Baudens, Emile

Voir la notice Puech-Milhau, Marie-Louise, et le livre de Marie-Louise et Jules Puech, Saleté de guerre ! correspondance 1915-1916 présentée par Rémy Cazals, Paris, Ampelos, 2015.

C’est dans sa lettre du 8 septembre 1915 que Marie-Louise parle pour la première fois d’Emile Baudens. Engagée dans une œuvre en faveur des familles séparées par l’occupation du nord de la France, elle a reçu une lettre de ce soldat de 37 ans, mitrailleur au 8e RI. Il se présentait comme ouvrier  dans le civil, aux usines Cail à Denain et souhaitait prendre contact avec sa femme et ses enfants restés en pays envahi, et se faire appeler dans une usine métallurgique. Le 3 novembre, Marie-Louise écrit qu’elle a reçu la visite de celui qu’elle appelle son filleul, ce qui signifie qu’elle lui a envoyé quelques colis. Il revenait d’une permission passée près de sa mère à Saint-Omer : « Il a l’air d’un brave homme et m’a dit qu’il avait son dernier qui s’appelle Marceau ; il n’avait que 7 mois quand il est parti. Voilà un homme qui, depuis plus d’un an, ne sait rien de sa femme et de ses 4 enfants. Chez sa mère, il a appris que des cousins étaient prisonniers ; il va leur écrire pour leur demander d’avoir des nouvelles de sa femme, et de lui en donner des siennes car les prisonniers peuvent écrire dans les territoires occupés par l’ennemi. »

Nouvelle visite annoncée dans la lettre du 6 juin 1916, les envois de lettres et de colis n’ayant pas cessé. « Il m’apportait un cadeau : une douille de 75 en cuivre qu’il a gravée au poinçon et orné de feuilles de chêne. C’est très touchant et cet homme est vraiment un brave garçon. Il a une terrible nostalgie de ses enfants, surtout une fillette de 4 ans qui en avait 2 quand il est parti et qui lui chantait des chansons. » Marie-Louise s’engage à faire des démarches pour qu’il soit appelé dans l’industrie. Elle les entreprend en effet et ce n’est pas facile car les colonels ne veulent pas perdre des effectifs. Elle y réussit toutefois et Baudens lui écrit à deux reprises, en mai et novembre 1917, que grâce à elle, après avoir connu l’enfer, il croit se trouver « au paradis ».

Rémy Cazals, mars 2016

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Résal, Louis (1895-1925)

Louis Résal, né à Lyon en 1895 ; est en classe préparatoire scientifique en 1914 ; il intègre l’artillerie. Pendant son stage d’aspirant à Fontainebleau à l’été 1915, il est muté dans l’aviation comme observateur. Il effectuera des réglages d’artillerie jusqu’en 1918 (C 51 puis C 260). Sous-lieutenant en avril 1916, il finit la guerre avec deux avions ennemis descendus, deux blessures et quatre citations. En 1919 il entre à Polytechnique. Il meurt accidentellement en 1925.
Voir la notice Résal, Paul.

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Résal, Paul (1894-1983)

