côtes-du-Nord), dans le pays du Trégor en Bretagne, où ses parents tiennent un commerce de quincaillerie. Sa sœur Anna est plus jeune de deux ans. En 1904, leur père décède ; leur mère restera veuve.
Louis est mobilisé en septembre 1914, l’année de ses vingt ans. Il commence sa formation militaire à Brest (Finistère) dans un régiment d’artillerie, mais se voit rapidement affecté au 2e RIC (régiment d’infanterie coloniale), également cantonné à Brest, un régiment décimé dont il faut recomposer les effectifs. Nommé caporal en décembre, il assume diverses fonctions dans une compagnie du 2e RIC cantonnée à Saint-Renan (Finistère) jusqu’en avril 1915, en ayant conscience d’être « embusqué » (lettre du 07.03.1915).
En mai, Louis quitte la Bretagne avec une compagnie du 2e RIC ; les hommes arrivent à Puget-sur-Argens (Var) pour être incorporés au 2e RMC (régiment mixte colonial), un régiment en cours de constitution. Sous la chaleur méridionale, les soldats accomplissent des marches d’entraînement avec des Sénégalais plus performants qu’eux. Seuls les Bretons font preuve de résistance physique.
Début juin, le 2e RMC stationne au camp de Mailly (Aube), puis rejoint le front en Champagne. Le 16 août, le 2e RMC devient le 52e RIC et part occuper le secteur de Souain (Marne), pour y préparer la prochaine offensive. Le 25 septembre, la deuxième bataille de Champagne commence. Louis disparaît. Son corps ne sera pas retrouvé. L’acte de décès indique que le caporal Louis Cozic fut tué le 25 septembre 1915 à Souain.

2 – Le témoignage
Le courrier de Louis a été retrouvé dans la maison de famille à Lannion, par Herve Corbel son petit-cousin. Celui-ci s’est chargé d’éditer les 89 lettres ou cartes envoyées par Louis à trois femmes : sa mère (principale destinataire), sa sœur Anna et sa grand-tante Lucie, lesquelles habitaient ensemble. Le courrier est daté du 11 septembre 1914 au 25 septembre 1915. Bien que datée du 25, la dernière lettre a été écrite le 24 septembre, la veille de l’offensive.
L’édition est enrichie de photos, de la reproduction de quatre lettres écrites par Louis, ainsi que du courrier reçu par Madame Cozic après la disparition de son fils. Ayant entrepris des démarches pour retrouver la trace de Louis, qui pouvait être blessé ou prisonnier, Madame Cozic reçut des réponses échelonnées entre octobre 1915 à octobre 1916 provenant : d’un sergent du 52e RIC, de l’agence des prisonniers Les Nouvelles du Soldat, de l’ambassade d’Espagne (ce pays resté neutre disposait d’une ambassade à Berlin), d’un gestionnaire d’ambulance et d’un ami de Louis.

3 – Analyse
Le courrier de Louis Cozic contient de nombreuses petites informations sur la vie quotidienne, ainsi que des réflexions personnelles.
Ce qui apparaît tout d’abord, c’est la fierté de porter l’uniforme et, de préférence, un bel uniforme comme celui des artilleurs (22.09.1914). Il sera fêté lors du premier retour dans la famille : « J’aurais bien voulu voir Ernest Merer et Pierre-Marie le jour de leur arrivée à Lannion : je pense que la place devait leur paraître étroite, car il fallait faire voir l’uniforme et aussi l’arroser avec le cidre de Lannion. » (09.03.1915). D’où l’importance de la photographie en tenue militaire, que l’on envoie à toute la famille (31.10.1914).
En novembre, Louis est fier d’avoir été reçu caporal, le seul de sa compagnie : « […] aussi j’attendrai maintenant de les avoir reçus [les galons] pour aller à Lannion. » (29.11.1914). En mars, il espère devenir sergent : « […] je dois, moi aussi, être nommé sergent ; j’en remplis déjà les fonctions et il se pourrait que dimanche quand j’irai à Lannion je n’aie plus mes galons rouges […] » (02.03.1915). À quoi s’ajoute l’esprit de compétition : « […] comme Alexandre a eu la médaille militaire, j’espère bien que je l’aurai aussi. » (11.04.1915).

