Aubert, Frédéric (1897-1940)

AUBERT Frédéric, Avec ma section, La bataille de la Marne du sous-lieutenant Fred Aubert (27 mai 1918-15 août 1918), Association Bretagne 14-18, 2011, 65 pages (21×29,5) – 54 pages de texte du carnet de guerre de Fred Aubert et 10 pages consacrées à la biographie d’Octave Aubert, père (1870-1950) et des trois enfants, Fred (1897-1940), Louis ( 1900-1945) et Germaine (1908-2011) – I.S.B.N : 2-913518-47-8.

1 – Le témoin
Frédéric, Louis, Charles Aubert est né le 19 novembre 1897 à Saint Brieuc. Dans sa famille on appelait Fred cet aîné d’une fratrie de trois enfants et ce prénom lui resta. Il suivit sa scolarité à Saint Brieuc, puis à la faculté de droit de Rennes, se préparant à devenir avocat. Appelé de la classe 17, il rejoint, au mois d’août 1916, la caserne du 47e RI à Saint Malo. Le 30 avril 1917, il est nommé aspirant et est envoyé en renfort toujours au 47e. Arrivé au front vers la fin du mois de mai, Fred Aubert participe avec son régiment, à partir du 15 juin 1917, à la deuxième bataille défensive de Verdun entre les bois des Fosses et le bois des Caurières. Le 47e reste sur le front de Verdun jusqu’au 20 mai 1918. Après l’offensive allemande du 27 mai 1918, le régiment malouin fait partie du dispositif de défense qui, dans le secteur de Dormans, contient l’avancée allemande. Le 24 juin, l’aspirant Fred Aubert est nommé au grade de sous/lieutenant. Le 14 juillet 1918, les Allemands lancent la 4e bataille de Champagne ; pendant cinq jours, les 14, 15, 16, 17 et 18 juillet, le 47e fait face aux attaques. Puis, à partir du 19 juillet, il prend part à la poursuite. Fred Aubert est alors chef de section. Le 15 août, intoxiqué par les gaz, il est évacué sur l’ambulance de Sézanne, puis transporté à l’hôpital de Périgueux où il se rétablit lentement pendant deux mois. À la suite d’une courte convalescence dans sa famille, il rejoint, après l’armistice, son régiment cantonné à Mutzig et entre dans Strasbourg le 22 novembre, puis en Allemagne.

2 – Le témoignage
Avant de présenter ce témoignage, il faut parler de la suite de la vie de Fred Aubert. Homme influent de Saint-Brieuc entre les deux guerres, cet avocat laïque et républicain mais farouchement indépendant, est de nouveau mobilisé en 1939, comme commandant de la 3e compagnie au 19e RI. Cette unité se trouve face aux Allemands dans les Ardennes lors de leur offensive éclair le 10 mai 1940. Le 14 mai, alors que, partout, les troupes françaises reculent, le capitaine Fred Aubert, menacé d’encerclement, refuse de retraiter et prend l’initiative d’une contre-attaque au cours de laquelle il est tué d’une balle au front. La guerre va être cruelle pour ses parents car leur second fils, Louis Octave, très engagé dans un réseau de renseignements, sera dénoncé, arrêté, torturé, déporté au camp de Sandbostel où il décédera juste après l’arrivée des Alliés. Il ne restait plus aux époux Aubert que Germaine qui fut, elle aussi, un personnage important de réseaux de renseignements et d’évasions et qui vécut jusque 103 ans. Dès 1945, Octave Aubert, célèbre éditeur breton, forma le projet de publier le court carnet de guerre laissé par son fils aîné Fred où il relatait, jour après jour, ses combats sur la Marne et au nord du fleuve, du 27 mai au 15 août 1918, jour de son évacuation. Première édition, discrète, d’une cinquantaine d’exemplaires distribués dans la famille ou chez les proches. L’association Bretagne 14-18 qui avait pu se procurer un de ces exemplaires put obtenir des dernières nièces de Fred Aubert l’autorisation de rééditer ce témoignage.
Du 27 mai au 15 août 1918, l’aspirant puis le sous-lieutenant Fred Aubert avait consigné les événements de chaque journée de combat au sein du 47e RI. A partir du 15 juillet, jour de l’attaque allemande, le texte se densifie, devient plus détaillé, et il va le rester jusqu’au 15 août. Le 47e est alors très sollicité et participe presque quotidiennement à de très âpres combats. Cette guerre de juillet-août 1918 relatée par Fred Aubert n’a plus rien à voir avec la guerre de positions. Le front se modifie sans cesse, au fur et à mesure des assauts allemands de la mi-juillet puis de leurs reculs progressifs. Il est recommandé au lecteur de ce carnet de posséder une carte pour suivre les incessants mouvements des belligérants.

3 – Analyse
Ce récit est un document brut, écrit à chaud. Fred Aubert, qui s’avèrera plus tard comme un auteur de talent, ne se prête pas ici à un exercice de style. Il relate, de façon parfois haletante, presque sans pause, les péripéties d’un combat sans merci. Ce ne sont que des phrases très brèves, ce n’est qu’un récit saccadé qui rend bien compte de ces violents engagements sporadiques en rase campagne, souvent confus. Les soldats français sont certes mus par la perspective de la victoire, après les journées indécises de la mi-juillet, mais les Allemands s’accrochent et ne cèdent que pied à pied. La journée du 28 juillet est narrée comme une forme de match (Fred Aubert fut un footballeur passionné ; le stade de Saint-Brieuc porte son nom), sans répit. Le sort de la bataille reste longtemps indécis. Les pertes sont épouvantables des deux côtés et Fred Aubert ne cache rien de ces horreurs. Il avoue ses fatigues, ses incertitudes dans un affrontement impitoyable de presque tous les instants mais ne dévoile rien de ses sentiments qu’ils soient de peur, de compassion ou de haine. Il ne se met pas en valeur, il se contente de décrire sans fioritures et sans apprêt de style. Il est tout entier impliqué dans la bataille et ne décrit que la bataille. La sécheresse de ce petit récit trépidant et captivant fait encore plus approcher l’épouvante de ces journées décisives et finalement assez mal connues où ce qu’on appela la poursuite fut loin d’être une simple promenade militaire pour les troupes alliées. Fred Aubert n’envisageait pas de publier ce petit texte, rangé dans ses archives. Les circonstances firent que son père, pour honorer sa mémoire, le sortit d’un oubli programmé par l’auteur.
René Richard

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