1. le témoin
Paul Résal, né en 1894, est licencié en Lettres et en année préparatoire à Sciences-Po en 1914. Caporal en 1915 au 18e régiment d’artillerie, il obtient l’aviation après un séjour de 9 mois à Carency en Artois. Volant à la N 83 (protection), il est blessé en mars 1917, puis revole en janvier 1918 à la C 46 (chasse) dont il prend le commandement (comme sous-lieutenant) en octobre 1918 ; deux victoires, trois citations, légion d’honneur en avril 1917. Il meurt en 1983. Voir les notices de ses frères Salem, Younès et Louis.
2. le témoignage
L’important fonds épistolaire de la famille Résal, constitué pendant la Grande Guerre, a déjà donné lieu à l’élaboration d’un film documentaire (L. Veray, Cicatrices, 2013) et à la publication de Femmes sur le pied de guerre. Chronique d’une famille bourgeoise 1914 – 1918 (Résal J., Allorant P., Septentrion, 2014). Avec La Grande Guerre à tire d’ailes, correspondance de deux frères dans l’aviation (1915 – 1918), édition établie par Jacques Résal et Pierre Allorant, Edition Encrage (Prix aéro-club de France 2015), l’accent est mis surtout sur les échanges des deux frères Louis et Paul. Il s’agit d’un choix de lettres, échangées de 1915 à 1918, qui nous permet d’entrer dans le vécu de la guerre de deux jeunes étudiants issus de cette famille d’ingénieurs polytechniciens. Ces deux frères, sportifs et passionnés d’aviation avant-guerre, deviennent respectivement observateur et pilote de chasse et s’écrivent régulièrement, échangeant aussi avec leurs parents et leurs frères et sœurs. Ce choix de lettres est complété par des extraits d’Heures de Guerre (annexe 22), rédigé en 1942 par Paul et qui raconte son expérience du conflit.
3. analyse
a) le quotidien
Les échanges de lettres décrivent d’abord ce qu’est la vie de l’aviateur de la Grande Guerre (formation, missions, combats, anecdotes). Paul et Louis veulent témoigner sur ce qu’ils font, décrire leur quotidien, expliquer leurs vols. Le danger est minoré dans la correspondance avec la mère, les détails techniques s’effacent pour les sœurs mais sont centraux avec les frères et le père. Louis lui écrit (4 novembre 1915, p. 54) : « tu m’as demandé depuis longtemps quel est le travail que je fais », s’ensuivent trois pages synthétiques qui décrivent la fonction d’observateur d’artillerie telle qu’il la pratique au quotidien. Paul évoque toutes les étapes de sa formation (Avord, avril 1916) : « Maintenant que j’ai 1 h 3/4 de vol, je pars tout seul (le moniteur met ses mains sur mes épaules), je vole seul malgré le vent et les coups de tabac.» Dans une autre lettre (septembre 1916), il évoque longuement la technique de l’atterrissage sur Nieuport 10, avec une clarté qui ferait honneur à un manuel de pilotage. Les combats sont décrits avec enthousiasme ou tourment moral (Paul à Louis, 5 mars 1917) « tu as su par la famille [il a écrit à son père] le combat que j’ai eu, et au cours duquel l’avion que je protégeais a été descendu. C’est une malheureuse affaire, et, pour moi, un début fâcheux bien que je n’aie rien à me reprocher. » Louis raconte des vols « intéressants », mais aussi une descente rapide alors que son pilote est blessé (18 mars 1916) ou les circonstances de sa propre blessure le 31 mai 1918. La volonté didactique de ces lettres, jointe à la clarté des descriptions donne un témoignage utile à qui s’intéresse à la guerre aérienne.
b) la guerre vue par des aviateurs
Un second thème se dégage avec des réflexions sur la guerre, sa conduite, son arrière-plan moral et politique. Le témoignage, sans allusion religieuse, évoque un arrière-plan conservateur, Louis qualifiant (p. 58) la gauche de l’Union sacrée en 1915 de « braillards lamentables », et évoque « ces salauds de socialistes, qui font encore du sentimentalisme absurde, et qui, du haut de leur grandeur, considèrent que la France serait déshonorée si elle reprenait l’Alsace-Lorraine aux Boches. » L’héritage antidreyfusard de la famille apparaît une fois (Paul, 31 janvier 1918, p. 209): « Il y a trois juifs à l’escadrille, caractère que je n’aime guère, mais ce sont des garçons instruits et bien élevés, avec qui je peux parler agréablement. » Leur vision de la situation stratégique en 1915 est souvent erronée, ils dépendent de la grande presse, « il paraît que les Russes filent une pile aux Boches ; de notre côté on ne mollira pas et je pense que c’est le commencement de la fin » (17 septembre 1915, p. 31) ou « les Serbes sont des types épatants et les affaires ont l’air de mieux tourner là-bas » (14 novembre 1915, p. 58). L’offensive de Champagne est vue comme une victoire française et ils gardent confiance au printemps 1918 devant les derniers succès allemands.
Paul, brigadier dans l’artillerie en Artois, décrit fin mai 1915 à Carency un moral très bas : « Je ne sais s’il en est de même dans ta région, mais ici l’esprit des hommes n’est pas fameux, j’allais dire détestable en pensant à certains types en particulier. Ils trouvent que cela va trop doucement, c’est vrai – et que jamais on ne repoussera le boche, qu’il vaudrait mieux terminer tout de suite, et que les biffins ne veulent rien savoir, et qu’ils en ont assez » (31 mai 1915, p. 277). Le thème des embusqués est récurrent, et Paul décrit ainsi ses condisciples : « Pour ce qui est des élèves, nous sommes très nombreux, 200. Les 3/4 sont des cavaliers qui, sur le point d’être mutés dans l’infanterie, ont demandé l’aviation. Sauf quelques amateurs, les autres sont venus là pour quitter le front et y retourner le plus tard possible. (…) Tous arrivés par piston. »
