Bouvier, Pierre ( ? – ? )

1. Le témoin

L’auteur est secrétaire général de l’Union des Mutilés et Anciens Combattants de l’Isère.

Il se présente dans sa « courte préface » comme un ancien combattant, un simple témoin, pas un écrivain : « J’aurais pu, comme d’autres, mêler à mon récit une fiction ou la fantaisie d’un rêve, quelque brève d’histoire d’amour ou la lutte féroce de deux désirs. J’ai préféré m’attacher à dire simplement ce que fut notre vie. Ce livre n’est certes pas l’œuvre d’un écrivain de métier, mais le témoignage sincère d’un homme qui veut décrire la guerre, comme il l’a faite, avec le constant souci de peindre, sans prétention, ce qu’il a vu. » Il ne révèle pas clairement son arme, mais il semble avoir été dans le génie. Plusieurs éléments vont dans ce sens, en particulier son insistance sur la guerre de mine.

2. Le témoignage

Poilu, mon frère, Grenoble, B. Arthaud, 1930, 290 p.

Son écriture est intéressante : phrases courtes, concises, qui donnent à la lecture un rythme saccadé, haletant. Il écrit au présent, non au passé, sur le mode du discours, non sur celui du récit. Cette posture énonciative montre qu’il ne souhaite pas raconter ses souvenirs mais qu’il veut faire revivre la guerre, plus de dix ans après, réactiver les souvenirs de ceux qui l’ont vécue. Preuve qu’il ne raconte pas sa guerre mais qu’il raconte leur guerre – à lui et à son « frère » (voir le titre) – il écrit à la fin de l’ouvrage : « Parfois, tu vas, songeant, l’esprit ailleurs. Un sifflement passe dans l’air, et je vois bien ta tête se baisser, comme s’il allait tomber près de nous un de ces tonnerres de jadis. Et moi, ne t’ai-je pas dit souvent : Ma jambe me fait mal, tu sais, ma jambe, sur la route de Flirey… C’est l’histoire de tous les soldats. » (p. 278)

Beaucoup d’argot, pour insister sur l’immense brassage des soldats provoqué par la guerre. Une histoire que l’auteur veut « classique » : le départ, le baptême du feu, la morne vie des tranchées, etc. Mais très vite un problème : aucune chronologie, aucun lieu. Le témoignage semble « suspendu » dans le temps et dans l’espace, ce qui, là encore, va dans le sens d’une expérience individuelle que rien ne permet de distinguer des autres : tout poilu doit s’y reconnaître.

3. Analyse

L’absence de tous les marqueurs temporels et spatiaux rend la vérification de son parcours difficile. Or, certains passages surprennent par la multiplication de corps à corps et la description qu’il donne de la guerre de mines. Ainsi, dans ce passage non daté : « Le samedi matin, leur tranchée a sauté. Une explosion. L’air vibre et un nuage de fumée, de terre, s’élève soudain. Des bras, des jambes, des outils, des baïonnettes voltigent et c’est la ruée pour occuper les lèvres de l’entonnoir et achever ce qui reste en vie. Il n’en reste pas beaucoup. Le spectacle est horrible. […beaucoup de morts, de débris,…] Corps à corps avec les survivants, couteau en mains. Il résiste un peu sur le drap, qui cède brusquement à l’effort, et un jet de sang arrose les deux hommes. » (pp. 140-141)

De même dans cet autre passage, non daté lui aussi : « La galerie avance, plus d’un jour de travail. Sans répit, des deux côtés, on creuse à toute hâte. On le sait. Qui tuera le premier ? Jour et nuit les équipes se succèdent. Épuisement, fatigue. […] Deux tranchées alertées, bientôt prêtes à sauter, deux positions sur un volcan qui menace d’un moment à l’autre. Puis, l’attaque féroce de ce qu’il reste, après, coutelas en main, à la grenade, à coups de poings ou de dents, comme on peut, ainsi que des bêtes sauvages qui défendent leur peau. Civilisation. Progrès. Le vernis craque. » (pp. 78-79)

Par leur nombre et le discours qui les accompagne, ces passages sont sûrement à ranger dans ce que Jean Norton Cru dénonçait dans son œuvre : la récupération par des auteurs pacifistes d’une image marquante mais très marginale de la guerre – le corps à corps à l’arme blanche (sur 1000 blessures, trois seulement furent le fait de l’arme blanche) – pour montrer à quel degré de civilisation descend l’homme dans la guerre : « Civilisation. Progrès. Le vernis craque. » (Voir la critique qu’en fait Jean Norton Cru dans Du Témoignage, Paris, Gallimard, 1930, pp. 113-114).

