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Une chanson antimilitariste de 1917

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Nous reproduisons ci-dessous les documents émanant de la commission de Contrôle Postal de Troyes, traitant d'une chanson contre la guerre chantée dans les Bourses du Travail à partir de juillet 1917. Transcription: André Bach. Source: archives du Service Historique de la Défense, département Terre, 16N1529. Voir aussi la Chanson de Craonne.

 

                                                                 Extrait du RAPPORT Hebdomadaire
                                                                  ( du 7 au 13 Octobre 1917)
                         de la Commission du Contrôle Postal de TROYES

Du 7 Octobre, de M. CH….. à Romilly ( Aube) à M. Gilbert CH……, Hôpital auxiliaire n° 11 St Luc à Angers

Cher frère
Je réponds à ta dernière lettre qui m’a donné un peu de tes nouvelles. Comme je vois ton séjour au lit est prolongé au moins d’une semaine. Mais ne t’en fais pas. La saison de foot-ball reprend son en train comme les années précédentes. Aujourd’hui nous jouons le match retour contre Nogent qui rattrapera un peu notre défaite de match aller. Fournel est en permission. On a passé un bon samedi hier soir. Fournel était bien gelé et il a fallu le ramener chez eux.
            Je t’envoie aussi la chanson qui je crois te fera grand plaisir. Je ne te conseille pas de la chanter à l’hôpital.
            En ce moment la santé est bonne ainsi que toute la famille.
            Je ne vois plus grand-chose à te dire en attendant de tes nouvelles prochainement
Ton frère qui t’embrasse
                             

 

Premier couplet
Dans toutes les villes, dans toutes les campagnes
Vous entendez crier des mots partout
Oui, il nous faut anéantir l’Allemagne
On les aura, faut aller jusqu’au bout
Oui, mais ceux-là ne sont pas à la guerre
Ils sont chez eux à l’abri du canon
Ils sont bien loin, loin des balles meurtrières
Y a pas d’erreur, ils ne vont pas sur le front

REFRAIN
On les aura, vous pouvez être tranquille
Dans les bistrots et dans les cinémas
Au coin du feu en tapant la manille
Le civil tient bon on les aura

Deuxième couplet
On les aura  la victoire est certaine
Car nos poilus ne se battent pas pour la peau
On reprendra l’Alsace et la Lorraine
Albert Thomas l’a crié assez haut
Plus de socialistes, plus de révolutionnaires
Plus d’anarchos, patriotes avant tout
Des munitions pour continuer la guerre
Pour la Patrie faut aller jusqu’au bout

REFRAIN
On les aura cela vous pouvez le croire
Car c’est Hervé et Briand qui l’ont dit
Cela est sûr on aura la victoire
Car leurs amis sont à l’abri

3° Couplet
On les aura c’est devenu populaire
Pour les civils et pour les embusqués
C’est pour cela qu’on leur donne la croix de guerre
Car les poilus ne veulent plus la porter
Mais pourtant c’est la classe ouvrière
Qui se fait tuer oui sans savoir pourquoi
Pour un drapeau, une loque, quelle chimère
Les patriotes allez-y c’est votre droit

REFRAIN
Mais nous les gars crions à bas la guerre
Sachez le bien c’est le cri le plus beau
Plus de canons ni fusils ni frontières
A bas la guerre et ses bourreaux

4° Couplet
Ecoutez tous, vous les jusqu’auboutistes
Pour les avoir je vous montre le chemin
Prendre un fusil c’est logique c’est simple
Et vous irez sûrement jusqu’à Berlin
Près du canon près des balles meurtrières
C’est votre place, il faut vous dépêcher
Car les poilus eux ne veulent plus la guerre
C’est votre devoir d’aller les remplacer

REFRAIN
Dans les tranchées cela est bien facile
Par les poilus vous serez approuvés
Engagez vous ce n’est pas difficile
Alors peut-être, peut-être vous les aurez

G. A. C.                                          QG le 20 Octobre 1917
D . E .  SECRET  16 N 1529
ETAT-MAJOR  S.R.
Service de Sûreté              L’Inspecteur de Police Mobile GODOT à
                                         Monsieur le Commissaire Spécial, Chef du Service
                                          De Sûreté de la D E  du G A C

                        L’enquête continuée à l’effet de rechercher l’origine d’une chanson antimilitariste adressée le 7 octobre 1917 par un sieur André CH…. de Romilly-sur-Seine à son frère Gilbert CH….. en traitement dans un Hôpital à ANGERS ( Maine et Loire) interceptée par le Contrôle Postal de Troyes et adressée le 10 Octobre au GQG, a établi que cette chanson avait été copiée et remise à André CH….. par le jeune RAV…… Raoul, né à Romilly-sur-Seine le 9 juillet 1899 de Emile et de GU… Joséphine, bonnetier, demeurant 123 bis rue Gornet Boivin, à Romilly-sur-Seine.
            Ce jeune homme interrogé a déclaré avoir entendu chanter la dite chanson à la « Maison du Peuple » ( servant de Bourse du Travail) au cours de réunions de socialistes et l’avoir retenue comme beaucoup d’autres. Il n’a pu toutefois désigner les noms de ceux qui l’avaient chantée.
            Bonnetier, RAV…. Raoul, jouit d'une mauvaise réputation. Ses parents, honorablement connus ignorent ce fait. Ils passent pour avoir des sentiments très patriotiques
            Il résulterait effectivement que cette chanson aurait été chantée à la « Maison du Peuple » il y a plus de trois mois, pour la première fois à Romilly-sur-Seine.
            Elle s’est répandue depuis à Conflans-sur-Seine et à Marcilly-sur-Seine où elle est en vogue actuellement.
            Elle n’est en vente nulle part à Romilly et dans les environs
                                   L’Inspecteur de police mobile
Signé GODOT
Transmis à Mr le Chef de Bataillon chef du SR en lui faisant connaître que je fais exercer une surveillance spéciale dans cette région, où semblent se trouver des éléments antimilitaristes et pacifistes
Le Commissaire Spécial, Chef de Sûreté

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