Testes (-)

TESTES, Vies sacrifiées, Paris, Spès, 1926, 176 pages

Résumé de l’ouvrage :
L’auteur, TESTES, qui pourrait être Marie Le Mière, présente un recueil de biographies, ayant valeur de Livre d’Or, 19 contemporains du fondateur de l’Union Catholique des Malades, au premier semestre de 1914, avec pour point de catalyse le sanatorium de Leysin, en Suisse, spécialisé dans le traitement des tuberculeux. Autant de personnages dont la vie, sacrifiée par la maladie, se sont, en entrant dans l’association, rapprochés de Dieu.

Commentaires sur l’ouvrage :
Très peu d’intérêt dans ces biographies de malades qui se sont, à un moment de leur vie brisée par la maladie, tournés vers la religion dans l’U.C.M. Malgré qu’ils soient contemporains de la Grande Guerre, certains n’ont pour la plupart qu’un lien assez ténu avec « l’expérience de guerre ». Aussi très peu d’éléments peuvent être dégagés à la lecture de cet ouvrage qui fait un lien profond entre l’Histoire de l’Union Catholique des Malades et de ses créateurs ainsi que des sanatoriums, dont celui de Leysin. L’ouvrage donne aussi quelques éléments sur l’association protestante des Coccinelles, fondée par les suissesses Adèle Kamm et Louise Dévenoge en 1909 et dont Louis Peyrot s’inspira. L’ouvrage peut toutefois se révéler intéressant dans le cadre d’une étude de parcours des malades et des empêchés dans la Grande Guerre.
Louis Peyrot (fondateur de l’U.C.M. le 4 mars 1914) est né le 11 janvier 1888 à Néris-les-Bains, près de Montluçon (Allier) d’un père docteur. Il est dans cette commune lorsque la guerre se déclenche et les blessés y affluent rapidement. C’est probablement lors de son service militaire, en octobre 1906, au 121ème qu’il commence à développer sa maladie, il sera à jamais écarté de la Grande Guerre à cause de sa tuberculose, qui lui ôtera finalement la vie en août 1916.
Jean Girardot, fondateur de l’U.C.M., qui semble avoir toujours été malade, dit, la guerre déclarée : « Nous sommes des contemplatifs par force » (page 42) avant de distiller, dans un court extrait de journal de maladie en guerre, ses pensées religieuses, se disant, le 24 février 1917, très heureux d’être malade à la maison entourés des siens. Il meurt le 24 juillet suivant.
Thérèse Mias, rémoise, sœur d’un médecin, tombe malade à l’âge de 22 ans, en juin 1915. Elle aussi fréquente Leysin, foyer religieux qui l’invite à entrer dans les ordres, le Tiers-Ordre de Saint-François, qu’elle intègre en mai 1916.
Charles Rheinart, autre fondateur de l’U.C.M., naît le 25 mai 1873 à Charleville dans les Ardennes. Militaire, malade, il se tourne vers la religion avant de décéder le 18 mai 1914.
Marie Louise Geneviève Marcellot, né en 1891, se destine à la religion dès l’âge de 8 ans en entrant dans une église près d’Eurville, en Haute-Marne. Mais au cours d’un voyage en Angleterre et à Rome, elle tombe malade et la guerre la surprend dans son village, à quelques kilomètres au sud-est de Saint-Dizier. Malgré la menace de l’invasion, elle ne le quitte pas et y installe même une ambulance. Se démultipliant, elle dit : « Sans l’avoir choisie, j’ai la meilleure part », ajoutant : « Ici, on a presque la nostalgie du champ de bataille », se morfondant d’un front si proche mais pour tant si lointain, où elle pourrait rencontrer « le grand souffle » de la guerre et « l’élan vivifiant de la bataille » (pages 74 et 75). Deux années de ce « régime » l’affaiblissent à nouveau, l’obligeant elle-aussi à Leysin. Elle rechute en 1921 avant de mourir le 1er juin 1923, dans sa 32ème année, d’une hémoptysie.
Marie-Thérèse Pinot « fit à 11 ans sa première communion sous l’égide de son oncle, l’abbé de Cabanous, curé de Saint-Thomas d’Aquin » (page 84). Elle perd ses parents très tôt et rêve d’embrasser une carrière médicale pour se consacrer aux pauvres. Un de ses frères combat en Argonne, dont elle s’occupe lorsqu’il est évacué pour pieds gelés. Malade, elle rechute en octobre 1915. Elle décède à Boulogne-sur-Seine le 16 janvier 1916.
Madeleine Vernhett, qui a habité Nîmes et Genolhac, dans le Gard, semble mourir en 1919.
Anaïck Petit de la Villéon, appelée familièrement Yeddy, a 14 ans quand elle entre à l’U.C.M. Ayant passé la quasi-totalité de sa vie malade et alitée, elle meurt le 19 mai 1920.
