Auque, Charles (1895-1986)

1. Le témoin

Charles Albert Auque est né le 21 mai 1895 au Pont-de-l’Arn, canton de Mazamet, département du Tarn. Son père, Léon, était fileur ; sa mère, Rosalie Galy, ménagère. Le Pont-de-l’Arn est un village du bassin industriel de Mazamet. Le père est ouvrier du textile, mais les années 1890 sont celles de la reconversion de la fabrication traditionnelle vers le délainage des peaux de moutons importées d’Amérique du Sud, activité qui va dominer dans le bassin jusqu’à la fin du 20e siècle. D’après ses lettres, Charles Auque était avant la guerre ouvrier dans une des grandes entreprises de délainage, Jules Cormouls-Houlès et fils, dont l’usine se trouvait juste en amont du village (usine de Montlédier). Charles signale qu’il reçoit des colis envoyés par Mme Cormouls. Il y avait deux entreprises Cormouls-Houlès au Pont-de-l’Arn. La lettre du 4 septembre 1916 (Mme Cormouls a envoyé à tous les ouvriers mobilisés la photo de son fils Pierre tué à Verdun, et 100 francs) désigne la maison Jules Cormouls-Houlès (l’autre entreprise, Gaston Cormouls-Houlès, avait son usine dans le village). Il semble que Charles ait exercé un métier d’appoint, celui de coiffeur, pour améliorer l’ordinaire. Sa première lettre (15 septembre 1914) le montre aux vendanges dans l’Hérault, pratique courante pour les ouvriers du délainage de Mazamet car cette activité ralentissait fortement en été à cause de la chaleur et du manque d’eau. En 1914, c’est peut-être dû aussi aux perturbations tenant à l’entrée en guerre. Autre trait caractéristique de la population du bassin : tandis que les patrons, dont les Cormouls, étaient protestants, les ouvriers étaient en très large majorité catholiques pratiquants et politiquement conservateurs. Les lettres de Charles évoquent messe, vêpres, confession, prière, pèlerinage à Lourdes, lecture du périodique Le Pèlerin. Ces traits semblent venir de la mère, car Léon Auque doit être poussé par son fils à accomplir ses devoirs religieux, la guerre aidant (le 7 avril 1915, Charles note avec satisfaction que son père a fait Pâques pour lui faire plaisir). Cette appartenance religieuse forte doit être soulignée pour mettre en valeur le contenu des lettres qui sera résumé ci-dessous.

Après la guerre, Charles devient cheminot à la gare de Faugères, Hérault, entre Béziers et Bédarieux. Le 15 juin 1920, il y épouse Hélène Cabrol. Il meurt à Faugères le 5 août 1986.

2. Le témoignage

Nous connaissons la guerre de Charles par les lettres adressées à ses parents (deux ou trois lettres par semaine). La première date du 15 septembre 1914 ; la correspondance va jusqu’à la fin de la guerre ; il y a en plus quelques lettres d’Allemagne en janvier et février 1923 : en tant que cheminot, Charles y a été envoyé lors de la grève des cheminots allemands à la suite de l’occupation de la Ruhr. Les lettres sont entièrement écrites en français, avec de rares phrases ou expressions en patois. Le 17 mars 1915, Charles demande à ses parents de conserver les lettres ou de les brûler. Elles ont été conservées, récupérées par sa fille aînée, puis transcrites par un de ses petits-fils avec de rares erreurs de lecture et de classement. Des exemplaires dupliqués ont été distribués aux divers membres de la famille. C’est ainsi que Mme D. Auque, une petite-fille vivant à Alzonne (Aude), a communiqué son exemplaire à la FAOL à Carcassonne en souhaitant que cela puisse « servir à la société ». Elle a été suivie : le témoignage de son grand-père est cité à plusieurs reprises dans le livre de Rémy Cazals et André Loez, Dans les tranchées de 1914-18, Pau, éditions Cairn, 2008. Il est regrettable que les propriétaires de la correspondance originale n’aient pas donné suite à un projet d’édition.

3. Analyse

– En décembre 1914, Charles, qui est de la classe 15, se trouve à Privas, caserne du 61e RI. S’il est clair pour lui que la guerre, c’est la faute à Guillaume (9/3/15), il espère que la victoire et la paix se produiront avant son départ (13/1/15) ; il remarque qu’on ne trouve pas de volontaires pour partir plus tôt (26/2/15) ; il pense qu’attraper les oreillons lui donnerait une chance de rester à l’arrière (27/4/15) ; il reçoit des lettres de copains déjà dans les tranchées qui lui donnent le conseil de demeurer à Privas le plus longtemps possible (1/5/15). Après un passage par Draguignan et la Provence, où il voit la mer pour la première fois en mai 1915, il part pour le front dans le 7e BCP.