Les pilotes ont la réputation d’être des « noceurs » et Louis résume dans un passage intéressant – « je commence à bien les connaître »- ce qu’il faut penser des aviateurs (16 février 1916, p. 76) : « Ils sont enviés et c’est probablement pour cela qu’on dit qu’ils font la noce ». Il développe l’idée que bien que « chics » et parfois « un peu bluffeurs », les aviateurs sont simples et ne s’amusent pas différemment des autres militaires : lors d’un stage de tir à Cazeaux, 30 stagiaires sont cantonnés à Arcachon, « les premiers jours, des poules sont venues de Bordeaux sachant cette arrivée, et pour avoir de la clientèle. Au restaurant, on s’est fichu d’elles et, comme elles n’avaient aucun succès, elles ont fichu le camp et chacun de nous vit d’une façon bien pépère et bourgeoise. » Pour lui, ceux qui font une « noce carabinée » sont rares et ne sont pas approuvés par les autres aviateurs.
c) le combattant intime
Système des valeurs, relations avec la famille, maîtrise de soi : ces lettres évoquent l’espace intime du combattant et l’habitus d’une famille bourgeoise du début du XXe siècle. Les frères présentent nominalement à leurs parents leurs camarades, et leur mère s’enquiert d’eux souvent : elle leur écrit par exemple à l’occasion de blessures, elle s’informe de leur rétablissement. Malgré la mort d’un autre frère tué à sa batterie en 1914, Paul et Louis partagent confiance et énergie. Le combat aérien est recherché pour vivre un moment « très sport » avec un comportement que l’on espère « très chic ». Cet enthousiasme diminue chez Louis avec la durée de la guerre, il est remplacé par une recherche de contrôle de soi. En novembre 1915, sa mère Julie lui avait écrit (p. 53) : « quand tu as le noir, il ne faut pas te laisser aller à cette impression qui ne peut être que mauvaise pour toi. Tu admires l’énergie, et avec raison ; en cette circonstance, domine-toi et veuille reprendre ton équilibre. » Lors d’une crise morale beaucoup plus grave après l’échec d’avril 1917, il échange avec sa sœur : « J’ai peut-être fait des choses bien depuis que je suis sur le front, mais pas une ne m’a coûté l’effort de maintenant. (…) Malgré mes idées noires j’espère passer une bonne permission à Chaumes, qui me remontera un peu et me redonnera l’insouciance que j’avais en arrivant sur le front. Excuse-moi de te dire toutes ces choses peu remontantes, mais ça me fait du bien de te communiquer ce que je pense en ce moment. Ne montre pas cette lettre à Maman qui serait un peu affolée, dis-lui seulement que je vais très bien physiquement » (p. 164). Paul est blessé gravement et perd un œil dans un combat le 24 mars 1917 (il réussira à voler en opérations avec un œil de verre), il écrit à son père : « Tu as l’air étonné que j’aie accepté mon infirmité avec désinvolture, je trouve que ce serait le contraire qui serait surprenant : il est évidemment fâcheux de perdre une partie de ses facultés, mais devant le fait accompli et définitif, il me semble inutile et enfantin de se plaindre. (…) C’est, je crois, ce qu’un certain Zénon avait écrit à son père, il y a trois mille ans ; c’est assez simple, et je me demande pourquoi il en faisait un tel chiqué. » L’intime masculin affectif et surtout sexuel est rarement évoqué dans les écrits de la Grande Guerre, ce qui rend précieux un passage de Louis (20 ans) à son frère où il expose sa conception de ce que doit être sa sexualité (p.76) : « pour moi, tu seras peut-être épaté par ce que je vais te dire : je n’ai jamais baisé de femme et je ne suis pas allé au bordel ; voici pourquoi : d’abord je ne veux pas faire cette opération avec n’importe qui, cela me dégoûte et me fait le même dégoût que de me laver les dents avec une brosse à dent d’une personne étrangère ; on me proposerait de le faire avec telle jeune femme que je connais depuis longtemps et qui est bien, évidemment j’accepterais, mais avec la première putain venue cela me couperait la chique (…) cela ne m’empêche pas de dire des grivoiseries et d’en entendre et de les comprendre, et même de grosses cochonneries (…). Mes camarades à l’escadrille se doutent bien de ce que je suis, mais ils ne me blaguent pas à ce sujet, et me comprennent bien, du reste. » Une autre richesse de ces lettres est de nous présenter un parler « taupin », l’expression d’une oralité qui nous rend ces acteurs très vivants : les vols, les missions sont « épatantes », « très chouettes » ou « à la noix de coco », l’expression la plus récurrente étant « ça gaze » (ça va, c’est bien). Louis évoque des soucis pour une homologation de victoire « pour mon boche, cela ne gaze pas fort, on n’a pas assez de preuves, une seule n’est pas suffisante : alors, pour la croix, macache tu penses » (p. 168).
En 1942 Paul rédige ses souvenirs dans Heures de guerre et sa conclusion confirme, a posteriori, l’extrême diversité de la perception du conflit par les combattants et anciens combattants, à la fois à cause du cadre spécifique de l’aviation, très différent de la tranchée, et de celui des valeurs personnelles, sociales et politiques, avec lesquelles le conflit a été vécu : « Si la guerre est une réalité abominable, elle est, pour ceux qui se battent, l’occasion, même s’ils n’en ont pas conscience, de mener l’existence la plus conforme à leur vocation d’homme, le désintéressement et l’esprit de sacrifice étant l’exigence fondamentale de la nature humaine ; c’est pourquoi tant de ceux qui ont fait la guerre, ont gardé la nostalgie d’une époque exaltante, dont souvent ils n’ont pas retrouvé l’équivalent dans le bonheur de la paix » (p. 312).

