Une étude évoquant la délicate question, au lendemain du conflit, de la quête par les familles des corps dispersés au hasard des aléas des combats ou des inhumations provisoires. S’appuyant sur l’étude des archives préfectorales conservées pour certains départements de l’ancienne zone de front, l’auteur montre combien les corps des soldats « morts au champ d’honneur » furent pendant et même après la guerre menacés de disparition par la remise en culture des terres. La profanation de la tombe de l’ennemi par les civils est mise en évidence dans le cas, par exemple, de la remise en culture des terres qui furent celles des champs de batailles de la Marne en 1914 : la tombe de l’ennemi est vouée à disparaître sous le soc d’une charrue vengeresse qui, au moyen de cette volonté de faire disparaître le corps de l’ennemi, semble participer à l’effort de guerre… L’auteur montre aussi combien la tâche de gestion de la mort sur les champs de bataille fut lourde pendant et après le conflit : ce qui avait été prévu initialement par les textes réglementaires fut nettement insuffisant pour faire face à l’hécatombe et il fallut mettre en place le plus rapidement possible des moyens supplémentaires pour effectuer – lorsque les conditions matérielles le permettaient – les opérations dites « d’assainissement ». Une partie est consacrée aux exhumations clandestines d’après guerre. Un témoignage particulièrement intéressant issu d’archives judiciaires montre combien les familles étaient prêtes à enfreindre les lois visant à interdire les exhumations et déplacements de corps clandestins pour satisfaire ce besoin quasi-obsessionnel de réappropriation des corps. Une dernière partie s’attache à décrire - après que l’Etat ait donné enfin satisfaction aux exigences des familles - le retour des corps jusqu’aux cimetières communaux et aux tombes familiales.

J.F. Jagielski