Pourcelot, Paul (1896- ?)

Le livre publié : Léandre POURCELOT, La Grande Guerre à 18 ans, Le témoignage de Paul, Éditions Blinkline Books, 221 pages, 2021, 24 euros.

Paul Pourcelot est né le 29 mai 1896 dans une famille de cultivateurs du Doubs. Il a rejoint les tranchées en avril 1916 (donc plutôt à 20 ans qu’à 18) avec le 44e RI et il est passé au 122e RI de Rodez en août de la même année. Il a terminé la guerre comme sergent. Il a alors mis au propre des notes succinctes sur la vie des fantassins. On peut retenir une mauvaise appréciation des hommes du Midi (p. 39), l’assistance à la messe (p. 53), le cafard (p. 57), le froid qui gèle boisson et nourriture (p. 75), les effets des gaz (p. 113), la description d’une patrouille (p. 163), la blessure à l’œil et les soins (p. 167). Fraternisations et mutineries sont signalées de manière timide : les mines sautent à heure « conventionnelle » (p. 71) ; un camarade s’oppose à ce qu’il tire sur un Allemand à découvert (p. 73) ; une fraternisation (p. 79) ; le refus de monter du 143e RI (p. 99) ; les territoriaux protestant contre ceux qui viennent « agacer » leur secteur tranquille (p. 161). Le 1er novembre 1918, il écrit : « Tout me fait croire à une attaque, et pourtant à la porte de l’armistice ce ne serait pas beau de se faire buter ». J’ai cité d’autres exemples de ce sentiment dans le livre La fin du cauchemar, paru en 2018 aux éditions Privat. Au CRID 14-18, nous sommes bien conscients que tout témoignage est utile, mais celui-ci a une portée limitée.

Après la guerre Paul reprit son métier de cultivateur. Il se maria en 1930 et le couple eut dix enfants parmi lesquels Léandre.

En fait, ce livre contient un deuxième témoignage. C’est celui de Léandre, médecin de renommée internationale comme l’indique longuement la 4 de couverture. Le livre est un exemple typique de piété familiale. Découvert par hasard, le carnet de Paul est reproduit intégralement en facsimilé sur les pages paires, ce qui est une excellente initiative et permet de corriger les erreurs de la transcription donnée sur les pages impaires : « circonscription » pour « conscription » (p. 19) ; « souillés de sueur » pour « mouillés de sueur » (p. 33) ; « grêler la neige » pour « cribler la neige » (p. 73), etc. On trouve aussi (p. 55) les « taules » pour les « Taubes », erreur fréquente chez les historiens amateurs. Mais il y a plus grave. Le fils a tenu à accompagner le témoignage de son père de commentaires souvent approximatifs, parfois aberrants. Parmi les trop nombreux exemples : l’assassinat de l’archiduc « déclencha la colère du père de la victime, l’empereur austro-hongrois » (p. 13) ; les Allemands auraient déclaré la guerre à la France après l’offensive française du 7 août 1914 (p. 37) ; « Chappée » au lieu de Chappe pour l’invention du télégraphe optique (p. 50), etc. Et que dire de ce passage commentant l’entrée en guerre des Américains en 1917 : « Dans la Méditerranée, ce seront les Français et les Japonais qui lutteront du côté des Américains » (p. 107) ?

Rémy Cazals, novembre 2022

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Lapeyre, Louis (1882-1949)

Trouver sur le carnet de Louis Lapeyre l’adresse de Louis Barthas, caporal au 280e d’infanterie, n’a rien d’étonnant quand on apprend que Lapeyre était, lui aussi, tonnelier à Peyriac-Minervois. Né le 17 avril 1882 à Rieux-Minervois (Aude), village tout proche voisin de Peyriac, fils de tonnelier, Louis Lapeyre a fait son service militaire en Algérie de 1903 à 1906 ; il s’est marié en 1907 et installé à Peyriac en 1910. En août 1914, il est mobilisé dans une section de COA, puis au 44e RI en novembre 1915, au 294e RI en avril 1916. Il donne pour titre à ses carnets « Campagne de 1914 », ensuite étendue aux quatre autres années. Conservés par ses petits-enfants, non publiés, beaucoup plus succincts que ceux de Barthas, ils opposent la beauté de la France, décrite au cours des déplacements, aux horreurs de la guerre. Lapeyre est sensible à la rencontre de camarades avec qui il est agréable de parler du pays. Le militarisme se manifeste lorsqu’une réclamation à propos de la nourriture vaut huit jours de prison. Il signale rapidement la mutinerie du 129e en 1917 et la répression. S’étant débarrassé de son 8e carnet le jour de sa capture (1er novembre 1918), il l’a reconstitué de manière approximative et y a ajouté la description originale de ces quelques jours très particuliers de prisonnier d’une armée en pleine débandade. Tout au long du parcours, les prisonniers sont nourris et congratulés par la population belge. Le 11 novembre : « En cours de route, nous avions appris la signature de l’armistice ; et cette heureuse nouvelle nous comble de joie. En entrant dans la ville [Bastogne], toute la population est en liesse ; les maisons sont superbement pavoisées aux couleurs de tous les Alliés. » Le comité de ville prend en charge les prisonniers en place de leurs gardiens, et apporte, « dans de grands récipients, de la bonne soupe et du café fumant ». « Vers 4 h du soir, passe devant nous le 27e régiment d’infanterie bavaroise, revenant des tranchées. Tous les soldats chantent ; la musique de leur régiment joue. Les officiers ont arraché leurs galons de sur leurs épaules. Les soldats portent leurs fusils crosse en l’air et nous font comprendre qu’ils sont tout joyeux que la guerre ait pris fin. Belges, Boches et Français, tout ce monde fraternise en ce moment tellement la joie est grande parmi tous. »
Le retour vers la France se fait par étapes, les Belges continuant à « gorger » les Français de victuailles : « Il est impossible de leur refuser quoi que ce soit. Quels braves gens que tous ces Belges ! » En France, le département de la Meuse est plein de troupes américaines et on y distingue le « spectacle des plus hideux » produit par les quatre années de guerre. Le 23 novembre, enfin, Louis Lapeyre arrive à Peyriac-Minervois.
Rémy Cazals
*Fiche matricule Arch. Dép. Aude RW 537 (recherche de Jean Blanc que nous remercions).

