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Extraits de l’Historique du 106 ème Régiment d’Infanterie

Campagne 1914-1918


Ce texte, relatant la participation du 106 ème R.I. à la Grande Guerre, est extrait d’une brochure consacrée à l’histoire de ce régiment, de ses origines à 1930. Non datée, sans mention d’imprimeur ni d’éditeur, la brochure porte le cachet du 1 er bataillon du 106 ème Régiment d’Infanterie. L’auteur de cet historique est le lieutenant Bonnet (2 ème Compagnie). Il signa le texte en 1934.

Les extraits choisis concernent la période qui s’étend de février à avril 1915, lorsque le 106 e RI se trouvait aux Éparges, sur la côte Meuse, au Sud-est de verdun. L’intérêt principal de ce texte est qu’il peut être mis en relation avec l’ouvrage de Maurice Genevoix (Ceux de 14, Point Seuil) qui est un formidable témoignage sur la Grande Guerre. Genevoix, sous-lieutenant au 106 e RI prit directement part aux engagements des Eparges, où il fut lui-même blessé en avril. Ceux de 14 étant rédigé comme un journal quotidien, il est très facile d’y retrouver les passages qui correspondent aux événements décrits ici. Cela permet de confronter le récit a posteriori tout emplis d’une volonté de célébration et l’impression immédiate du témoin. On sait en effet que le livre de Genevoix est directement issu des carnets qu’il tenait scrupuleusement et que les deux textes différent très peu dans leur contenu.

Les Éparges

Nom à jamais mémorable dans les annales du 106 ème ; nom terrible par les deuils et les souffrances qu'il représente, nom glorieux aussi par les héroïsmes dont il évoque le souvenir. Pendant 4 mois, Officiers et soldats, sans connaître une seule défaillance, rivalisèrent d'ardeur et d'endurance. Ni les bombardements incessants sur nos tranchées, ni les fatigues des travaux continus, ni les rigueurs du froid qui raidissait les membres, ni la pluie transperçant les vêtements et inondant les boyaux, ni même la boue gluante, rien ne put entamer l'énergie et le moral admirable des soldats du 106 ème qui, dans les combats de Février et d'avril 1915, allaient donner toute la mesure de leur valeur.

Première attaque des Éparges : 17 – 22 Février 1915

Le 17 Février, le 106 doit attaquer la crête des Éparges au S.-E. du village, après préparation d'artillerie, et en profitant de l'explosion de fourneaux de mines qui ont été préparés par le Génie.

L'attaque sera faite par le 2 ème Bataillon soutenu par le 3 ème tandis que le 1 er Bataillon reste en réserve à la garde de nos positions.

A 14 heures, les mines explosent, creusant d'énormes entonnoirs. Nos Compagnies d'assaut s'élancent sur la crête avec un entrain endiablé et s'emparent des premières tranchées ennemies, faisant une vingtaine de prisonniers. Mais là, elles sont arrêtées par les obus et les rafales de mitrailleuses. La nuit, assez calme, nous permet d'organiser la position conquise.

Mais le 18, dès le matin, nos unités avancées sont prises sous une pluie d'obus de gros calibre qui les harcèle pendant plus de 3 heures. Fortement éprouvées, ayant perdu presque tous leurs officiers et plus du tiers de leurs effectifs, elles ne peuvent supporter le choc de la contre attaque allemande qui se déclenche à 8 heures et doivent se replier sur nos positions de départ.

Le jour même, à 15 heures, l'attaque est renouvelée par les 2 compagnies les moins éprouvées du 2 ème Bataillon soutenues par le 3 ème Bataillon et une compagnie du 132 ème. Les tranchées boches sont reprises et cette fois, nous devions les garder définitivement. En vain, les obus criblent le terrain jour et nuit, en vain, l'ennemi lance de furieux assauts, 4 dans la journée du 19, un cinquième le 20, un sixième enfin le 21. Mais nos soldats se maintiennent stoïquement sur la position. Le 22, les 2 ème et 3 ème Bataillons, qui ont beaucoup souffert, vont prendre à Rebrupt un repos bien gagné. Ce succès a été chèrement acheté : 300 tués, dont 8 Officiers. 300 disparus et plus de 1000 blessés.

Deuxième attaque des Éparges : 6 – 16 Avril 1915

Le 5 Avril, le 106 reçoit l'ordre de participer le lendemain à une attaque générale du VI ème C.A. ayant pour objet de chasser les Allemands des Haut-de-Meuse. La 24 ème Brigade, encadrée, doit attaquer la hauteur des Éparges par régiments accolés. Le 106 ème à droite.