Les descriptions macabres qu’il multiplie sont vraisemblablement destinées, elles aussi, à marquer l’imagination du lecteur. Ainsi dans ce village attaqué aux obus incendiaires lorsqu’il faut extraire et transporter les corps calcinés : « Sur une civière, on transporte les moignons racornis. Deux soldats versent leur brancard, taché de sang et de cheveux collés, dans le trou. Un bruit sourd, une gerbe d’eau. » (p. 25)

L’auteur a en revanche des passages intéressants sur la ténacité des soldats : « C’est notre âme d’après guerre, plus lucide, qui l’a reconstruite, cette vie. Qui aurait pu tenir dans une suite perpétuelle de coups durs, pendant cinquante-deux mois, tant d’un côté que de l’autre ? C’est grâce à un bidon de rouge, à l’image d’une femme ou d’êtres chers, à une relève de quatre jours qui exaspéraient les vies animales, à un séjour d’une semaine à l’intérieur, dans la douceur d’un foyer, c’est grâce à cet oubli immédiat et périodique de toutes nos misères que nous avons pu nous habituer à ce monde inhumain. » (p. 92)

De même sur les ententes tacites avec l’ennemi : « Puis une convention tacite s’établit, sans entente : notre fourneau éclate à 5 heures du soir ; le leur éclate à 5 heures du soir, le lendemain, régulièrement. […] Chacun se replie avant l’heure et, au moment précis, nous voyons, en spectateurs, monter en l’air ce geyser de terre qui continue à remuer des cadavres sans en faire de nouveaux. La fumée se dissipe, tout se calme et nous reprenons place sur notre terrain en construisant de nouveaux abris. A notre tour maintenant. Notre galerie s’achève ; en face, on se replie avant cinq heures, le fourneau est bourré, un bruit formidable, et tout rentre dans le silence jusqu’au lendemain. A la relève, la consigne est passée et observée de part et d’autre. » (pp. 143-144) Jusqu’au jour où cette entente est brisée : « Un lieutenant ou un oberleutnant a-t-il oublié de passer la consigne à de nouvelles formations qui montaient en lignes ? Représailles ? Ordres ? Décalage d’heures ? Le Val a de nouveau mérité son nom. La guerre de mine, sournoise, angoissante, a recommencé, la vraie guerre. » (p. 146)

L’ouvrage se termine sur un appel aux anciens combattants, objectif de son livre : il faut sauvegarder l’union de tous face au risque d’une autre guerre, et ne pas s’enfermer dans le silence : « Parle à ces gens qu’enthousiasmerait la guerre, qui rêveraient encore d’assauts joyeux sous la herse des baïonnettes miroitantes, au grand soleil, comme au bon vieux temps. » (p.281)

« Toi, mon frère, souviens-toi, quand nous sommes revenus, que disions-nous ? N’avions-nous pas promis d’élever la voix, de faire taire les embusqués, de crever les ballons vides des rhétoriques pour champ de bataille à la pâte de guimauve ou des embrassades universelles après bien déjeuner ? Parce que nous savions, parce que nous avions trop vu la mort et la souffrance pour ne pas connaître mieux que les rhéteurs ce que valent la vie et la paix ? […]

Alors tout ça, oublié ? […]

Poilu, mon frère, frère aimé de France et toi aussi, ancien combattant d’Outre-Rhin […] Travaille à désarmer autour de toi les cœurs et les esprits pour que, sans crainte, entre nous, ensuite d’autres puissent désarmer les bras. » (pp. 285-286)

Cédric Marty, 12/2007

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Dantoine, Pierre (1884-1955)

1. Le témoin

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Pierre Dantoine est né à Carcassonne le 22 février 1884. La disparition précoce de son père, huissier, oblige le garçon, tout juste âgé de quinze ans, à interrompre ses études pour subvenir aux besoins de sa famille. Il est alors employé à la gare de Carcassonne où il travaille parfois de nuit. Lorsque la guerre éclate en 1914, il est mobilisé et combat au 272e RI. Il consacre alors ses moments libres à la réalisation de dessins et d’esquisses. Après la guerre, il trouve un emploi à la préfecture de l’Aude où il finit sa carrière en 1944 comme chef de bureau. Jusqu’à sa mort à l’âge de 71 ans, il ne va cesser de dessiner. Sa notoriété régionale se double de la reconnaissance officielle de son talent : en 1926, il reçoit les palmes académiques, puis est décoré en 1938 de la croix de chevalier de la Légion d’honneur.

2. Le témoignage

Si de nombreux soldats se sont mis à écrire au moment de la guerre, le témoignage de Dantoine s’inscrit pleinement dans ses pratiques d’avant-guerre : observateur, il croque ainsi, déjà avant 1914, scènes de rue, personnages pittoresques et figures originales de la vie politique locale et internationale. Nombre de dessins sont déjà accompagnés de légendes en languedocien ou dans les deux langues. Dans la guerre, il multiplie les dessins de soldats ou de civils. La correspondance est aussi l’occasion d’envoyer des nouvelles sous une forme qu’il affectionne particulièrement : le dessin humoristique. Cette anecdote, rapportée par Le courrier montre que son activité n’est pas née après-guerre : « Au moment de la mobilisation, en 1914, il demande à sa famille qu’on lui envoie du gros tabac de troupe, car c’est un grand fumeur de pipe. Mais ne recevant rien, il envoie une carte sur laquelle il gribouille un dormeur en train de rêver à du gros tabac de troupe, avec comme légende : ‘ le rêve passe’ » (cité par Audrey Fernandez, voir bibliogr., p. 5 n. 8)

C’est principalement sous la forme de dessins humoristiques que Dantoine nous offre un témoignage de la Grande Guerre : 43 dessins sont publiés dans un recueil simplement intitulé La guerre (Fédération Audoise des Œuvres Laïques, coll. « La mémoire de 14-18 en Languedoc », n°11, 1987. Recueil déjà publié en 1932 et 1970). A quelle date ont-ils été réalisés ? Une note de J.-F. Jeanjean, extraite du recueil de 1932, laisse entendre qu’il s’agit là de dessins réalisés après la guerre : « Ancien combattant, Dantoine n’a pas eu à faire appel à son imagination toujours si vive. Cette fois, il s’est souvenu ! Son album est un document. Le caricaturiste s’est fait historien ! » Certains bon mots, pourtant, apparaissent dans des dessins réalisés pendant la guerre. Notons pour les lecteurs que les légendes en languedocien sont traduites sur le côté de chaque page, rendant ainsi la lecture accessible à tous.