Vincent Suard, février 2016

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Icher, Joseph (1896- )

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels (malheureusement pas toujours assez précis) publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Le témoignage oral de Joseph Icher, né à La Redorte le 30 avril 1896, qui a combattu avec le 30e RI, a été recueilli en 1980 par Mme Renou et ses élèves du collège Varsovie à Carcassonne. On peut souligner certains passages :
– p. 21, le jour de l’annonce de la mobilisation, à La Redorte, est celui de la fête locale : « Le bal était prêt pour recevoir les danseurs. Toutes les réjouissances ont cessé, la fête était terminée avant de commencer. »
– p. 33, les tranchées, les abris, les « mers de boue » ; la chasse aux poux au briquet, à l’épingle ; le seul moyen efficace est de faire bouillir le linge
– p. 35, la nourriture, la corvée de soupe, les roulantes, le pinard, le singe, le tabac
– p. 113, l’impression qu’en 1917 il ne reste que des ruraux dans les tranchées : « Celui qui a pu échapper au massacre ne s’en est pas privé. »
– p. 114, trois lieutenants, instituteurs, officiers d’élite
– p. 153, en occupation en Allemagne en mars 1919, il est muté au 14e régiment de tirailleurs algériens pour aller combattre les bolcheviks : « Mission ridicule, car nous n’étions pas en guerre avec cette puissance, qui était libre de se donner le régime qui lui convenait. La flotte française était au large d’Odessa : j’ai vu des cuirassés français tirer sur de pauvres villages – Tiraspol notamment – on se demande pourquoi. »

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Safon, Jean (1896-1981)

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels (malheureusement pas toujours assez précis) publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Le témoignage oral de Jean Safon, boucher à Carcassonne, a été recueilli par Claude Marquié en 1980. On peut souligner certains passages :
– p. 20, le jour de l’annonce de la mobilisation, à Belpech, il a fait partie du groupe de jeunes qui sont allés sonner le tocsin
– p. 38, mobilisé dans l’infanterie, il souffre du manque de sommeil
– p. 52, ententes tacites pour l’heure d’explosion des mines et pour effectuer les corvées à découvert ; un capitaine abat un Allemand ; « c’était de l’assassinat. Cela nous valut une dégelée de bombes à ailettes qui nous fit des morts et des blessés. »
– p. 61, refus d’être nommé caporal pour ne pas, à 20 ans, avoir à commander des hommes de 40 ans
– p. 116, un lieutenant menace de son revolver un caporal pour l’obliger à une sortie qui serait un suicide : « Tous les soldats entourèrent l’officier, baïonnette au canon, en lui disant : Si vous le touchez, on vous embroche. »

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Cazamajou, Marcellin (1897-1981)

