Sévin, Antoine (1896-après 1986)

1. Le témoin
Fils de mineur du Pas-de-Calais, Antoine Sévin perd son père et tous les hommes de sa famille lors de la catastrophe de Courrières en 1906. Sorti de l’école primaire à 13 ans, il est engagé à la mine pour travailler au même puits où était mort son père. La famille fuit devant l’arrivée des uhlans en août 14. Lui-même est mobilisé le 8 avril 1915. Il fait ses classes et un entraînement au camp de La Courtine, et il est nommé caporal avant de partir au front au 9e BCP. Il est sergent à la fin de 1917.

2. Le témoignage
Antoine Sévin est un parent de Gaston-Louis Marchal qui a édité ses souvenirs en 1986 à Castres, sous le titre Ma chienne de jeunesse, De la catastrophe de Courrières à la guerre de 1914-1918, ronéoté, format A4, agrafé, tirage à 80 exemplaires numérotés. On sait que ces souvenirs ont été écrits « 70 ans après la guerre », mais on ignore si c’est spontanément ou à la demande de Marchal. Celui-ci a retouché le texte dans la forme, comme le prouve la comparaison entre deux passages en fac-similé et la version dactylographiée. Des « dessins automatiques » d’Antoine, qui « tournent aux monstres », illustrent le texte. Celui-ci manque de dates précises. Il semble ne pas s’appuyer sur des notes, mais sur le simple souvenir.

3. Analyse
Rencontrer des copains « du pays » est un bonheur à La Courtine. Au front, la découverte du premier mort porte un coup sensible au jeune soldat. À un aspirant issu d’une grande famille qui lui fait un cours de patriotisme et termine en espérant qu’il fera son devoir, Antoine répond qu’il le suivra partout (mais il ne l’a plus revu). Lors de la première corvée de ravitaillement, les cuisines sont détruites par un obus qui tue aussi des chevaux ; on repart en emportant des biftecks de cheval. Une blessure le sauve de l’attaque sur le Chemin des Dames qui est un véritable massacre ; sa marraine de guerre vient voir le fils de mineur à l’hôpital en calèche. Il se souvient du bois des Caures où Driant est mort ; du ravin du Cul du Chien, qui était dominé par les Allemands. Dans le secteur d’Avocourt, lors de l’hiver 1917-1918, l’inondation oblige à sortir des tranchées, et Français et Allemands fraternisent. Son unité est chargée de retarder la progression ennemie lors de l’attaque allemande sur le Chemin des Dames en mai 1918. Puis il participe à l’offensive du 15 septembre sur Mesnil-les-Hurlus, en liaison avec les petits tanks Renault, sous les obus à l’ypérite. Il enterre un camarade tué et repère la tombe pour informer ses parents. Il est en permission lorsqu’il apprend la nouvelle de l’armistice.

Rémy Cazals, juin 2011

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