– Le voici, fin mai, en Alsace où il voit des écoliers apprenant le français, des anciens souhaitant « la bonne blessure » (10/6/15), des prisonniers allemands qui en ont marre (22/6/15). Ça chauffe (19/6/15), mais aussi pour les « pauvres boches » sous les obus de 220 (22/6/15). On mène « une vie de renards » (31/7/15), éclairée par l’arrivée des lettres et des colis, mais point trop n’en faut car le sac pèse (2/11/15). « Tout le monde en a le plein derrière de cette maudite guerre », écrit-il le 29 juin. Il demande, le 2 juillet, « comment la population civile ne se lève pas en masse pour se révolter contre ce fléau ». Et le 18 juillet : « Sur une carte que j’ai reçue de Privas on me dit qu’on habille la classe 16 de la tenue de guerre. J’ai tout de même l’espoir que la guerre finira sans qu’ils viennent eux aussi se faire massacrer. Voyant qu’il n’y a qu’eux pour renforcer, j’ai une idée qui me dit que les autorités ne voudront pas envoyer ces enfants à la boucherie. Il faudrait que mon idée se réalise. »

– Il est blessé à la jambe gauche par un éclat d’obus le 24 décembre 1915 : « J’ai une blessure heureuse qui me fera passer les rudes jours de l’hiver à l’abri. » Le 27, il est à l’hôpital à Lyon : « Tout va pour le mieux, je serai bien mieux que dans les tranchées et si la blessure devait me faire souffrir, eh bien je vous assure que je saurai prendre le mal avec patience car on connaît trop bien les souffrances du front. Je suis dans un bon plumard et ça vaut davantage que la paille ou les branches de sapins remplies de poux. De suite arrivé dans la chambre on m’a apporté des effets propres et me voilà sur le coup débarrassé de la vermine. J’ai passé une bonne nuit à dormir. De me savoir à Lyon blessé légèrement doit vous faire bien plus de plaisir que de me savoir en bonne santé à l’Hartmannwillerkopf car je vous assure que ça y chie salement. On est à tout instant sujet à recevoir quelques marmites sur le coin de l’œil ou quelque balle dans le citron. » En convalescence à Antibes, la lecture des journaux lui fait penser qu’il se passe quelque chose car « ils ne tiennent plus les mêmes discours d’il y a trois mois » : « Quelque chose couve dans le secret ; quand est-ce que ce beau jour de paix arrivera ? Le tout est que quand il n’y aura plus d’argent et plus d’or, ils seront bien obligés de commencer des négociations de paix, et je crois que ce jour n’est pas si loin que ça. Ce que j’ai à vous dire, c’est de ne pas vous laisser prendre par les belles brochures patriotiques qui vous invitent à porter votre or. Attention, c’est la vie de vos enfants que vous compromettez, le proverbe est d’une réalité absolue » (12/4/16).

– En juin, il est à nouveau sur le front des Vosges, mais il a un filon : il sert les officiers de la compagnie et il mange les restes. En août, la Somme : « Notre compagnie s’est vue commandée par un caporal. Cherchez pourquoi, c’est facile à trouver » (21/8/16). « Si les civils savaient et voyaient où sont leurs enfants, la guerre finirait demain » (7/10/16). Noël est une belle fête, mais le plus beau jour sera celui de la fin de cette guerre qui coûte tant de sang (26/12/16).

– Retour dans les Vosges, les bois, la neige. Froid terrible : « Le pinard, pas besoin de le mettre au frais, au contraire près du poêle. » « Le secteur est d’une tranquillité absolue, pas un coup de fusil ni un coup de canon, rien, rien. » Un fil de fer partant de la cagna des officiers permet de faire sonner une clochette à la cuisine, et « le garçon » est ainsi averti qu’on a besoin de lui (16/1/17). Mais on parle d’une nouvelle offensive, et « le printemps semble vouloir avancer son heure » : « Enfin vivement la paix, à bas la guerre » (16/2/17). « Ce serait criminel de souhaiter la faim à ses parents, mais soyez convaincus de l’efficacité de cette situation qui plus tôt arrivera, plus de vies elle épargnera. Car, par le fait, la guerre ne peut finir que par la pénurie complète des matières indispensables » (22/2/17).