A ce recueil déjà riche, on doit ajouter la compilation d’œuvres de Dantoine réalisée à l’occasion d’une maîtrise par Audrey Fernandez : à partir de 1921, Dantoine collabore à La Dépêche du Midi où il publie en 1ère ou 2ème page. Ce détail n’est pas anodin : dans un journal peu illustré, cela confère à ses images une force particulière. Par ailleurs, d’avril 1932 à avril 1940, il publie à la une du Journal des Anciens Combattants de l’Aude ; il apporte sa contribution à La Démocratie de l’Aude, un organe de la fédération radicale socialiste, dont il partageait les positions. Enfin, quelques ouvrages, revues, hebdomadaires bénéficient de ses talents. En tout, c’est près de 2000 dessins qui ont été référencés.

3. Analyse

Le témoignage que Dantoine livre sur la guerre s’inscrit pleinement, par la forme, dans les dessins qu’il réalisait avant 1914. Ainsi, comme avant-guerre, ses productions se caractérisent par une forte dimension régionale, une attention aux personnages ou aux situations pittoresques et un humour basé en grande partie sur les contrastes.

– Une forte dimension régionale : L’artiste est fermement attaché à sa région. Ses légendes en occitan sonnent comme une affirmation identitaire. Les « bons mots de la légende sont ainsi en occitan. De plus, certains dessins révèlent la communauté de rieurs que Dantoine vise en priorité, la communauté rurale. Ainsi, dans un dessin intitulé « le mildiou », deux soldats assis dans une tranchée, un masque à gaz fixé sur la tête, se font la remarque : « Aco, tèl règlario LE MILDIOU, e, Jousep ! » [« Ça, ça règlerait le mildiou, eh, Joseph ! » dans « alerte aux gaz« ]. Le mildiou désigne une série de maladies touchant les plantes, bien connues des agriculteurs.

– Des personnages et des situations pittoresques : de même qu’il caricaturait les personnages pittoresques de sa ville et de sa région avant-guerre, il s’attaque aux figures emblématiques de la vie dans les tranchées comme les cuisiniers, colporteurs de bruits et rumeurs en tout genre [« le tuyau »] Les situations pittoresques se trouvent également mises en scène, à l’image de ce soldat, aux prises avec un des « ânes des tranchées » [dessin du même nom].

– Dantoine, attentif aux contrastes et aux quiproquos : beaucoup de dessins se déroulent dans le contexte de la gare, point de rencontre entre le front et l’arrière, que le soldat emprunte pour rejoindre sa famille en permission ou, une fois celle-ci terminée, pour quitter les siens et retrouver ses frères d’armes [« le cafard »]. C’est également un lieu de rencontre entre les civils et les combattants [Vos quarts… bouillon ! Bouillon ! »] ou un lieu de confrontation entre ces derniers et les embusqués [« en attendant le train des permissionnaires »]. Attentif aux contrastes, Dantoine en a donc fait un lieu récurrent dans son œuvre.

Il aime jouer, en effet, avec les malentendus qui naissent du contact entre deux mondes, entre deux langues : entre l’occitan savoureux des soldats du midi et le français des officiers [« le filon »]. Le vocabulaire militaire peut aussi être mal compris par les combattants, « civils sous l’uniforme » [« système D »] et par les civils eux-mêmes [« la morale de la guerre »].

L’humour de Dantoine réside dans ces contrastes. Mais il bénéficie aussi de la simplicité de ses coups de crayons qui suffisent à faire reconnaître un lieu ou un personnage. Le regard du spectateur glisse ainsi sur la forme pour le concentrer sur le fond : la guerre. Comment la dépeint-il ?

Il dessine des instants comiques aux accents réalistes. Ces tranches de vie campent une guerre à hauteur d’hommes. Ainsi : « le combattant a des vues courtes… mais parce que ses vues sont étroites, elles sont précises ; parce qu’elles sont bornées, elles sont nettes. Il ne voit pas grand chose mais il voit bien ce qu’il voit », écrivait un capitaine pendant la guerre (Kimpflin Georges, Le premier souffle, Paris, Perrin, 1920, pp. 12-14). Dantoine a vu, et ce qu’il donne à voir de la guerre s’en ressent : il présente toujours l’espace des tranchées comme un univers limité et clos qui correspond au champ de vision des soldats.

– Un décor qui en dit long : les tranchées sont tantôt inondées [« le mouillage »], tantôt bouleversées et encombrées comme après un bombardement. Un certain nombre d’objets sont dispersés et leur récurrence en fait des symboles de la guerre. Ils prennent valeur de métonymie : la partie est prise pour le tout. Ainsi, troncs calcinés, armes brisées, fils de fer, rats, cadavres, suggèrent, au fil des pages, par leur répétition, la violence qui s’abat sur les paysages et les hommes [voir par exemple « nouveau secteur »]. Les soldats semblent évoluer dans cette atmosphère, comme résignés à vivre dans ces conditions difficiles. Dans cet univers de mort, Dantoine éclaire avec tendresse leur humanité.

