Burrage, Alfred (1889-1956)

1. Le témoin
Né à Hillingdon, dans le Middlesex, Alfred McLelland Burrage est le fils d’Alfred Sherrington Burrage, auteur de romans pour la jeunesse. Son oncle écrit également des romans d’aventure qui connaissent un large succès. Alfred Burrage poursuit la tradition familiale et écrit sa première nouvelle à l’âge de 15 ans, suite à la mort de son père. Il devient dès lors un écrivain professionnel prolifique, qui travaille pour de nombreuses revues et s’essaie également à la littérature pour adultes sous le pseudonyme de Frank Lelland. Ses histoires de fantômes tout comme ses romances pour la jeunesse seront publiées dans un grand nombre de revues, mais parfois aussi sous forme de livres. Les années 1890-1914 sont l’âge d’or des revues de fiction. Le marché est florissant et permet à un grand nombre d’auteurs de vivre de leur plume.
En décembre 1915, Burrage s’inscrit sur les listes du Plan Derby, qui permet aux volontaires d’attester de leur disponibilité à être enrôlés. Peu de temps après, il rejoint le régiment des Artists Rifles. Pendant qu’il combat en France, il continue d’écrire des romances du type boy meets girl pour les revues. Il le fait surtout pour aider financièrement sa mère. C’est aussi une façon pour lui de s’extraire de la réalité de la guerre :  » C’était un grand soulagement d’écrire dès que la chose était possible : m’asseoir et me perdre dans le monde si paisible d’avant 1914 et me persuader que la guerre n’existait pas. » Pour éviter le problème de la censure, il se procure un maximum d’enveloppes vertes, dans lesquelles les combattants pouvaient insérer des lettres qui ne seraient pas relues.
Frank Burrage participe à la bataille de Passchendaele et à la retraite du printemps 1918, avant d’être évacué en avril. Il n’a jamais suivi la formation des sous-officiers, estimant qu’il n’avait pas suffisamment l’esprit militaire. Il est l’un des seuls écrivains professionnels britanniques à avoir combattu en tant que simple soldat.
Après la guerre, Burrage reprend son activité d’auteur pour revues. Dans plusieurs de ses histoires, il introduit des scènes relatives à son expérience de guerre, mais les éditeurs ne l’incitent pas à développer ce genre de thème. Le regain de popularité des histoires standardisées de la littérature d’évasion est symptomatique du peu d’intérêt qu’a le public du début des années 20 pour tout ce qui concerne la guerre, et ce malgré le grand nombre de témoignages publiés. Mais à la fin de la décennie, la vague éditoriale qui remet la guerre sur le devant de la scène pousse l’éditeur Victor Gollancz à demander à Burrage d’écrire ses mémoires.

2. Le témoignage
War is War paraît en 1930 de façon anonyme, sous le pseudonyme « Ex-Private-X ». L’éditeur craignait que les critiques ne prennent pas le livre au sérieux s’ils savaient que son auteur gagnait sa vie en publiant deux à trois histoires à l’eau de rose par semaine dans différentes revues.