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Péteul, Pierre (1895-1990)

Il est né à Bourg d’Iré (Maine-et-Loire), dans une famille de meuniers « blancs », tandis que cet autre meunier angevin, Pierre Roullet, était « bleu » (voir notice). Pour devenir capucin, il étudie en Belgique. Revenu en France pour la guerre, il passe dans divers régiments de l’Ouest et fait campagne comme brancardier et infirmier au 44e RI, d’octobre 1915 à septembre 1917 lorsqu’il est sérieusement blessé à la cuisse. Son témoignage comprend 52 lettres conservées aux Archives des Capucins à Paris et un récit postérieur publié par Les Amis de Saint- François en 1970. Il décrit les souffrances des combattants, la désorganisation lors de l’offensive allemande de février 1916 sur Verdun, et il comprend que, devant ces horreurs, on peut se demander : « Comment Dieu permet-il cela ? » Il décrit aussi une trêve tacite : les Allemands étant obligés de lancer des grenades lorsque leurs officiers sont présents, ils avertissent les Français en leur jetant d’abord des pierres, ce qui permet à ceux-ci de se mettre à l’abri. En 1919, il devient sergent, puis aspirant au Maroc. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il participe au sauvetage de juifs et, plus tard, il reçoit le titre de « Juste ».
RC
*Gérard Cholvy, Marie-Benoît de Bourg d’Iré (1895-1990). Un fils de Saint-François « Juste des nations », Cerf, 2010.

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Vuillermoz, Léon (1883-1955)

1. Le témoin

Il appartient au milieu des cultivateurs pluri-actifs du Haut-Jura. En plus des travaux agricoles, il tourne des bâtonnets de bois pour le lapidaire. Service militaire en 1903 au 23e RI à Bourg (Ain).

Mobilisé au 44e RI de Lons-le-Saunier comme caporal.

2. Le témoignage

Sa famille a conservé deux carnets intitulés : « Souvenirs de la Campagne 1914-1915-1916 » et « Les derniers jours (1918) ». Il existe un « trou » entre avril 1916 et novembre 1918. On ignore si cette période n’a pas été racontée, ou si le support a été perdu. Le dernier carnet semble avoir été écrit au jour le jour. Le premier a peut-être été mis en forme durant la captivité à partir de notes précises, car de nombreuses dates apparaissent.

Publication : Léon Vuillermoz, Journal d’un poilu franc-comtois, Guerre 14-18, Sainte-Croix (Suisse), Editions du Balcon, 2001, 139 p. Préface « familiale » du chanoine André Vuillermoz, son neveu. En page 8, très intéressante photo représentant le jeune Léon au service militaire.

3. Analyse

La mobilisation le surprend occupé à rentrer les foins. A l’automne 1914, il est du côté de Vingré, Confrécourt ; en janvier 1915 à Ambleny, et il reste dans l’Aisne jusqu’à l’été. Il décrit les piètres abris, les tranchées boueuses qu’il faut nettoyer au sens premier du terme, les postes d’écoute, les accords tacites, les marmites qui font des dégâts considérables, mais un savoir-faire, produit de l’expérience, permet de les éviter.

Au cours de l’été 1915, il revient à Lons-le-Saunier pour participer à la formation de la classe 17, et ne retourne au front qu’en janvier 1916 pour être envoyé à Verdun. Le secteur de Damloup est tranquille depuis 18 mois, mais, en février, des déserteurs allemands annoncent l’attaque imminente, et c’est pour y échapper qu’ils ont déserté. Le 26 février, sa compagnie, encerclée, doit se rendre. Les combattants allemands les appellent « camarades » et ils sont bien traités (voir la notice Tailhades).

Passage à Worms, Mannheim. Travail à l’usine de caoutchouc de Neckarau. Il signale une émeute de la faim en avril 1916, mais son récit s’arrête à cette date et ne reprend que le 10 novembre 1918. Description brève mais intéressante de ces journées indécises qui, pour les Allemands, suivent l’abdication de l’empereur et l’armistice. Des groupes de soldats allemands ont abandonné les tranchées, laissant le matériel sur place, et se dirigent vers leur domicile. Ils croisent des groupes de prisonniers français qui, eux aussi, rentrent chez eux. Léon écrit que prisonniers et habitants se sont quittés « bons amis ».

Rémy Cazals, 02/2008

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