– Sous l’humour, des hommes … Les soldats sont croqués avec tendresse, et leurs souffrances transparaissent sous l’humour : la boue, par exemple, dont tant de combattants ont souffert durant leurs années de guerre, est ici vue au miroir de l’enfance [« attendrissement »] ; de même évoque-t-il, sous couvert de l’humour, l’angoisse avant l’attaque [« l’heure H »], les secteurs agités [« corvée de soupe »] et les bombardements meurtriers. Les échappatoires à la guerre, fréquemment rencontrées dans les témoignages, sont également évoquées [« unis comme au front »].

– Des soldats civils sous l’uniforme : Les soldats restent, dans les dessins de Dantoine comme dans nombre de témoignages, des civils sous l’uniforme. Ainsi, les hommes restent marqués par leurs origines géographiques (rappelons qu’ils s’expriment en languedocien) et sociales (nombre sont issus du monde rural) [voir « Kamarad ! »]

– Des cibles privilégiées : « stratèges de l’intérieur », embusqués : le regard sur l’arrière est sans complaisance. Dantoine y trouve ses cibles privilégiées : il dénonce le bourrage de crâne [« le communiqué »], épingle le ridicule des stratèges de l’intérieur et égratigne à de nombreuses reprises les embusqués [« en attendant le train des permissionnaires »].

Signalons avant de conclure que si l’activité d’écriture s’arrête pour de nombreux soldats avec la démobilisation, Dantoine poursuit son travail auprès de divers journaux, revues, etc. Ses dessins offrent donc, là encore, un regard éclairant sur la politique française et internationale et sur la société d’après-guerre. Ainsi apparaissent sous son crayon trois figures récurrentes – les nouveaux riches, les militaires et les femmes – qui témoignent tous de la mutation de la société française dans l’entre-deux-guerres.

L’œuvre de Dantoine est, à l’image des anciens combattants, fortement marquée par ses années de guerre. Ce témoignage nous offre un très riche regard, celui qu’un observateur fin, très attaché à sa région, porte sur la société et les évènements marquants de son temps. En ce sens, il se rapproche sensiblement des témoignages de combattants (lettres, carnets et souvenirs notamment) qui sont autant de regards subjectifs sur la guerre. Une source extrêmement riche, donc, tant par la forme que par le fond.

4. Autres informations

– FERNANDEZ Audrey, Dantoine, un caricaturiste audois (1884-1955), mémoire de maîtrise (dir. R. Cazals), Université Toulouse le Mirail, 2003, 2 tomes. [A noter que le second tome rassemble un grand nombre d’œuvres de l’artiste.]

– Le colloque de Carcassonne Traces de 14-18, Les Audois, 1996 présente un certain nombre d’illustrations du dessinateur en couverture et dans un cahier couleur.

– Le site du Crid 14-18 présente une page de dessins de Dantoine.

Cédric Marty, 12/2007

Complément : le livre collectif dirigé par Caroline Poulain, Manger et boire entre 1914 et 1918, Bibliothèque municipale Dijon & Snoeck, 2015, reprend quatre dessins de Dantoine dans l’article « Les saveurs du village, la réception des produits du « pays » par les hommes des tranchées ». La revue Infoc, de l’Institut d’Etudes Occitanes de Toulouse, donne une chronique « Barthas illustré par Dantoine » dans ses numéros 346 à 352 (année 2016).

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Clavel, Marcel (1894-1976)

1. Le témoin

Marcel Clavel vient d’une famille assez aisée et très instruite et cultivée. Son père est percepteur à Toulouse. En juillet 1914, Marcel est admis à l’Ecole Normale Supérieure. Il est mobilisé le 5 septembre et rejoint le 15e RI à Albi. Puis il part près de Pézenas pour suivre une formation d’officier réservée aux élèves des grandes écoles. Le 5 décembre, il est promu sous-lieutenant et affecté au 164e régiment d’infanterie. Sorti premier du peloton d’instruction, il part pour le front le 10 janvier 1915, à Ypres, pour une période de deux ans et demi, dans une unité de première ligne, le 81e RI de Montpellier. Le 8 juin 1915, il est nommé lieutenant. Le 10 octobre 1915, il est promu au grade de capitaine.

Il a reçu trois citations, la première pour les attaques de mars 1915 à Beauséjour, la seconde pour l’offensive de septembre 1915 dans les secteurs de Souain et de Tahure, et la dernière pour les attaques de Thiaumont en août 1916, où il a été blessé à l’épaule gauche. En 1917, il part, en tant qu’officier détaché du 81e RI, s’occuper de l’instruction de divisions américaines. Le 25 février 1919, il est démobilisé.

Il part à Oxford pour préparer un diplôme sur l’armée anglaise vue par Kipling. En 1920, il retourne à l’Ecole Normale pour passer l’agrégation d’anglais, qu’il obtient brillamment, et il est nommé chevalier de la Légion d’Honneur à titre militaire pour faits de guerre. Il débute sa carrière à l’université de Michigan aux États-Unis en tant qu’agrégé d’anglais détaché. Pendant quatre ans il rédige sa thèse sur Fenimore Cooper. En 1925, il revient en France, il est d’abord nommé au Grand Lycée de Marseille, puis il devient professeur de langue et de littérature anglaise à la faculté des Lettres de l’université d’Aix-Marseille. Il est proposé pour le grade d’officier comme chef de bataillon d’infanterie attaché à la mission de Liaison auprès de l’Armée britannique en 1940. Plus tard, il quitte l’armée comme lieutenant-colonel de réserve.