3. Analyse
Les critiques ont reproché à l’auteur ses attaques violentes contre les officiers et tous ceux qui étaient absents des premières lignes. Ce n’est pas tant le langage cru auquel recourt Burrage qui a déplu que le ton caustique dont il use sans parcimonie. Plus d’un passage recèle un humour noir assez audacieux qui fait fi de la réserve habituelle à la plupart des mémoires de guerre.
Sitôt débarqué au Havre, la bataillon de Burrage est passé en revue par « un âne pompeux qui sentait le whiskey. » Le ton est donné. La colère sera un des leitmotivs de War is War. La suffisance des galonnés, les corvées inutiles, les propos condescendants des territoriaux, tout cela est systématiquement pointé du doigt. Burrage se targue de parler au nom du tommy anonyme et de dire une vérité que seul celui qui a combattu peut exprimer. A ce titre, ses remarques sur Sir Conan Doyle ne manquent pas de pertinence. Après avoir fait état de toute son admiration pour l’auteur de Sherlock Holmes, il ne peut néanmoins que regretter que celui-ci « se mêle de la guerre en se contentant de lire les journaux et d’étudier les cartes. »
Alfred Burrage ne s’épargne pas lui-même et ne glorifie pas le combattant. La lâcheté et l’égoïsme sont des attitudes présentes dans les tranchées et il ne cherche pas à les cacher :
« Je respectais ma manière d’être lâche, tout comme je respectais celle des autres, parce que nous étions capables d’en rire et que nous ne nous attendions pas à ce que quiconque puisse s’intéresser à des réactions somme toute très personnelles. Mais le vrai lâche, celui qui ne peut que nous révulser, existait bel et bien : c’était l’égoïste sans vergogne qui considérait que sa peau était trop précieuse pour être trouée, et s’attendait à ce que son voisin de tranchée – qui était dans le même bateau que lui – l’approuve sans réserve. »
« Nous sommes devenus d’un égoïsme sans limite. Nous ne pensons qu’à notre propre ventre et à notre propre peau. Nos coeurs se briseraient s’il fallait porter le fardeau des autres et laisser nos esprits s’attarder sur leurs souffrances ou leur mort. Il n’est pas prudent d’avoir un ami. A tout moment, il peut se transformer en un débris d’homme, les mains cramponnées à un fusil tordu, et il faut alors en trouver un autre. Quand un homme est tué, nous nous précipitons vers le corps pour voir s’il reste de la nourriture dans le barda ou, chose précieuse entre toutes, un rasoir de sûreté. »
Après avoir occupé le secteur du Mont Saint-Eloi et de Roclincourt, près d’Arras, le bataillon de Burrage se bat à Passchendaele. Sa description des combats et des hommes qui se noient dans la boue des Flandres est sans concession. Il n’obtient une permission qu’après une année de présence au front. Au pays, la situation familiale s’est dégradée avec la mort de son oncle écrivain, ce qui l’incite à augmenter ses envois de nouvelles pour les revues. Sa mère, sa sœur et sa tante dépendent en effet de l’argent qu’il gagne avec sa plume.
Son regard sur les Français et les Belges est sans état d’âme, ni amical, ni amer, juste lucide : « Les habitants viennent nous inspecter avec ce même intérêt que montrent les vaches pour les chiens égarés. Nous occupons les lieux qui séparent leurs maisons de l’ennemi mais ils ne montrent pas d’enthousiasme à notre égard. Pourquoi le feraient-ils ? Ils se sont habitués à nous. »
L’humour est omniprésent dans ces mémoires et tempère la noirceur générale du propos. La réponse de Burrage à un officier censeur lui interdisant de mentionner que les Allemands avaient détruit Monchy-sur-Bois est d’écrire une nouvelle lettre à sa mère pour lui dire qu’il ne pouvait pas mentionner « le village au cas où les Allemands découvriraient qu’une bataille y avait eu lieu. »
Aux lecteurs qui n’apprécieraient pas son cynisme, Burrage répond que la guerre est fondamentalement une réalité cynique, qui oscille entre la comédie et la tragédie. Les éléments tenant de la farce, comme la mention de cette prostituée du Havre qui rencontre beaucoup de succès parce qu’elle porte un uniforme d’officier, ne sont pas simplement là pour le plaisir de l’anecdote. Burrage veut brosser un tableau réaliste incluant tous les aspects de la guerre, n’hésitant pas à soulever un certain nombre de questions qui dérangent, quitte à forcer le trait :
« Je crois que le système de l’armée consistait à épuiser les hommes et à les rendre misérables au moment où ils atteignaient la ligne de front, et ceci dans le but de les rendre complètement indifférents à leur vie et leur destin. Aucun homme heureux ne veut mourir. En considérant ces choses avec le recul et sans passion, je dois admettre que cette méthode était aussi sensée qu’elle était cruelle. »
Le 7 avril 1918, il est touché par une balle perdue sur les berges de l’Ancre et croit avoir été gravement atteint. Il ne s’agit en fait que d’une égratignure. Ceci dit, il est presque incapable de marcher. On lui diagnostique un « pied de tranchée », qui lui vaut d’être évacué en Angleterre après une période d’hospitalisation à Trouville.
Francis Grembert, octobre 2015
Source :
War is War, Pen and Sword, 2010 (première édition : Gollancz, 1930, sous le pseudonyme de Ex-Soldier X)

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Gillespie, Alexander Douglas (1889-1915)