Dans son courrier, Louis s’exprime parfois sur la guerre et l’on peut suivre l’évolution de ses propos. En octobre 1914, croyant bientôt rejoindre le front, il déclare hardiment : « Nous sommes tous contents de partir et je t’assure que, lorsqu’on reviendra, on pourra dire en nous voyant < Voilà ceux qui ont foutu la pile aux Boches > car je t’assure qu’on va leur apprendre à vivre, à ces animaux-là (ou plutôt à mourir) ! » (31.10.1914). Cependant, le mois suivant, il note : « Ceux qui étaient avec moi à l’artillerie et avec qui j’aurais dû partir, sont presque tous tués ou blessés. […] Heureusement que je ne suis pas parti cette fois-là. » (27.11.1914).
Pendant son séjour dans le Var, il écrit : « Nous ne demandons que deux choses l’une, la paix ou le front. » (12.05.1915). Arrivé au camp de Mailly, il exprime de l’indifférence : « Nous devons partir pour le front dans quelques jours. Je ne sais ce que j’ai, mais cela m’est bien égal : je crois que je ne fais qu’un voyage et que, dans quelque temps, je retournerai encore en Bretagne. » (05.06.1915) ; mais il dit également : « Moi aussi, j’étais pressé de commencer [le service militaire] et maintenant je suis pressé de finir. Heureusement que nous allons voir les Boches pour nous distraire. » (11.06.1915).
Après son premier séjour au front, il déclare : « C’est terrible, la guerre : on ne s’imagine pas ce que c’est, que lorsqu’on l’a vu. Hier, en revenant au repos, nous chantions, et les femmes qui nous regarder [sic] passer pleuraient, probablement parce qu’on chantait, mais, en allant au repos, tu comprends si on a le cœur gai ! » (04.07.1915). Il ajoute plus tard : « Je t’assure que je suis pressé de voir la guerre finie. » (06.09.1915).

Lorsque Madame Cozic reçoit les lettres de son fils engagé sur le front, que peut-elle comprendre ? Respectant les consignes, Louis ne mentionne aucun lieu, hormis « Champagne ». En juin, il écrit : « Nous sommes à 6 km de la ligne de feu […] » (14.06.1915), ou : « Nous sommes assez loin des Boches» (17.06.1915). Quant aux tranchées, il dit : « Ici nous ne sommes pas très exposés : les tranchées sont à l’abri […] » (19.06.1915). En juillet, il parle de repos : « […] étant au repos pour longtemps maintenant […] » (14.07.1915). En août, c’est la fabrication des bagues en aluminium qui occupe son courrier. En septembre, c’est la perspective d’une permission.
Cependant, quelques phrases laissent apparaître le danger : « En chargeant à la baïonnette j’ai tout perdu […] (04.07.1915), ou : « Maintenant, du chocolat, on en trouve sur les morts et dans les sacs boches. » (08.07.1915), ou bien : « J’ai failli être blessé l’autre jour, une balle a traversé ma capote, mais elle ne m’a pas touché, heureusement ! » (23.08.1915). En septembre, il confie : « Je viens de passer six jours à quelques mètres des Boches […]. Cette fois-ci, nous avons été marmités en règle, je t’assure qu’ils ne nous ont pas laissé un jour tranquille. » (12.09.1915). Mais, le 24 septembre, la veille de la grande offensive, Louis dit simplement à sa mère : « Ce soir, je dois retourner passer quelques jours dans les tranchées […] ».

Ce témoignage évoque aussi la Bretagne : ce sont les colis de nourriture (joskenn, andouille, boîtes de sardine), le lit dans une armoire bretonne (23.12.1914), les hommes qui sont des pêcheurs de sardines (14.01.1915) ou d’anciens marins (07.04.1915), le désir de boire du cidre avant de quitter la Bretagne (07.05.1915), la nostalgie des fêtes annuelles comme le pardon de Kerauzern (06.06.1915) ou les fêtes de Callac (23.07.1915) ; c’est aussi la solidarité entre soldats lannionnais pour acheter un cercueil à leur compatriote tué (07.08.1915).

Louis Cozic, Je t’embrasse bien fort. À bientôt. Correspondance de guerre d’un Lannionnais 1914-1915, Préface de Roger Laouénan, Présentation d’Herve Corbel, Editions Herve Corbel & an Alarc’h embannadurioù, Lannuon (Breizh), 2016, 151 pages.

Isabelle Jeger, juin 2017

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