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CRID 14-18












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et de Débat

sur la guerre
 
de 1914-1918








Textes destinés à un usage pédagogique

La conduite de la guerre, le commandement et la vie politique

Une dénonciation de la conduite de la guerre en 1915

« Viviani se plaint en véhémentes envolées d’être un gouvernement réduit en quenouille, n’apprenant les choses de la guerre dont il est responsable, que par raccrocs et par potins. Le Grand Quartier Général doit quitter Chantilly. Il l’a appris par la fleuriste de son quartier. « Ce n’est pas agréable pour un Premier ministre », ajoute-t-il. Les officiers de liaison du G. Q. G. avec le gouvernement, pommadés, astiqués, n’ont pas même été capables de le lui dire. Ils l’ignoraient. (…) Je demande la permission de lire ma note intitulée Note pour le Conseil des ministres du 27 avril :
« Il y a lieu de faire pénétrer en haut l’expérience d’en bas. C’est une guerre de détails, de petites victoires. La guerre de tranchées est une guerre de petits commandements, de chefs de section, de commandants de compagnie, de colonels tout au plus. Les officiers d’Ett-Major, qui n’avaient pas imaginé cette guerre, qui ne l’ont pas étudiée, qui ne l’ont pas vécue et qui n’y ont pas commandé, l’ignorent. C’est d’autant plus vrai qu’on monte l’échelle des E.M. Et comme les officiers d’E.M. ne font la liaison qu’avec l’échelon immédiatement au-dessous, il s’ensuit qu’ils ignorent d’autant plus la guerre qu’ils sont plus haut placés. Il serait utile pour l’armée et en outre populaire dans l’armée, que le Gouvernement exigeât que les officiers d’E. M. fassent en temps de guerre, comme en temps de paix, un stage obligatoire de commandement dans la troupe. L’âme de 1793 est en bas, la bureaucratie est en haut.  Voilà le mal. »
Ma note est écoutée dans un profond silence : elle laisse après elle une traînée d’angoisse. Sembat dit : « Nous avons tous eu le sentiment, en écoutant la note de Ferry, que l’offensive prochaine ne réussira pas. Si, comme le demande Delcassé, nous la remettions ? » (…) En sortant, Viviani s’exalte en plaintes amères à l’égard de Joffre : « Un médiocre. » Aujourd’hui, Poincaré et lui ont eu des velléités de révolte. Mais le jour est proche si ne vient la Victoire où, autour de Joffre, le Conseil se divisera. »

Abel Ferry, Carnets secrets 1914-1918, Paris, Grasset, 2005, p. 103-105.

Abel Ferry (1881-1918) est le neveu de Jules Ferry, et sous-secrétaire d’etat aux Affaires étrangères de juin 1914 à octobre 1915. Mais, mobilisable, il est aussi combattant de première ligne à la fin de 1914 au 166e RI. Il alterne durant près d’un an des séjours au front et au Conseil des Ministres où il tente de faire passer son expérience du front et d’influer sur la conduite de la guerre. Le passage relate le Conseil des ministres du 27 avril 1915 auquel participent notamment René Viviani, Président du Conseil, Marcel Sembat, ministre socialiste des Travaux publics,  Théophile Delcassé, ministre des Affaires étrangères et Raymond Poincaré, Président de la République. Un des sujets abordés est celui du commandant en chef Joseph Joffre, qui tient le gouvernement dans une relative ignorance, et que Ferry critique abondamment dans ses Carnets.




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