1. Le témoin

Né à Linlithgow, en Écosse, Alexander Douglas Gillespie étudie au lycée d’Edimbourg avant d’entrer à Oxford en 1908, où il se distingue notamment en latin et en grec. Après avoir décroché sa licence, il ne poursuit pas ses études de lettres classiques bien qu’on lui prédise une carrière à l’université. Il opte pour une carrière juridique. Mais avant d’entamer son nouveau cursus en droit, il voyage avec son père pendant neuf mois autour du monde, visitant l’Afrique de l’Est, la Chine, le Canada et les États-Unis.
En août 1914, il se porte volontaire au sein du régiment écossais des 2nd Argyll & Sutherland Highlanders. Arrivé en France en février 1915, avec le grade de sous-lieutenant, il écrit de nombreuses lettres à sa famille et à ses amis. L’une d’entre elles, adressée au directeur de son collège universitaire, sera publiée dans la presse nationale et attirera l’attention de Kipling. Gillespie y évoque l’après-guerre et imagine l’aménagement d’une via sacra de la mer du nord à la Suisse. Cette immense voie sacrée deviendrait un lieu de pèlerinage en mémoire de tous les combattants tués au combat : « Ces champs sont sacrés et je souhaiterais que lorsque la paix sera revenue notre gouvernement trouve un accord avec le gouvernement français pour construire une longue avenue entre les Vosges et la mer, ou du moins, entre La Bassée et Ypres, à l’emplacement du no man’s land qui séparait les tranchées. » Alexander Gillespie est un homme dont la curiosité est sans cesse en éveil, et qui se démarque par des idées innovantes, qu’il n’hésite pas à mettre en pratique. C’est ainsi qu’il demande à la mère d’un ami, Isaac Balfour (qui sera tué aux Dardanelles), de lui faire parvenir un livre de botanique. Devant un abri, il plantera des graines de fleurs envoyées d’Angleterre.
Alexander Gillespie est tué le 25 septembre 1915 au cours de la bataille de Loos, à la tête de sa compagnie. Dans le paquetage d’Alexander se trouvait un exemplaire du Pilgrim’s Progress de Bunyan, célèbre ouvrage que beaucoup de combattants avaient emporté en France. Gillespie y avait souligné le passage suivant : « J’entrai alors dans la Vallée de L’ombre de la Mort. Pendant la première moitié de mon parcours, je ne vis aucune lumière. Je pensai que l’heure de ma mort était arrivée quand le soleil se leva et je poursuivis mon chemin avec beaucoup plus de sérénité. » Son frère Thomas était tombé un an auparavant dans le même secteur.

2. Le témoignage

Publié en 1916, le recueil de lettres d’Alexander Gillespie sera remarqué par les critiques, qui souligneront la qualité de l’écriture et l’originalité du contenu. Ceci dit, la préface rédigée par l’évêque de Southwark, Hubert Burge, n’échappe pas à l’hagiographie habituelle, avec la mise en avant des notions de devoir et de sacrifice, que l’on retrouve certes dans les lettres, mais nettement nuancées.

3. Analyse

Jour après jour, de février à septembre 1915, Alexander Gillespie écrit de longues lettres à sa famille où l’évocation de la routine militaire et de la vie dans les cantonnements se mêlent aux considérations plus générales sur la guerre et aux griefs contre les états-majors, le tout dans un style précis et clair. Le volume de la correspondance, plus de 300 pages pour sept mois, est révélateur du besoin impérieux d’écrire qu’éprouvent les combattants, notamment les sous-officiers qui viennent de quitter l’université. Les considérations littéraires ne sont pas rares mais l’essentiel réside dans une narration rigoureuse de la vie militaire, toutefois ponctuée de commentaires stratégiques, politiques ou sociologiques. Pour les étudiants qui se sont engagés sous les drapeaux, l’écriture quotidienne de lettres est une façon de lutter contre une routine militaire peu propice aux spéculations intellectuelles. Une des caractéristiques les plus singulières de cet ensemble de lettres est l’absence d’ancrage géographique. Aucun nom de lieu, des descriptions de villes et de paysages réduites au minimum, comme si Gillespie avec voulu suivre scrupuleusement les consignes des autorités militaires. Etant lui-même astreint à lire les lettres de ses hommes pour les censurer si nécessaire, il ne s’est pas octroyé le droit de prendre des libertés avec la censure dans ses propres lettres. L’impression qui s’en dégage est celle d’une grande région uniforme, vouée à la guerre, dont les spécificités géographiques ont été gommées. Le titre que l’éditeur a choisi pour le recueil est révélateur : Letters from Flanders. Les Flandres semblent ici s’étaler bien au-delà de leurs frontières habituelles.
Les trois extraits qui suivent donnent un aperçu de la teneur de cette correspondance. Celui daté du 24 septembre est tiré de la dernière lettre écrite par Alexander Gillespie. Il y évoque l’esprit de Thomas, qui l’accompagnera et l’aidera, espère-t-il, dans la bataille qui sera engagée le lendemain. Quelques semaines auparavant, il avait cherché la trace du château où son frère avait passé sa dernière nuit.

