Puistienne Jean (1896-1983
Escadrille 155. Jean Puistienne & Jean Bommart. Berger-Levrault, 1935, 222 pages
8 mars 1917, après une blessure, Jean Puistienne, du 105ème R.I., est versé comme élève-pilote dans l’aviation. Il débute alors son journal de guerre qui l’amène, de sa arrivée à l’école de Dijon, en passant par en passant par Istres, Avord et Pau, à sa nomination comme pilote de chasse à la N 155. Il raconte dans ses écrits sa formation, son intégration comme « bleu », ses combats jusqu’à l’apothéose de la victoire, « défilant » au-dessus de Metz, le 19 novembre 1918, pour y récolter … une radiation du personnel naviguant !
Eléments biographiques :
Jean, Charles, Victor Puistienne est né le 29 octobre 1896 à Vichy (Allier). Il est le fils de Léon, docteur en médecine et médecin-chef de l’hôpital thermal de la ville et de Marie Charlotte Berlencourt. Il s’unit à Casablanca au Maroc le 23 février 1935 à Simone Raufast, née en 1906. Il a une sœur, Colette, née en 1900, et semble être chef d’entreprise à Casablanca après la Grande Guerre. Il y a peu d’éléments sur son parcours militaire. Classe 1916, étudiant célibataire, il est recruté à Roanne et appelé préliminairement au 121ème RI le 9 avril 1915 puis passe au 105ème R.I. de Riom (Puy-de-Dôme). Blessé au visage sur la Somme à l’automne 1916 par éclat d’obus, il souhaite changer d’arme et, en mars 1917, après quatre demandes infructueuses, parvient à entrer en formation d’élève-pilote. Il dispose d’une fiche de personnel sur le site personnel de l’aéronautique dans Mémoire des Hommes. Il passe avec succès les différentes phases de formation, du débourrage à Dijon dès le 31, à son affectation comme pilote à l’escadrille N 155 stationnée alors à Mélette, près de Châlons-sur-Marne (aujourd’hui Châlons-en-Champagne) et dont l’insigne est le Grand Cacatois, un perroquet puis le Petit Poucet en mars 1918 (page 133). Il passe caporal le 20 juillet 1917 et termine sa campagne comme sergent. Fin 1918, il obtient une citation qui reprend ses actions teintées de courage (reportée page 218). Le 11 novembre, il sous-entend qu’il est un miraculé ; il dit : « Décidément nous n’aurons pas laissé notre peau dans la bagarre ». Sa carrière comme aviateur, pourtant brillante, malgré 14 mois à tromper la mort dans le ciel, s’achève dans une bacchanale aérienne qui le destitue. Le 19 novembre, au-dessus de Metz reconquise, il survole, en compagnie de 4 camarades, le défilé de la victoire. Il dit : « Et c’est le drame : … Lequel a commencé ?.. Un carrousel aérien se déclenche… Loopings, glissades, boucles… au-dessus de la foule ravie… Soudain, une clameur s’élève… Avec fracas, un Spad vient de s’écraser sur le pavé… ». Le 13 décembre, la sanction tombe. « Le sergent Puistienne, du 105ème d’infanterie, détaché à l’escadrille SPA 155, cité à l’ordre de l’armée… Une blessure… et ses quatre camarades sont punis de quinze jours d’arrêts de rigueur, radiés du personnel navigant de l’aéronautique et renvoyés dans leurs armes respectives, avec le motif suivant : « Pilotes absolument inconscients, sont un danger pour la sécurité publique ». « Nous nous sommes inclinés, sans protester. La guerre était finie. On n’avait plus besoin de nous (page 215 à 219). » Il termine, amer, son journal en disant « Si – ce qu’à Dieu ne plaise – on avait un jour de nouveau besoin de nous, il serait inutile de nous appeler » (page 219) mais il semblerait toutefois que Jean Puistienne soit resté dans l’aviation puisqu’il figure au grade de capitaine à l’effectif de l’escadrille ERC (Escadrille de Réserve de Chasse) 571 stationnée à Casablanca le 10 mai 1940. Jean Puistienne décède le 23 janvier 1983 à Lagardelle-sur-Lèze (Haute-Garonne) à l’âge de 86 ans.
Commentaires sur l’ouvrage :
A l’instar de Georges Villa dans son carnet de guerre paru dans Au-dessus de la tranchée pour l’aviation d’observation, Jean Puistienne livre dans son carnet de vol un témoignage vivant, « sur le vif », haletant même si peu délayé, mais qui rapporte excellemment la vie et l’évolution d’un pilote de chasse de la Grande Guerre en formation puis en combat sur les deux dernières années de guerre. Après un an d’apprentissage, il vole sur le Môme Jeannette, décrivant un combat aérien de manière haletante et finalement impressionnante, évoquant un véritable « sabbat » (page 176). Il est heureux quand il abat enfin son premier « boche » le 27 janvier 1918 (page 120). Un ouvrage à placer ainsi dans les tout meilleurs témoignages sur l’aviation. Le livre est préfacé par Gilbert Sardier, ancien chef d’escadrille de la SPA 48 qui évoque « notre jeunesse sportive ; insouciante, fougueuse, dont le patriotisme exalté par l’appel du Pays en danger fut mûri par le climat ardent de l’Aviation de Chasse ». L’ouvrage est co-présenté par le journaliste et romancier Jean Bommart, dont on n’identifie pas le rôle exact dans la publication.
Renseignements tirés de l’ouvrage :
Page 36 : Tente D.W., Dickson-Walrave (vap 157), tente au velum blanc (p.177)
42 : Terminologie des élèves par rapport à leur niveau d’apprentissage
43 : Tenue copurchic
68 : Le Fantôme, fuselage d’avion fixé au sol et son fonctionnement
86 : Casque Roold, et chanson sur
92 : Avion camouflé
98 : Tricots Rasurels et lutte vestimentaire contre le froid
105 : Réseau tissé par les balles incendiaires
109 : « Mission spéciale » du dépôt d’espion derrière les lignes ennemies
119 : Différence entre guide et chef meneur d’homme
121 : Ce qu’il faut faire en cas de capture (brûler l’avion, lexique, Colt + 3 chargeurs)
: Bague touchwood, porte-bonheur
133 : Choix du Petit Poucet comme nouvel insigne, proposé par le lieutenant Persillie
135 : « Beau spectacle, un peu bruyant » des mitrailleuses et de la DCA
139 : Nom des avions (Spad, Nieuport, Morane, Bréguet, Caudron, Dorand, Farman, Sopwith, Letord, Voisin, Caproni) et caractéristiques
158 : Assèchement du terrain à l’essence enflammée
177 : « J’ai retrouvé un éclat de ferraille incrusté dans mon bloc-notes »
179 : Enrayage trop fréquent des Wickers
181 : Degorce se lave les dents avec une allumette enduite de craie pour enlever le tartre
196 : Autrey (Vosges)
201 : Citation de l’Escadre de combat n°1 signée par Pétain. La N155, en 7 mois, a abattu 106 avions et incendié 42 drachens,
208 : Au retour d’un combat, il compte 23 balles dans son avion, dont deux dans le pare-brise
210 : « Penché sur le vide, son mitrailleur distribue une mort scientifique six cents fois à la minute »
213 : Il survole le Bois-le-Prêtre et dit : « Pont-à-Mousson passe, les anciennes lignes silencieuses, mortes, qui font tâche dans le paysage vert comme la cicatrice d’une vieille blessure »
219 : Affaire de l’accident aérien de Metz, qui lui vaut sa radiation
Yann Prouillet – 17 avril 2025