– 16 avril 1917, une lettre très brève : « Mes chers parents, Avant de monter en ligne, je vous envoie deux mots, avec mille baisers. Ma santé est excellente. L’attaque a commencé ce matin. Nous sommes troupe de poursuite, on a avancé. Je vous embrasse de tout mon cœur. Au revoir. Le courage va bien. Votre fils qui vous oublie pas. » La lettre du 20 avril apporte des informations : « En lisant les communiqués vous comprenez que de grands événements sont en cours. Comme je vous le faisais prévoir on allait à l’attaque ; ou plutôt, laissez-moi vous expliquer, on était troupes de poursuite. On nous avait approchés à quelques 7 ou 8 kilomètres, prêts à aller de l’avant si le succès attendu se poursuivait, et talonner ainsi le Boche en déroute. Seulement les espérances ont été déçues. Le matin, tandis que les canons faisaient rage, le colonel faisait circuler dans les rangs un bulletin de victoire qui avait pour but naturellement de remonter le moral. Sur le papier, les Boches devaient lâcher, etc., etc. Notre terrain, si tout avait bien marché, aurait été Craonne. Là, les Boches ont tenu bon. » En conséquence, la division a fait marche arrière : « L’autre nuit, sous une pluie diluvienne, nous avons marché de 8 h ½ du soir à 3 h du matin et pour faire que 10 kilomètres. Les routes étaient si encombrées qu’on faisait 10 m, puis on s’arrêtait et on n’en quittait pas le sac sur le dos. La pluie faisait rage. Le moindre arrêt, je dormais debout. Chacun s’affalait sur la boue du bord de la route et malgré la pluie deux secondes suffisaient pour nous trouver endormis. »

– 7 mai : il est photographié en corvée de soupe (« mon panier au bras, ma série de courroies de bidons et musettes ») par un photographe des Armées qui lui dit que le cliché paraîtra dans Le Miroir. [Si un lecteur de ce texte découvre cette photo, il lui est demandé de la faire connaître. Merci.] Au retour de permission, début juin, il note que les permissionnaires crient « A bas la guerre ! Vive la Révolution ! » à toutes les gares, et que certains bataillons ont refusé de monter en ligne (6/6/17). Le 7 juin, il précise : ce sont les 47e et 53e BCP. [Dans sa liste des principaux incidents, Denis Rolland, La Grève des tranchées, Les mutineries de 1917, p. 407-411, mentionne le 53e, mais pas le 47e, ce qui confirme la remarque d’André Loez dans 14-18, Les refus de la guerre, Une histoire de mutins, selon laquelle le mouvement de désobéissance dans l’armée française au printemps 1917 serait minimisé si l’on s’en tenait à la documentation disponible dans les archives.] « Ma santé est parfaite, écrit-il le 9 juin, mais le moral est dans l’ensemble des troupes très mauvais. » Et le 9 juillet, il s’emporte contre sa sœur qui a parlé de héros morts au champ d’honneur : « Non, c’est pas à moi qu’il faut envoyer ces boniments ! »

– En octobre, départ pour l’Italie. En avril 18, le retour sur le front français ne lui plait pas. En mai, il est évacué pour cause de grippe. Le 8 juin, il note : « Ici, beaucoup se croient délaissés de Dieu à la vue des ruines et des carnages ; aussi, que de fois on entend maudire le Maître des Cieux et de la Terre. » Le 21 juin : « Il faut souhaiter que tout aille du mieux ou alors la débâcle ; l’un ou l’autre et qu’on en finisse une fois pour toutes. » Le 3 septembre : « Tout le monde est démoralisé à un degré tel qu’il m’est impossible de vous le décrire. » Mais les fortes pertes font avancer le tour des permissions (6/9/18) et celle qu’il obtient en octobre « a valu de l’or » car pendant ce temps la compagnie a écopé. Devant Saint Quentin en ruines, il évoque la barbarie boche. « La guerre semble toucher à sa fin », écrit-il le 2 novembre, et le 11 : « Je remercie le bon Dieu de m’avoir conservé des dangers de la guerre. »

4. Autres informations

– État-civil de la commune du Pont-de-l’Arn (Tarn)

Archives professionnelles et personnelles de la famille Cormouls-Houlès, Répertoire méthodique, Albi, Archives départementales du Tarn, 2009

– Rémy Cazals, Avec les ouvriers de Mazamet (dans la grève et l’action quotidienne 1900-1914), Carcassonne, CLEF89, 1995.