2. Le témoignage

– Lettres et cartes originales : Archives départementales de la Haute-Garonne, sous-série 1J 181 (710 pièces).

– Deux versions dactylographiées de la correspondance, intitulées Ultime témoignage sur la première guerre mondiale par un conscrit de la classe 14, normalien de la promo 14 à l’Ecole normale supérieure, agrémentées de documents divers : Archives départementales de la Haute-Garonne, sous-série 1J 182 ; Bibliothèque municipale de Toulouse (598 p.).

– RIONDET Aurore, « Ultime témoignage sur la Première Guerre mondiale par un conscrit de la classe 14 » : La correspondance de Marcel Clavel (1914-1917), mémoire de Master 1 sous la direction de Rémy Cazals, Toulouse II Le Mirail, 2006, 276 p (144 p. de lettres retranscrites).

3. Analyse

(Référence aux pages du mémoire d’Aurore Riondet)

Expérience combattante :

– découverte de nouvelles régions et des populations locales : p. 199-200,

– sur l’ingéniosité des Belges et leurs coutumes, voir la lettre du 21 janvier 1915, p. 75.

– descriptions précises des secteurs occupés : p. 200,

– pour une description d’une tranchée et des informations sur son organisation, voir la lettre du 23 janvier 1915, p. 76

– vie quotidienne dans les tranchées (conditions de vie, temps de détente et repos) : p. 201-203,

– sur le travail incessant dans les tranchées, voir la lettre du 30 octobre 1916, p. 179.

– rôle du chef (moral combattant, privilèges, courage et protection) : p.204-207.

Sentiments d’un jeune combattant :

– relations familiales (lien affectif, demandes d’informations, sentiment national) : p. 209-211,

– sur son enthousiasme à partir sur le front, voir la lettre du 7 septembre 1914, p.49.

– perceptions de la violence (perte de camarades, force morale, soutien spirituel) : p.212-215,

– sur la douleur de la perte d’un camarade proche, voir la lettre du 17 août 1916, p.172.

– perception des « autres » (rapports avec le Commandement, avec l’ennemi, avec les civils), p.216-219,

– sur l’attribution des récompenses militaires, voir la lettre du 17 août 1916, p. 173.

4. Autres informations

– Registre matricule : Archives départementales de la Haute-Garonne, série 5416W6.

Historique du 81e Régiment d’Infanterie (campagne 1914-1917), par le caporal Gabriel Boissy, 1918, aux Impressions Mistral Cavaillon, numérisé par Lucie Alle, consultable sur www.1914-18.org, rubrique Historiques-Régiment d’infanterie.

– Documents relatifs à la vie de Marcel Clavel (articles, brochures…) : Archives départementales de la Haute-Garonne, sous-série 1J 183.

Aurore Riondet, 12/2007

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Castan, Jérôme (1893-1980)

1. Le témoin

Jérôme Castan est né le 13 décembre 1893 au Passage d’Agen, au bord de Garonne. Issu d’une famille modeste, il a suivi une scolarité un peu plus avancée que le commun des enfants de l’avant-guerre : reçu au certificat d’études, il poursuit encore deux ans à l’école pratique de commerce et d’industrie, rue Lacanal à Agen, avant d’intégrer en 1908 la Société Générale. Employé de banque, il passe devant le conseil de révision une première fois en 1913. Ajourné, il repasse devant le conseil en avril 1914 sans succès pour être finalement récupéré par l’armée en octobre 1914. Mobilisé en décembre de la même année au 78e RI de Guéret (Creuse) comme simple fantassin.

2. Le témoignage

Publié dans la Revue de l’Agenais (n°1, 2008), son « journal de route » commence le 18 décembre 1914, jour de son départ pour Guéret et le 78e régiment d’infanterie. Ses carnets ont suivi secteur après secteur l’itinéraire du combattant Castan, entre poche et musette. Un autre carnet, rouge celui-là, propre, d’une taille plus importante, aucunement abîmé, porte une autre écriture. Jérôme dans le calme a « reclassé par ordre les différentes phases de [son existence] pendant la guerre ». Les quelques paragraphes de « présentation » de ces notes sont datés du 25 juillet 1916 : Jérôme est alors au front, dans un secteur « d’une tranquillité absolue » comme on peut le lire dans ses petits carnets de route. Une rupture dans l’écriture entre février et juin 1917. Puis continuité jusqu’au terme de la guerre. L’écriture de ce carnet rouge ne correspond pas exactement à l’écriture du temps de guerre : lorsqu’il arrive à Verdun et monte pour la première fois aux tranchées, il écrit : « Dans la nuit du 6 au 7 avril [1916] émotionnés nous aussi de prendre part à la partie gigantesque qui se joue, nous allons prendre position ». Aucun passage de ses petits carnets ne mentionne cette réflexion. Jérôme a donc transcrit un sentiment peut-être ressenti sur le moment mais qu’il n’avait pas noté : sa double écriture se complète alors, plus qu’elle ne s’oppose.

