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CRID 14-18















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sur la guerre
 
de 1914-1918








Non, la justice militaire et les fraternisations de la Grande Guerre ne sont pas seulement un sujet « de notre époque »

Réponse à l’article de Benoit Hopquin publié dans Le Monde du 12 novembre 2005.


L’article « 14/18 : l’émergence d’une autre mémoire » publié par B. Hopquin dans Le Monde du 12 novembre 2005 contient de nombreux propos contestables et déformant le sujet qu’il traite. Il véhicule, de plus, une vision très unilatérale des enjeux de mémoire du conflit, appuyée seulement sur les propos d’un historien de l’historial de Péronne, Jean-Jacques Becker, sans lui donner de contrepoint. Cet école ne fait pourtant pas l’unanimité.

Prenant pour point de départ une photo d’exécution de soldats pour refus d’obéissance (affaire de Flirey, 1915, mais l'identification est douteuse...), l’article évoque la mémoire des exécutions et des fraternisations et suit J.J. Becker, qui considère ces épisodes comme « contingents » et avant tout valorisés par nos interrogations d’aujourd’hui.

L’exercice de la justice militaire fut pourtant tout sauf « contingent » pendant la Grande Guerre. De même, les exécutions et les fraternisations, dans des registres différents, étaient déjà très présentes et discutées à l’époque. Ce n’est pas simplement une « mise en valeur » d’aujourd’hui comme veut le laisser croire l’article :

1. La gestion disciplinaire des troupes est un très lourd enjeu pour les autorités et les chefs militaires au début de la guerre en particulier. Tout le travail du général Bach le démontre très bien à l’aide de sources de première main (Fusillés pour l’exemple, Tallandier, 2003)

2. Dès la guerre même, cette justice est discutée, contestée et réformée. Je le montre dans Les fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective, Odile Jacob, 1999/2002.

3. Fraternisations, trêves ou accords tacites, et autres « petits gestes de non-agression » sont des pratiques répétées de la guerre des tranchées sur les différents fronts, qui marquaient souvent les soldats. Ces moments de contacts pacifiques d’un camp à l’autre ont existé, avant Noël 1914, après, jusqu’en 1918, selon des intensités et des durées variées, empruntant de multiples formes. Voir l’analyse de première main, qui renouvelle le sujet, de Rémy Cazals dans M. Ferro et alii, Frères de tranchées, Perrin, 2005.

Par ailleurs :

- La question des fusillés n’a pas été « occultée » ou « oubliée » : l’affaire des fusillés de Flirey ici évoquée n’a cessé d’être soulevée dans l’entre-deux-guerres, par les anciens combattants au premier chef, et les historiens l’ont largement rappelé dans leurs travaux depuis (Guy Pedroncini, Antoine Prost puis l’auteur de ces lignes).

- ll n’y a pas « beaucoup » de soldats fusillés à avoir été réhabilités par rapport au nombre des exécutions (moins d’1/10 sans doute).

- Pour le détail, il existe d’autres photos d’exécutions que celle présentée ici, « revendiquée comme unique », et dont l’analyse n’est pas sans difficultés (celle d’un soldat belge fusillé, conservée au Musée d’Ypres, celles publiées par Guy Pedroncini dans son livre 1917, Les mutineries, 1968 etc…)

- Il est aussi d’évidence pour tout chercheur ayant étudié les témoignages des combattants, qu’il arrivait à ces derniers de trouver la guerre « absurde » (« les gens qui l’ont faite ne la trouvaient pas absurde » dit pourtant, sans nuances, J.J. Becker).

Au total cet article rejoue le discours du « tabou » sur des questions en fait bien connues et donne une vision déformante de la Grande Guerre en faisant croire que les soldats la menaient, dans leur ensemble, avec conviction, et que les enjeux disciplinaires n’avaient guère d’importance. Ce serait les sentiments humanistes d’aujourd’hui qui feraient survaloriser des épisodes insignifiants du conflit. Il faudra sans doute expliquer plutôt, pourquoi l’Ecole de Péronne suivie ici par un journaliste qui n’a pas pris le temps de lire les travaux correspondant à son sujet, cherche systématiquement à les minimiser et à les dévaloriser, au mépris des sources. Ce serait un autre texte.

Nicolas Offenstadt

 





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