Michel, André (1892-1981)

1. Le témoin

Né le 21 février 1892. Appartient à la classe 12. Son père est officier supérieur d’active et commande la mobilisation à Aurillac. Catholique. Part à la guerre avec le grade de sergent au 139e RI de cette même ville et y commande une demi-section de réservistes. Blessé une première fois le 25 août 1914 dans les combats du bois Bazien (Vosges). Nommé lieutenant en 1915. Sera blessé une seconde fois à Verdun en 1917. Deviendra ingénieur après la guerre. Mobilisé à nouveau comme officier d’un régiment de cavalerie en 1940.

2. Le témoignage

Journal de Campagne d’André Michel, 1914, Komédit, 2008, 79 p. Avant propos de Raymond Riquier (pp 7-17). Présentation par son fils, Gérard Michel (p 19-24). Photographies non légendées. Croquis de l’auteur pour illustrer certaines phases de combats (pp 60-74 et 76). Itinéraire de l’auteur du 9 au 25 août 1914 (p 25).

Ce journal de campagne, écrit sur un cahier et accompagné de notes prises au jour le jour, a été retrouvé par le fils de l’auteur, après sa mort survenue en 1981. Il couvre une période s’étendant du 1er août au 25 août 1914 et évoque la période de mobilisation à Aurillac et les combats de la bataille des frontières dans le secteur des Vosges. Le journal semble avoir été rédigé en 1914 au cours d’une période de convalescence occasionnée par une première blessure, d’après les dires de l’auteur, pour ses parents. Le cahier est accompagné d’un document écrit sur cinq pages et reproduit en annexe (La 1ère compagnie à Bruderdorf, 20 août 1914, combat de Sarrebourg, pp 75-79). Les têtes de chapitre de la publication respectent celles du cahier. Le chapitre « La campagne » est particulièrement riche en évocations des nombreuses défections de la troupe en ce tout début guerre.

3. Analyse

La mobilisation

1er août : Apprend l’ordre de mobilisation. « A la maison tout le monde est calme et résigné. » (p 28)

3 août : « Du quartier j’ai vu partir et arriver quelques trains de réservistes. C’est un spectacle bien réconfortant car ils ont tous l’air bien enthousiastes et ils chantent. » (p 30)

Le transport

8 août : « Nous passons à Clermont, Rion (sic), Moulins. A Paray-le-Monial des jeunes filles nous mettent à tous sur la poitrine de petits insignes du Sacré-Cœur et tout le monde les garde. Qu’il nous protège, nous et la France ! » (p 33)

9 août : « Pendant le voyage, un dénommé D. de la 2e section est devenu fou. Il est là sur le quai, faisant des signes de croix, des prières ; les médecins ont de la peine à l’approcher. »

La campagne

11 août : « Le soir, quand j’étais couché il s’est passé un incident. Les officiers du 1er Bon dînaient à côté d’une fenêtre ouverte devant laquelle il y avait beaucoup d’hommes qui entendent tout à coup le commandant R. déclarer « Après tout, il faut qu’ils marchent ou qu’ils crèvent. » Le Cne B. se lève et déclare au Ct que ce qu’il dit là est indigne et dégoutant. Pendant ce temps les hommes crient « Assassin, assassin. » » (p 37)

13 août : « Sur la route passent des hommes du 17e d’Infanterie et du 17e Chasseurs à pied qui nous racontent que la veille ils ont essayé de déloger les Allemands de leurs tranchées du côté de Badonviller et de Baccarat ; certaines compagnies ont été décimées par le feu de l’ennemi ; ils ont peur des baïonnettes, paraît-il. » (p 39)

14 août : « Pas mal d’hommes sont effrayés entre autre le Lt L. qui perd la tête au point de ne plus savoir quelle formation on prend sous le feu de l’artillerie. » (p 40)

20 août : « Quelques minutes après le Cne R. me dit : « Sergent Michel, allez donc derrière cette maison G [indiquée comme telle sur un croquis] et ramenez les hommes qui se cachent derrière. » J’y vais donc et renvoie quelques hommes entre autre le caporal D. qui claque des dents et me dit qu’il ira quand on commencera à tirer ; il ne se décide à y aller que quand j’ai armé mon fusil et que je lui ai placé ma baïonnette sur la poitrine. » (p 62)

Abandon de matériel sous l’effet de la panique : «  En chemin, je trouve une caisse de cartouches de mitrailleuse abandonnée là. Je la ramasse et l’emporte. C’est lourd en effet mais on n’abandonne pas ainsi 600 cartouches. En arrivant au bois un mitrailleur me la reprend. » (p 63)

21 août : «  Mais au premier coup les hommes ont tiqué et voyant quelques hommes de la section voisine qui se défilent en arrière ils ont bien envie d’en faire autant je bondis à l’arrière de la section et j’arme mon fusil menaçant de brûler la cervelle au premier qui partira (…) Malheureusement  on nous donne l’ordre de nous déployer en tirailleurs et les hommes échelonnés alors sur une grande largeur échappent à ma surveillance et je les vois qui un à un se défilent en arrière sans que je puisse les arrêter par les cris. » (pp 65-66)

J.F. Jagielski, décembre 2010

Share