Son parcours démarre au front en avril 1915 dans une compagnie de son régiment sur la ligne de feu. Puis, comme des millions de soldats devenus combattants, il parcourt les différentes parties du front, de secteur calme en secteur actif : la Meuse, l’Artois, Verdun, l’Aisne, la Somme, la Champagne. En novembre 1917, il part pour l’Italie soutenir les troupes transalpines et y reste jusqu’à la fin du conflit.

3. Analyse

Son témoigne apporte le regard d’un « col blanc » sur la guerre, témoignage assez rare dans la masse de ceux qui ont été publiés. Si beaucoup de thèmes bien connus sont évoqués ou absents (la violence donnée par exemple), la camaraderie revient très souvent au fil de son journal. Au front, les soldats n’hésitent pas à faire plusieurs kilomètres pour se rendre dans l’unité où se trouve un compatriote, connu d’avant guerre. Joie des retrouvailles d’autant plus grande que les hommes peuvent alors évoquer la vie au pays. Importance aussi des camarades de la classe : « J’ai la joie de retrouver bon nombre de camarades qui nous avaient précédés ». Entre autre l’ami Candelon. Et c’est une déception lorsque les amis ne sont pas versés dans la même compagnie. Jérôme ne manque pas d’écrire en arrivant dans sa nouvelle escouade en avril 1915 : « Bonne impression des nouvelles connaissances ». Il s’agit d’un aspect important de la vie des soldats au front : se savoir bien entouré, pouvoir s’inclure dans le groupe, notamment quand on arrive après la mobilisation d’août 1914 et la première constitution des unités, et que l’on fait partie des « bleus » (ici de la classe 1915).

Des notes intéressantes sur le traitement des tombes des camarades et sur la vie des soldats français en Italie.

Alexandre Lafon, 12/2007

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Basset, Abel (1875-1915)

1. Le témoin

Né le 26 mai 1875 à Sérignac dans le Lot (prénoms d’état-civil : Jean Emile). Il est cultivateur chez son beau-père à Courbiac, canton de Tournon d’Agenais (Lot-et-Garonne) lorsque la guerre éclate. Mobilisé dans l’armée territoriale, il est marié et père de deux enfants, propriétaire de quelques terres. Il n’est engagé dans aucun syndicat, association ou autre mouvement d’opinion. Il sait lire et écrire, sans avoir fait d’études importantes. D’abord incorporé dans l’armée territoriale, il part au front au début de l’année 1915 dans la réserve du régiment d’infanterie d’Agen, le 209e RI. Il est décédé le 23 septembre 1915 près de Roclincourt dans le Pas-de-Calais dans une sape. Médaillé militaire posthume.

2. Le témoignage

Il se compose de 150 cartes postales (aucune lettre) envoyées depuis l’arrière puis du front à sa femme et essentiellement à sa fille cadette, Elodie, âgée de 4 ans en 1914. Les textes sont très courts, parfois lapidaires. Hormis les quelques informations que l’on peut dégager des propos tenus par Abel Basset, les 150 cartes envoyées permettent de travailler sur un échantillon iconographique intéressant. Bibliographie : Lafon Alexandre : « Une correspondance de guerre », dans Revue de l’Agenais, n°2 – avril-juin 2005, p. 783-804.

3. Analyse du témoignage

Le corpus de cartes postales et plusieurs indications données par Abel Basset permettent de mieux comprendre comment les combattants ont pu choisir tel ou tel support iconographique pour leur correspondance. Dans le cas de Basset, il apparaît que son choix est lié non pas à une quelconque démarche pré-établie (sauf pour les vues panoramiques permettant de faire découvrir à sa fille les paysages de France), mue par un patriotisme chevillé au corps, mais bien par la possibilité de se procurer les dites cartes : il prenait simplement à l’arrière front ce qu’il trouvait. Sa correspondance dévoile essentiellement ses activités : terrassier, artisan de tranchées (notamment les bagues) et ses liens avec les camarades du « pays ». La guerre est surtout subie (ni haine, ni violence, mais le poids de l’autocensure est ici important) sans être maîtrisée.

Alexandre Lafon, 12/2007

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Despeyrières, Henri (1893-1915)

1. Le témoin

Né le 1er février 1893 dans la commune du Laussou, canton de Monflanquin (Lot-et-Garonne). Issu d’une famille de propriétaires terriens, études au-delà du certificat d’études sans être bachelier, célibataire. Part pour le front en août 1914 avec le 14e RI (Toulouse). Caporal fourrier (23 septembre 1914) puis sergent fourrier (mai 1915). Porté disparu le 8 septembre 1915, secteur de La Harazée en Argonne (55).

2. Le témoignage

L’ensemble de la correspondance adressée par Henri à sa famille, essentiellement à ses parents, a été retranscrite après sa mort alors que la guerre n’était pas terminée sur deux cahiers. Cent cinquante lettres et cartes postales en tout. Une partie est publiée une première fois dans la revue Sous les arcades, de la MJC de Monflanquin (juillet-septembre 2002) par les soins de Claude Bertrand qui jugeait ce document « passionnant et admirable ». La totalité est publiée en 2007 aux éditions Privat (Toulouse) sous le titre : « C’est si triste de mourir à vingt ans ». Lettres du soldat Henri Despeyrières 1914-1915 (préface d’André Bach, présentées par Alexandre Lafon), 294 p.