L’abbé Louis Delcroix, qui souffre étant enfant d’Hémoptysie, fait le Grand Séminaire à Lille. Habitant la Belgique lorsque la guerre se déclenche, il raconte en quelques phrases l’arrivée des Allemands à Lille le 4 septembre 1914, échappant de justesse à l’occupation et au bombardement, contrairement à ses deux sœurs, restées dans la ville. Il meurt le 8 mai 1918 au Dorat, en Haute-Vienne.
Albert Lapied, né en 1903, est issu d’une famille d’artisans parisiens de 8 enfants. Son père est imprimeur, l’un de ses frères sera typographe, un autre lithographe. Il perd sa mère en août 1919 et est quant à lui gravement malade, passe de sanatoriums en sanatoriums. Il meurt paisiblement à Paris.
Florence Peyrard est la 15ème de 17 enfants. Née dans une famille pauvre, elle travaille dès l’âge de treize ans dans une des deux usines Sainte-Julie et Sainte-Marthe de tissage de soieries à Saint-Julien-Molin-Molette, dans la Loire. Elle y subit les grèves de 1917 qui lui font perdre son emploi. Elle a 17 ans lorsque ses parents la placent comme domestique à Lyon, puis à Paris, mais elle y attrape la tuberculose. Elle décède en mars 1921.
Mme Philippe habite à Solal, petite commune de Suisse où elle est paysanne. Elle épouse un français qui est mobilisé dès le 3 août alors qu’elle est enceinte d’une petite fille qui naît le 21 septembre 1914. Son mari, cité à l’ordre du jour et déjà croix de guerre, vient en permission à Soral le 3 août 1915, faisant connaissance enfin avec son enfant. Elle ressent les premiers symptômes de sa maladie le 14 septembre suivant. Elle donne à sa fille une petite sœur le 15 juillet 1916. Mais, son état s’aggravant, elle doit elle-aussi intégrer le sanatorium de Leysin et le 2 novembre 1918, elle s’éteint quelques jours avant l’Armistice et le retour de son mari.
Alors qu’il est admissible aux examens de l’école Polytechnique en juin 1910, Louis Teisserenc doit partir pour Leysin, qu’il quitte en 1913 pour entrer à Combo-les-Bains. Il retourne enfin dans sa famille à Lodève en mai 1914 mais finit par s’éteindre le 13 juillet 1915.
L’ouvrage cite encore Anne-Marie de Germiny, dont le frère aîné meut meurt au champ d’honneur, Mme Fagneux, dont le mari et les quatre frères sont au front, Marthe Hortet, Marguerite Ducrest, Georgette Francey, Suzanne Legoux, de Mantes, tombant malade en quêtant pour les orphelins de 1915. Suivent encore Pierre Colin et Pierre Vallot, « qui connurent tous deux la douleur d’être retenus par la maladie loin des champs de gloire, aux jours de la Grande Guerre » (page 157) aux sanas de Durtol, Cambo, Montana ou Leysin.
Henriette Ferté naît quant à elle le 17 juillet 1892 à Acy, près de Soissons, dans l’Aisne, dans une vielle famille de propriétaires terriens. Elle perd son père à l’âge de trois ans et demi et se destine à entrer chez les petites Sœurs de l’Assomption, le 15 octobre 1913. Mais la maladie l’en empêche et, moins d’un an plus tard, elle fuit devant l’invasion allemande, pour s’arrêter dans le Limousin. Elle revient à Acy, où les tranchées de seconde ligne commencent derrière la ferme. Son état s’aggrave en février 1916 et elle entre à Leysin en juillet suivant. Le 27 mai 1918, la famille Ferté doit à nouveau fuir devant l’avancée allemande, exode organisé par Victor, le frère aîné d’Henriette, pour échouer comme réfugiée au château d’Arthé, dans l’Yonne. Son frère tente à plusieurs reprises de rentrer en pleine bataille : « Il a vu les ruines plus nombreuses qu’au premier voyage, écrit-elle le 30 août, et n’a pu demeurer même 24 heures, étant repéré par avion ou enveloppé de ces gaz odieux… La maison tenait toujours, et le jardin, transformé en forêt vierge, embaumait. Un silence désertique sur le village. Pas une âme alentour. Et, seule, la voix du canon pour scander les heures. Les Barbares ont pris nos vieilles cloches, fidèles amies de toujours, qui avaient tant sonné pour nos joies et nos deuils » (page 170). Elle quitte toutefois le manoir d’Arthé le 1er octobre pour renter dans une maison restée miraculeusement debout malgré une guerre si proche, et où elle va vivre les « jours exaltants de la victoire » (page 170). La vie d’après-guerre reprend et Henriette s’installe à Soissons le 13 août 1919. Mais la maladie trouve son chemin et elle finit par s’éteindre le 21 octobre 1920 à midi.

Sur l’U.C.M., la lecture de cet ouvrage peut être complétée par celle de L’apostolat d’un malade : Louis Peyrot et l’Union catholique de malades / Jean-Paul Belin | Gallica

Yann Prouillet, 29 juillet 2025

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