 

Rémy Cazals, février 2010

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Barreyre, Pierre Gaston (1886-1984)

1. Le témoin

Né en 1886 à Uzeste en Bazadais (Gironde). Il est titulaire du brevet élémentaire et entre sur concours dans les Postes. C’est ainsi qu’il est affecté à Lens dans le Pas-de-Calais. Son service militaire le conduit à Paris en 1906, au Mont Valérien, et il est ensuite détaché à la TSF de la Tour Eiffel. Suite à une hospitalisation, il termine son service actif comme secrétaire du Médecin Major Robert Micqué. Lors de la mobilisation générale, il occupe les fonctions de secrétaire du directeur de la Poste de Montauban. Sa spécialité civile explique qu’il soit incorporé au 8e Génie, comme sapeur télégraphiste. A ce poste, il recueille de nombreuses informations ; comme correspondant de guerre, il note les déplacements de troupes, les combats, mais il décrit aussi ce qu’il voit autour de lui. Cité le 20 février 1915, il est nommé caporal le 7 mai 1915. Décoré de la croix de guerre le 21 août 1915, il termine la guerre comme sergent, grade auquel il est promu le 5 avril 1918.

2. Le témoignage

Torlois Roger, Carnets de route de P.G. Barreyre – Poilu girondin, CDDP d’Aquitaine, édition critique, 1989, 120 p.

Les pages de cet ouvrage contiennent des extraits des trois carnets rédigés du 1er août 1914 au 23 mars 1919.

3. Analyse

Le témoin note avec précision et détails de l’ambiance, des faits qu’il constate au cours de ses déplacements ainsi que sa perception de la guerre :

– le 3 août 1914 : [A Bordeaux] Train décoré, enguirlandé, inscriptions aux portières : « train de luxe pour Berlin » ou bien « Les Bordelais à Berlin ».

– les gares parisiennes et le saccage des magasins allemands.

– 8 septembre 1914 : une dame offre des tartines aux blessés indistinctement (allemands ou français) ; quelques personnes réprouvent ce geste, d’autres au contraire applaudissent.

– 25 décembre : Dans la matinée depuis nos tranchées, nous entendons les Allemands chanter. Ils causent très fort : « Messieurs ne tirez pas, nous nous raccorderons ensemble ».

Sur le voyage via le front, le témoin complète des informations déjà connues. Là où Pierre Barreyre a un point de vue plus intéressant c’est dans la manière dont il évoque son quotidien. Tel un correspondant de guerre, il raconte tout ce qu’il voit, les faits relatant aussi bien la vie et l’exode des civils, le comportement des gradés et le lien entre les ordres du GQG et leur transmission pour action à la troupe. Les fusillés ou les mutilés volontaires sont évoqués dans son récit, de même que des fraternisations à Noël 1914. Certaines informations sur les outils techniques utilisés sont également précises, tel le périscope. Il parle également des maux des soldats : gales, poux ou le manque de nourriture.

Marie Llosa, avril 2009

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Floirac, Marcelin Prosper (1874-1915)

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1. Le témoin
Né à Couzou (Lot) le 23 octobre 1874, Prosper Floirac, est agriculteur et travaille à la ferme familiale située à Bélugue. Il est âgé de 40 ans et n’a pas d’enfants lorsqu’il part à la guerre. Son frère et ses beaux-frères sont également mobilisés. Soldat à la 22e compagnie du 207e RI, Il disparait à Perthes-les-Hurlus le 17 février 1915.

2. Le témoignage
Archives départementales du Lot, Lettres de Marcelin, Prosper Floirac à sa femme Joséphine (1914-1915), Gramat, 2000, 135 p. ; préface de Jules Maurin.

Il s’agit d’une cinquantaine de lettres de Prosper Floirac adressées à sa femme, celles qui ont été retrouvées chez la nièce de Joséphine Floirac, née Bergougnoux.

3. Analyse

Les lettres de Prosper Floirac sont précédées d’une longue partie concernant le Quercy, le village de Couzou et présente le parcours du témoin à la mobilisation ainsi que sur le front jusqu’à son décès.

Prosper Floirac raconte la mobilisation à Cahors, son affectation temporaire au Payrat (Lot) et enfin son départ pour le front. Mobilisé à 40 ans et affecté dans la réserve d’un régiment d’active, il vit d’abord la guerre à l’arrière, puis part au front en novembre 1914 en Champagne.
Dans sa correspondance, il se montre très attaché à sa femme et à tous les siens ainsi qu’au gens de sa condition et de son causse. Le paysan qu’il est, s’intéresse au concret, aux éléments, à la vie à la ferme et manifeste une foi profonde. Quant à la guerre, il n’arrive pas à croire à une guerre courte ; il se montre un soldat à la fois déterminé et résigné.