Le témoignage est également intéressant par sa forme : en premier lieu, il ne souffre d’aucune réécriture. D’autre part, Henri transmet à ses parents à la fin de l’année 1914 dans sa correspondance même le Journal de guerre qu’il a tenu semble-t-il jusqu’au 26 septembre de la même année, ce qui permet une comparaison du texte avec les lettres qu’il a pu écrire à la même période et ainsi percevoir l’autocensure qu’il a pu déployer.

3. Analyse

Henri Despeyrières dévoile des éléments sur des thèmes bien connus du quotidien des combattants : arrivée aux tranchées et leur description (21 septembre, p. 45), abris, secteurs calmes et actifs, importance des liens avec le « pays », la famille et ce que peuvent attendre les parents des lettres de leur fils combattant. Il confirme que la guerre vécue est rapidement condamnée (p. 42), que l’horizon d’attente des combattants est la fin « prochaine » de la guerre (vœu du 1er janvier 1915), sentiment qui s’accentue dans les premiers mois de l’année. La guerre des fantassins est souvent une succession d’actions dont le sens leur échappe, maintenus qu’ils sont dans l’ignorance des secteurs où on les transporte (par exemple fin août-septembre 1914).

Henri Despeyrières trouve étrange de ne participer dans les premiers combats que comme spectateur (« Je n’ai pas encore tiré un coup de fusil », p. 41), comme il trouve étrange que les Allemands communiquent avec les lignes françaises. Son témoignage permet également, dans cette perspective de mieux comprendre les stratégies relationnelles à plusieurs échelles, de voir à l’œuvre les liens tissés entre les soldats : entre les simples soldats et les officiers (suivant leurs caractères et leurs situations militaires, cadres de l’active ou de la réserve), rapport aux camarades avec qui on est parti qui n’ont pas le même statut que ceux qui arrivent ensuite (p. 118). D’autres remarques et réflexions dévoilent des pratiques de guerre à la fois très violentes (dépouiller les cadavres ennemis, p. 96), mais aussi les soins apportés aux blessés faits prisonniers. C’est surtout l’évolution du moral que l’on peut suivre, à la fois constitué de hauts et de bas, mais sur une tendance plutôt négative : une cérémonie d’exécution de soldats français (avril 1915, p. 204), la mort de son beau-frère, la guerre de siège installée et pour laquelle aucune issue n’est plus lisible ou l’inégalité ressentie entre les militaires (sur les régiments plus ou moins exposés par exemple, p. 179) ont tôt fait de faire d’Henri un combattant résigné qui cherche à limiter individuellement son exposition au feu ou à témoigner d’actes collectifs de limitation de la violence reçue ou donnée.

Quelques observations intéressantes, spécifiques ou bien connues :

– Autocensure, les obus allemand inoffensifs, p. 41.

– L’arrivée des « bleus », p. 72.

– La retraite avant la Marne, p. 87-92.

– Un « canard », p. 93.

– L’ami, p. 103, p. 132, p.142.

– Son regard sur son « témoignage », p. 120.

– Rapport de camaraderie avec son lieutenant, p. 158.

– Prisonniers qui se rendent, p. 167.

– Garder sa bonne place, p. 188.

– Refus collectif de monter à l’attaque, p. 192, p. 222.

Alexandre Lafon, 12/2007

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Capot, Valéry (1891-1970)

1. Le témoin

Valéry Capot est né le 6 mai 1891 à Feugarolles (Lot-et-Garonne). Classe 1911, incorporé normalement à l’automne 1912. Célibataire, titulaire d’un brevet simple et ayant suivi une préparation militaire, il est nommé caporal dès son incorporation au 9e RI d’Agen. Sergent, puis adjudant à partir de la fin 1917. Au dépôt en 1918 pour la formation de la classe 1919 puis retour au front en juillet. Démobilisé en août 1919, il retourne à Buzet-sur-Baïse et s’installe comme pépiniériste.

2. Le témoignage

Les carnets de Valéry Capot sont conservés sous deux formes : la première, ce sont ses carnets tenus pendant la guerre, écrits au crayon, au nombre de 14, versés par sa femme aux Archives départementales de Lot-et-Garonne (cote 90 J 814). La deuxième, constituée du « Carnet de Route », en fait trois carnets dont deux portent au propre la retranscription allégée des carnets de guerre entreprise au moment où V. Capot est à Agen pour superviser l’instruction de la classe 1919 entre février et août 1918, et l’un indique son parcours par secteurs et par mois de guerre. Le tout étant destiné à ses parents. Un passage de l’introduction du « Carnet de route » évoque les originaux : « Ils sont là devant moi ces pauvres compagnons de misère écrits au hasard de la mêlée, sales, écornés, tordus, mais cependant si chers ! Un à un je vais les prendre, et ce sont eux maintenant qui vont vous retracer ma triste vie passée. » La comparaison des deux supports permet d’approcher le travail de réécriture : ce qui a été gardé, ce qui a été éliminé (notamment tout ce qui touche au vocabulaire employé « sur le moment », puis gommé). Deux études se sont appuyées sur ce témoignage : Solès Bertand, Lafon Alexandre, Agen et les Agenais dans la Grande Guerre, Ed. Alan Sutton, Saint Cyr sur Loire, 2004 ; Lafon Alexandre, « Genèse et conséquence d’un échec : l’offensive Nivelle vécue par un lot-et-garonnais », dans Bulletin des Amis du Vieux Nérac, n°42 – 2007, p. 7-29.

