Boursicaud, Aimé (1892-1958)

1. Le témoin

Aimé Boursicaud, photo d’atelier, 1915

Jean-Louis Aimé Boursicaud est né à Ambazac (Haute-Vienne) le 8 septembre 1892 d’une famille nombreuse – il a quatre frères et plusieurs sœurs – et campagnarde. Son père, Jean-Baptiste, est fermier et instituteur au lieu-dit Le Coudier, sur les contreforts des monts d’Ambazac, dans le Limousin. Sa mère, Marie Boulestin, est paysanne. Sa fiche matricule indique qu’il sait lire et écrire et il est appelé au service militaire le 10 octobre 1913, qu’il effectue au 103ème R.I. de Saint-Germain-en-Laye, le régiment avec lequel il part au combat en août 1914. Démobilisé le 30 août 1919, il revient en Limousin et se marie en septembre 1921. Revenu profondément pacifiste et antimilitariste d’une guerre qu’il jugera à un moment prolétarienne (page 129), il ne l’évoquera plus après son retour, possiblement car il l’a fixée en grande partie sur le papier. Sa compagne lui donnera neuf enfants. Le couple exploite d’abord une ferme de 50 hectares en Charente, ouvre un garage puis une auberge de jeunesse à Pyla-sur-Mer. Pendant l’autre guerre, la famille s’installe à Paris où Aimé trouve un poste d’ajusteur chez Citroën. Son acte d’état-civil ne mentionnant ni mariage, ni décès, il semble qu’il soit mort en mai 1958.

2. Le témoignage

Boursicaud, Aimé, Larmes de guerre. Ecrit de 14-18. Brinon-sur-Sauldre, Grandvaux, 2011, 223 pages. Voir aussi Mes jours de guerre. 1914-1918. 8 août 1914-30 août 1919. Neuvic-Entier, La Veytizou, 2004, 217 pages.

L’auteur débute son témoignage à Saint-Germain-en-Laye alors que son régiment fait partie de la défense de Paris, dont il couvre la mobilisation. Il est ensuite envoyé à Verdun et subit son baptême du feu à Ethe en Belgique le 22 août 1914. Suit une retraite éprouvante, ponctuée de combats (Marville ou Tailly) par Romagne-sous-Montfaucon puis Sainte-Menehould où le régiment est embarqué pour Paris. S’engage alors la bataille de la Marne pour laquelle le régiment, alors à Gagny, est appelé en renfort à Nanteuil-le-Haudouin. Puis ce sont des combats sur l’Ourcq, Roye, Champien puis Roiglise et Beuvraignes (septembre 1914) qui terminent la guerre de mouvement. Une autre guerre, de siège, débute dans la Somme, où il reste jusqu’en décembre. 1915 le trouve dans la Marne puis à Soissons mais ce premier hiver de guerre lui occasionne une bronchite qui le fait évacuer le 6 février. Il fait plusieurs hôpitaux (Château-Thierry, Provins, Troyes), tente de s’embusquer, et revient en ligne dans la Marne, au camp de Mourmelon et dans le secteur champenois de Saint-Hilaire d’avril à septembre 1915. L’hiver 1915-16 est passé à Ville-sur-Tourbe, Massiges, les mois de mai, juin à Virginy, juillet à Maisons-en-Champagne. Mais Verdun s’étant allumé, le régiment y est commandé et arrive le 6 septembre 1916 au ravin des Trois Cornes, dans le secteur de Bras. Il fera quatre séjours à Verdun, entrecoupés d’une longue période de « repos » de cinq mois en Lorraine (secteur est de Lunéville) début 1917. Ce quatrième séjour à Verdun voit le régiment reprendre à l’ennemi la terrible côte du Talou : « Ah ! la guerre ! Qui ne l’a pas connue, ne s’imagine pas les tortures qu’elle fait endurer. Nul ne saura, pour qui n’a pas vécu Verdun, les souffrances que des martyrs ont supportées » (page 155). De novembre 1917 au 28 mai 1918, date à laquelle il arrête son récit, il reprend position en Champagne puis en Flandre.

3. Analyse

Jean-François Boursicaud, l’un des fils d’Aimé, indique dans une postface que le témoin « a écrit ses mémoires en quelques nuits, entre mai et juin 1919, alors qu’il était en garnison à Douai » (page 203). D’emblée, dans une préface introductive, Aimé Boursicaud s’adresse à ses lecteurs ; il se veut pédagogique mais prévient que « seuls seront mentionnés les grandes attaques ainsi que les évènements les plus frappants » (page 5). A quelques pages du début, il déclare : « Songez à la tâche immense qu’il me reste à faire pour vous raconter « l’histoire anecdotique » de cinquante-et-un mois. Nous nous contenterons simplement de signaler les faits principaux » (page 36). Passé son baptême du feu, il indique : « puisque vous connaissez ce qui s’est passé pour la bataille d’Ethe, je ne vous ferai pas par conséquent, la description de celle-ci [la bataille de Marville ndrl]). Ce ressort de non-écriture se poursuit ainsi à plusieurs reprises (pages 54, 67 ou 75) et dès lors une part importante du témoignage est éludée pour brosser une guerre en pointillés, résumée à de grands épisodes imparfaitement décrits, ponctués de tableaux d’intérêt mais sans réel talent descriptif. Pourtant le parcours d’Aimé Boursicaud aurait pu être intéressant ; il fait toute la guerre au 103ème R.I. et y occupe plusieurs fonctions, étant tour à tour pionnier (page 131) faisant de l’artisanat de tranchée, affecté à la C.H.R. (page 143), garde de police (page 159) etc., mais sans en décrire précisément les spécificités. La restitution de son témoignage s’apparente ainsi à celle du soldat Henri Guichard (voir ce nom). Patriotique sans être belliciste à outrance, il confie en février 1915, alors qu’il est évacué : « Bien que malade, je ne désirais pas la guérison, ou du moins pas rapide, car sa lenteur, seule, pouvait me procurer un peu de bien-être » (page 104) et plus loin avoir tenté de s’embusquer. « Ne croyez pas que je sois resté toujours indifférent à mon rôle de soldat. J’avais tout essayé pour en sortir » (page 118) et d’imaginer des armes (page 119), du camouflage (page 120), un système d’insonorisation d’essieu de véhicule (page 125), voire même s’engager pour les Dardanelles afin de gagner quelques mois de trajet (page 123) ou dans l’aviation (page 125). A noter une description sommaire de fraternisations de petits postes à Ville-sur-Tourbe (page 142).

Yann Prouillet, mars 2013

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