Marie Llosa, mars 2009

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Momméja, Jules (1854-1928)

1. Le témoin

Né à Caussade (Tarn-et-Garonne) le 13 août 1854. Fils d’un agent de voyer (agent responsable de l’entretien des chemins vicinaux). Jules Momméja avait d’abord été destiné à reprendre la profession paternelle. La perte d’un œil l’empêcha de suivre cette voie. Dès 1872, il est un membre assidu de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, fondée en 1866. Ingres, qui venait de mourir en 1867, avait laissé ses collections au Musée de Montauban. Il se voua également à leur étude et fut l’un des premiers « ingristes ». Nommé conservateur du musée d’Agen en 1898. En 1917, il se retire à Moissac où il décède en 1928.

2. Le témoignage

12 cahiers de 325 pages environ déposés aux Archives départementales de Tarn-et-Garonne sous la côte 3 J 117, datés du 2 août 1914 au 31 décembre 1918.

3. Analyse

Jules Momméja tient un journal où il note tous les jours son quotidien : ses lectures, ses rencontres, ses pensées politiques, littéraires, mais aussi l’ambiance, les conversations et tout ce qu’il voit.

Assez conservateur, plutôt clérical, il conte avec beaucoup de précisions et d’exemples tous les événements de cette période. Il voyage beaucoup notamment en train, pour se rendre de son domicile (Moissac) à Agen où il est conservateur du Musée. Membre de la bonne bourgeoisie, il lit l’Illustration, La Dépêche ou encore La Petite Gironde. Il compte parmi ses amis et connaissances le médecin de l’Hôpital temporaire de Moissac ou des personnalités montalbanaises. Il rend compte à la fois de ses lectures mais aussi des rumeurs publiques.

Au milieu de considérations littéraires ou archéologiques, il est question : de la création des hôpitaux temporaires à Moissac ; de l’arrivée de réfugiés belges ; des internés civils ; des femmes qui labourent ; de la censure dans les journaux (une page entière censurée dans La Petite Gironde) ; d’un « boche » qui parle patois pour avoir séjourné dans la région en 1913 car il est bouchonnier de profession ; de troupes hindoues, tunisiennes ou marocaines rencontrées dans le train ; de mutineries de soldats en gare d’Agen ; des femmes qui remplacent les hommes dans les usines voire les casernes ; des mercantis sur le front et à l’arrière ; du quotidien dans les hôpitaux temporaires de la région ; de la mode ; des uniformes ; des embusqués ; la guerre courte ; la prospérité des photographes ; les jouets pour enfants, etc… Les exemples sont très nombreux et ne peuvent être tous cités compte tenu du volume du texte qu’il a rédigé.

Tous les aspects de la vie à la fois à l’arrière et sur le front sont évoqués. C’est un témoignage des plus précis sur la vie quotidienne dans le Tarn-et-Garonne et ses alentours (Lot et Lot-et-Garonne).

Voici quelques exemples :

Tome 2, 18 nov. 1914, « Pourquoi La Petite Gironde a-t elle paru ce jour avec une page entièrement blanche?, une page a été supprimée par la censure ».

2 décembre 1914 : « Les soldats redeviennent nombreux dans les trains, les troupes hindoues passent toujours à Montauban en route vers le Nord ».

2 janvier 1915 : « Le pays se dépeuple d’hommes, on ne voit guère que des vieillards et de jeunes garçons. Les femmes remplacent au mieux les absents ».

15 avril 1916 : « Tout dernièrement je notais les propos qui courent ici sur une prétendue mobilisation des femmes à l’usine de Castelsarrasin. On n’en est pas encore à ce point ».

4. Autres informations

Renaud de Vezins, « Jules Momméja (1854-1928) » Bulletin de la Société Archéologique de Tarn-et-Garonne, Tome LXVI, 1928, p. 25-27.

Antonin Perbosc « Bibliographie de Jules Momméja », (Ibid), p. 35-44.

Pierre Viguié, « Souvenirs sur Jules Momméja » (Ibid), p. 29-34.

AD de Tarn-et-Garonne : Inventaire du fonds 3 J : Fonds Jules Momméja.

Marie Llosa, mars 2008

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