Au régiment, c'est le 1 er Bataillon, sous les ordres du Commandant Bestagne, qui a l'honneur de mener l'attaque.

Les mouvements de mise en place s'exécutent péniblement car, depuis le matin, une pluie continue a détrempé le sol et les boyaux et tranchées ne sont plus que ruisseaux de boue liquide dans laquelle on s'enfonce jusqu'aux genoux.

A 16 heures, fin de la préparation d'artillerie, toute la ligne d'attaque débouche avec le plus bel élan. Nos 2 compagnies de tête atteignent leurs objectifs, mais sont arrêtées par un barrage intense d'artillerie de gros calibre. Le 6 au matin, les Allemands lancent une violente contre attaque. Surpris par la violence du choc, submergés par le nombre et paralysés dans leur défense, car les fusils et mitrailleuses encrassés par la boue ne fonctionnent plus, les hommes du 1 er Bataillon doivent lâcher le terrain conquis.

Une nouvelle attaque lancée vers 16 heures après préparation d'artillerie nous le rend bientôt avec une quinzaine de prisonniers (le lieutenant-colonel Barjonet qui commande le régiment a été blessé à la jambe mais refuse de se laisser évacuer et conserve son commandement).

L'ennemi n'encaissa pas ce nouvel échec sans protester par des violents bombardements et des attaques rageuses pour nous arracher notre gain. Celles-ci, lancées dans la journée du 7 et dans la nuit du 10, furent repoussées et après quelques fluctuations amenées par un repli momentané de quelques éléments, toutes les positions conquises furent maintenues.

Le drame des Éparges était terminé. La belle conduite du 106 fut consacrée par les ordres du jour suivants :

ORDRE N° 137 DE LA Ière ARMÉE DU 7 MARS 1915

« Est cité à la I ère Armée, le 106 ème Régiment d'infanterie.

A enlevé brillamment la pointe ouest d'une crête transformée par l'ennemi en véritable forteresse. Ayant dû l'évacuer à la suite d'un bombardement d'artillerie lourde des plus violents et ininterrompu pendant 19 heures, s'en est emparé de nouveau par une vigoureuse contre-attaque à la baïonnette, résistant ensuite victorieusement à une série de contre-attaques ennemies.

Signé : Général Roques».

ORDRE DU CORPS D'ARMÉE N° 60

« Le 27 Février, dans une opération brillante, la 24 ème Brigade a enlevé de haute lutte une partie importante de la position des Éparges. L'ennemi avait accumulé sur cette hauteur escarpée, des travaux considérables.

Depuis 4 mois, avec une science avisée, le Capitaine du Génie Gunther dirigeait par la sape et par la mine les travaux de siège régulier qui devaient ouvrir la voie à notre infanterie.

Le jour de l'attaque, après une quadruple explosion de nos fourneaux de mines et une remarquable préparation par l'artillerie, le brave 106 ème Régiment d'infanterie, dans un élan magnifique, escalada les pentes abruptes et couronna toute la partie ouest de la position.

Au même moment, le 132 ème R.I. aborda crânement la partie ouest des Éparges et s'y installa. Le 19 Février, l'attaque fut poursuivie sur tout le front.

Au cours de cette bataille de 4 jours, pendant lesquels l'ennemi nous disputa le terrain avec la dernière âpreté, nos troupes furent soumises à un bombardement formidable. Elles conservèrent néanmoins les positions conquises. Elles repoussèrent deux contre attaques furieuses, firent éprouver des pertes sévères à l'ennemi, lui enlevèrent 700 mètres de tranchées, lui prirent 2 mitrailleuses, 2 minenwerfer et firent 175 prisonniers.

Le 106 ème, le 132 ème, le 67 ème (Bataillon Haguenin), la compagnie du Génie qui prirent la tête dans la colonne d'assaut ont noblement soutenu le renom de la vaillance du 6 ème Corps d'Armée et montré une fois de plus quel succès naît de la fraternité des armes et de l'union des cœurs.

Le Général, commandant le 6 ème Corps d'Armée, adresse ses félicitations à ces braves troupes. Il salue pieusement la glorieuse mémoire de ceux qui sont morts pour le pays.

Il félicite les Colonels Barjonet, commandant le 106 ème R.I. et Bacquet, commandant le 132 ème R.I. qui ont magnifiquement conduit leurs régiments au feu.

Signé : Général Herr».



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