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels (malheureusement pas toujours assez précis) publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Le témoignage oral de Marcellin Cazamajou a été recueilli par Jean-Paul Boutibou, élève de 3e au collège Le Viguier de Carcassonne pour Années cruelles. Très gravement blessé dans une tranchée à la côte du Poivre à Verdun, ce jeune homme qui voulait devenir instituteur a choisi de devenir prêtre (il a terminé sa carrière comme chancelier de l’évêché de Carcassonne). Soigné à Chamalières « par des infirmières bénévoles comme les filles Michelin », il a remarqué : « C’était le paradis après l’enfer. » Quantité de combattants blessés qui ne sont pas devenus prêtres ont pu employer les mêmes mots dans les mêmes circonstances.

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Dantoine, Roger (1896- )

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels (malheureusement pas toujours assez précis) publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Roger Dantoine fait partie de ces témoins par son cahier de souvenirs. Né à Chalabre le 8 mars 1896, il fut mobilisé en 1916 dans l’infanterie. Il participa à l’offensive Nivelle du 16 avril 1917, sur laquelle il a écrit une très belle page (Années cruelles, p. 120 qui fait penser à Victorin Bès (voir ce nom) :
« Des coups de sifflet, des hurlements, « En avant ! » Et c’est l’escalade des parapets, disciplinés, lentement, masque pendant. Nous avançons sous un rideau d’obus, on marche, on tombe, on marche… Devant nous, des formes humaines sans armes, hagards, fous : l’ennemi est sorti de terre, les bras en l’air. On le néglige, il part vers l’arrière de nos lignes, s’il réussit à passer. Pour lui, la guerre sera finie. Nous marchons toujours sous le rideau d’obus. Le tir s’allonge à mesure que nous avançons. On tombe dans des tranchées. On piétine des morts et des blessés, et ceux qui restent en vie, les bras en l’air, vont vers nos arrières. On marche comme des ivrognes. Mais soudain, le front allemand réagit. Croisement d’artillerie, explosions, la fin du monde, cris, râles, la terre se soulève, il pleut du sang, je me retrouve dans un fossé, glisse dans un trou de sape, il fait noir, j’étouffe, ne sens plus rien. C’est le néant, tout s’efface…
« Combien de temps suis-je resté ainsi ? Je repris connaissance. J’ai froid, odeur de cadavre, contact glacé. Mes yeux s’habituent, je réalise, je suis couché sur des morts. »
Roger Dantoine se retrouve ensuite à Verdun, front qui conserve sa réputation de « mangeur d’hommes ». Afin de lui échapper, il se porte volontaire pour l’armée d’Orient au début de 1918. Il est en Roumanie, en mars 1919 lorsque son unité est envoyée combattre les bolcheviks : « Arrivée à Odessa le 14 mars par la Bessarabie. Moral très bas. Ce qui nous intéresse, c’est de rentrer en France. Sympathie avec la Révolution. Nous partons d’Odessa le 5 avril. Ce fut une retraite. Le commandement n’avait plus confiance en nous. Nous regardons vers la France. Laisser les Russes à leurs affaires. »

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Colson, Joseph (1875- ?)

Dans le livre 500 Témoins de la Grande Guerre (Éditions midi-pyrénéennes et Edhisto, 2013, 496 p.) figurent certaines notices collectives comme celle intitulée « Audois », p. 40, qui regroupe 15 témoins, hommes et femmes, du département de l’Aude, dont les témoignages, apportent des renseignements ponctuels publiés dans le petit livre de Rémy Cazals, Claude Marquié, René Piniès, Années cruelles 1914-1918, Villelongue d’Aude, Atelier du Gué, 1998, 164 p. [1ère édition 1983 en coopération avec la Fédération audoise des œuvres laïques].
Joseph Colson fait partie de ces témoins (texte confié aux auteurs du livre par sa fille, Mme Paré). Lieutenant de réserve, il partit pour le front dès août 1914. Il a rédigé le récit des combats de Verdun au début de l’offensive allemande, son régiment subissant de plein fouet les terribles effets de l’artillerie lourde sur la côte du Poivre puis la cote 240. De larges extraits de ce témoignage sont publiés dans Années cruelles, p. 95-108. Ils concernent la courte période du 21 au 26 février 1916. Lorsque le lieutenant Colson est évacué, le 26, blessé par un éclat d’obus, il ne reste que 18 hommes sur les 48 que comptait sa section.

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