Duchêne, Joseph (1876-1932)

Joseph, Marie, Jean-Baptiste Duchêne est né le 22 avril 1876 à Massingy (Haute-Savoie), cinquième et dernier enfant d’une famille d’agriculteurs. Son oncle curé le pousse dans ses études. Après le baccalauréat, il obtient une licence de Lettres à l’université de Grenoble en 1898. Service militaire au 30e RI d’Annecy où il devient sergent. En 1902, il part comme professeur de français au lycée de Kielce en Pologne russe. En 1905, il épouse Marie Makarow, également professeur au lycée de filles. Deux fils nés à Kielce.
En août 1914, il rejoint la France en bateau (Odessa-Constantinople-Marseille) et, avec un renfort du 230e RI, il arrive sur le front en Meurthe et Moselle en octobre. Sa famille est restée à Kielce et finit par venir en France en juillet 1915. Les combats de 1914-1915 sont racontés sur deux carnets dont le texte intégral est accessible sur le blog créé par Aline Duchêne :
http://1914-joseph-duchene.eklablog.com
En avril 1916, il est nommé officier interprète auprès de l’état-major de la 1ère brigade russe en France en Champagne. Un seul carnet a été retrouvé sur cette période : quelques lignes sur avril 1916 et quelques pages sur 1917 (de février à juin). Aline Duchêne annonce que le texte sera également bientôt accessible sur le blog.
Les notes prises sur ce carnet sont brèves et, si elles étaient claires pour l’auteur, ce n’est pas toujours le cas pour le lecteur. On voit arriver les nouvelles de la révolution à Petrograd, on a des échos de l’attitude des officiers et de l’agitation des soldats. Le 14 mai, ceux-ci arborent cocardes et drapeaux rouges. Plusieurs photos de la collection personnelle de Joseph Duchêne sont intéressantes.
En même temps, les notes portent sur le recul allemand de mars 1917 et l’offensive Nivelle, secteur de Brimont. Un détail : lors d’un déplacement à cheval et sous un bombardement au gaz, le cavalier veut passer, mais le cheval refuse.
Le 29 juin, Joseph Duchêne signale l’arrivée à La Courtine, mais ses notes ne vont pas au-delà.
Voir la notice Gavrilenko.
Après la guerre, Joseph Duchêne reste interprète de russe et de polonais pour les missions du général Niessel en Pologne et du général Mangin en Russie. Il devient ensuite directeur de l’Office français du commerce extérieur pour la Russie ; en 1929, en Pologne, il est délégué du Groupement des industriels français. Il meurt à Varsovie en mars 1932.
Rémy Cazals, juillet 2016

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Perroud, Marius (1881-1951)

1. Le témoin

Né le 3 février 1881 à Epagny (Haute-Savoie), fils de Joseph Perroux et de Françoise Grandchamp. Il est en 1914 métayer à Seysolaz (Haute-Savoie), marié, père de trois enfants. Au 230e RI, en Lorraine, à Verdun, en Champagne. Quitte le front en décembre 1917 en s’engageant dans la gendarmerie. A la retraite en 1930. Mort à Chambéry le 29 décembre 1951.

2. Le témoignage

Marius Perroud, Mes mémoires de la guerre 1914-1918, édité par P. Perroud, 1352 route de Bellecombette, 73000 Jacob-Bellecombette, 2006, 148 p., illustrations.

En 1940, Marius rédige ses mémoires de guerre pour ses petits-enfants, une première partie, jusqu’à octobre 1915, d’après un carnet de route conservé, et la deuxième partie d’après sa mémoire : « Ayant égaré le 2e carnet, je me vois obligé de faire appel à ma mémoire et à m’en reporter aux principaux faits sans pouvoir en préciser les dates exactes. » L’édition, non commercialisée, est une initiative familiale.

3. Analyse

Marius Perroud montre bien son appartenance au monde rural : le 2 août 14, sachant qu’il devait partir, plusieurs habitants du village viennent l’aider à rentrer le blé ; à proximité du front, il va aider les cultivateurs à rentrer l’avoine, à arracher les betteraves ; il trouve « pitoyable à voir » que les gradés fassent faire l’exercice dans les champs en détruisant les récoltes (« un crève-cœur pour un cultivateur comme moi ») ; il estime navrant de passer des journées à jouer aux cartes alors qu’il y a « tant de travail à la maison ». Il s’indigne de voir que, après une attaque, on a décoré de la Croix de guerre les deux soldats qui avaient gardé les sacs.

On trouve une bonne illustration du rôle du « regard des autres » en octobre 1916 à Verdun dans le récit de Marius Perroud : le commandant fait un discours patriotique et demande s’il y a des soldats qui ont peur et qui ne veulent pas aller à l’attaque. Et personne ne bouge. Récit intéressant et assez détaillé de fraternisation à l’occasion de l’inondation des tranchées en décembre 1915 (voir Louis Barthas).

Installé à l’arrière, il poursuit brièvement son récit, content d’avoir « réussi à fuir le front », devenu gendarme, mais en butte à l’animosité des anciens du métier.

Rémy Cazals, 11/2007

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