3. Analyse

Conservateur, voire réactionnaire, V. Capot entre en guerre avec le sentiment de participer à un événement historique de grande ampleur, demandant son sacrifice, appelant un devoir sans réserve. La guerre vécue le surprend et l’oblige à modifier son point de vue. Présent à toutes les grandes offensives (Marne 1914, Champagne et Artois 1915, Verdun 1916 lors de laquelle il est évacué pour maladie, Moronvilliers le 17 avril 1917), il ne participe pas aux principales phases militaires du printemps et de l’été 1918. On suit à travers ses pérégrinations à la fois le parcours géographique des soldats, mais également les différentes affectations auxquelles ils pouvaient être soumis (stages, perfectionnement dans certaines armes, tenir la coopérative du régiment…). Son témoignage porte la marque d’un regard curieux (découverte des territoires parcourus, découverte des hommes). On retrouve des thèmes bien connus : la camaraderie avec les « pays », les conditions de vie, les combats, la colère envers les généraux que l’on ne croise pas dans les tranchées. D’autres un peu moins : la place du sport, les rapports aux gradés et notamment le regard d’un sous-officier de réserve, promu au feu. Le fil de la lecture est aisé à suivre puisque l’auteur a le souci de faire entrer le lecteur (ses parents) dans ses pensées, ses réflexions. Il est aisé ainsi de suivre l’évolution de son moral, le choc qu’a été la découverte de la guerre vécue, les « remobilisations » avant les grandes offensives, le rôle des sanctions positives (médailles). Les notes qu’il peut prendre pendant la préparation de l’offensive Nivelle en 1917 sont particulièrement instructives, comme celles qui concernent l’après armistice et le rôle donné aux régiments d’infanterie dans le maintien de l’ordre (mai 1919).

Alexandre Lafon, 12/2007

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Thierry, Albert (1893-1915)

Voir la notice dans Témoins… de Jean Norton Cru, p. 469-472. Cette notice concerne le livre posthume Les conditions de la paix, publié en 1918 chez Ollendorff. Les notes quotidiennes d’Albert Thierry ont paru dans La Grande Revue, 1917-1918. Voir Rémy Cazals, « Méditations sur la paix d’un combattant de 1914-1915 », dans Sylvie Caucanas, Rémy Cazals et Nicolas Offenstadt, dir., Paroles de paix en temps de guerre, Toulouse, Privat, 2006, p. 121-132.

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Pottecher, Jean (1896-1918)

Voir la notice dans Témoins… de Jean Norton Cru, p. 539-542. Réédition récente du texte paru en 1926 : Jean Pottecher, 1914-1918. Lettres d’un fils. Un infirmier de Chasseurs à pied à Verdun et dans l’Aisne, Louviers, Ysec éditions, 2003, 208 p., illustrations. Ce livre reprend la préface d’André Suarès, le texte de Jean Pottecher et, en postface, la notice de Témoins…

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Viguier, Prosper (1872-1942)

1. Le témoin

Né le 19 février 1872 à Verfeil-sur-Seye (Tarn-et-Garonne) dans une famille de cultivateurs aisés. Etudes secondaires à Montauban, école du Service de santé militaire à Lyon. Docteur en médecine en 1894. Médecin major de 2e classe en 1900, de première classe en 1911. Médecin militaire en Algérie de 1909 à 1914. Médecin major au 18e RI de Pau au début de la guerre, il est nommé médecin chef de l’ambulance 8/18 en mai 1915. Il reste à ce poste jusqu’à la fin de la guerre. Il devient ensuite médecin-chef de l’hôpital Larrey à Toulouse. Il prend sa retraite en 1931. Il meurt à Verfeil le 8 mai 1942.

2. Le témoignage

Prosper Viguier, Un chirurgien de la Grande Guerre, présentation de Rémy Cazals, Toulouse, Privat, collection « Témoignages pour l’histoire », 2007, 158 pages, illustrations.

Entre 1914 et 1918, il a pris des notes sur plusieurs cahiers : statistiques et bilans en vue d’établir les rapports officiels ; comptes rendus d’opérations chirurgicales, de lectures, d’échanges d’expériences ; remarques personnelles parfois critiques.

3. Analyse

L’ensemble du témoignage fournit un éclairage précieux sur la vie d’une ambulance de l’avant pendant toute la durée de la guerre, avec ses semaines d’activité chirurgicale intensive (l’Aisne, Verdun, la Somme, le Chemin des Dames…). Pendant les moments d’accalmie relative, le médecin-chef s’informe, réfléchit sur les complications à redouter après les opérations et les moyens d’en préserver les blessés, sur les améliorations à apporter au service de santé. Une vision réaliste et précise (par exemple les types de blessures et leurs origines, principalement les tirs d’artillerie), loin de toute fiction littéraire comme de toute surinterprétation hâtive. Non, le major Viguier n’a pas considéré comme un déshonneur de soigner des blessés et de sauver des vies au lieu de tuer des Allemands.

4. Autres informations

– Archives familiales.

– JMO de l’ambulance 8/18, archives du Service de santé militaire au Val de Grâce, cote 893.

Rémy Cazals, 12/2007

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