12 mai 1915 Les tranchées
Je viens de voir dans un hebdomadaire une photo pleine page avec pour titre : Comment à trois ils ont combattu cinquante Allemands et remporté la victoire, et au-dessous le détail de leur haut fait. Les trois héros appartenaient à notre régiment, ce qui nous a pour le moins surpris parce que nous ne sommes jamais allés à La Bassée, où leur exploit est censé avoir eu lieu. Quand on regarde attentivement la photo, on voit que les arbres sont bien en feuilles et que les soldats portent des guêtres et des bas de Highlanders, accoutrements que l’on n’utilise plus depuis un bon bout de temps. L’un d’entre nous a reconnu notre sergent préposé à la cordonnerie. Les deux autres étaient des hommes du train, qui n’évoluent qu’en seconde ligne. Ils sont en général à plus de cinq kilomètres des tranchées. Bref, l’histoire est un mensonge de A à Z. De lire ce genre de chose ne peut qu’amplifier notre méfiance envers les journaux. La photo a dû être prise pendant notre retraire l’année dernière.

30 juillet 1915 Cantonnement
Notre système de volontariat a un inconvénient majeur. Il incite la presse à essayer de convaincre les officiers et les hommes du rang qu’ils sont des héros. Comme ils sont venus se battre ici de leur plein gré, ils méritent le meilleur traitement possible. C’est ce qui est sous-entendu. En fait, ils ne font que ce que tout Français accomplit par obligation sans se poser de questions. Je considère qu’il faut encourager les hommes à se battre et leur donner le plus d’ouvrage possible quand ils ne sont pas en ligne. Il y a trop d’immobilisme ici. On ne tire pas sur les Allemands pour qu’à leur tour ils ne nous tirent pas dessus. Il faudrait faire feu sur toutes les cibles et viser juste, c’est la seule façon de terminer cette guerre. Nous savons que lorsque nous nous en donnons la peine, nous leur sommes supérieurs.

24 septembre 1915

Mon cher papa,
C’est ton anniversaire, je crois, mais je n’ai pas trouvé de cadeau pour toi dans ma tranchée.
(…) Sous peu, nous serons au coeur de la mêlée. Si nous attaquons, ma compagnie fera partie de la première vague d’assaut, et je serai vraisemblablement celui qui la commandera. Non que j’aie été spécialement désigné, mais quelqu’un doit le faire, et je suis le plus ancien de la compagnie. Je n’ai pas d’appréhension, car je serai entouré de tous mes amis, et si l’esprit peut voyager, et se rendre aux endroits où on a le plus besoin de lui, alors Tom lui-même (1) sera là pour m’aider et me donner du courage, car il faut conserver la tête froide, sans cela aucune attaque ne peut réussir. Je sais qu’il est tout aussi vain de courir des risques inutiles que de rester tranquille en arrière. Ce sera une belle bataille, et même quand je pense à toi, je ne voudrais pas en être absent. Te souviens-tu du poème de Wordsworth, Le Guerrier Heureux ? Je ne pourrais jamais atteindre un tel degré de bonheur dans cette guerre mais sache que je suis très heureux et quel que soit mon destin tu te souviendras de cela.
Bon, tout ce que l’on écrit à un moment comme celui-là paraît bien futile, parce que la langue ne peut exprimer tout ce que l’homme ressent, mais j’ai pensé qu’il serait bien de t’envoyer ces quelques lignes griffonnées à la hâte.
Tout mon amour filial, à toi et à maman,
Bey.
(1) son frère, tué au combat un an auparavant

4. Autres informations

Le frère d’Alexander, Thomas Gillespie (1892-1914), était également étudiant à Oxford et faisait partie de l’équipe universitaire d’aviron. Il avait participé aux Jeux Olympiques de 1912, où il avait décroché la médaille d’argent. Engagé dès le début de la guerre, avec le grade de lieutenant, il prend part à la bataille de l’Aisne. Tué le 18 octobre 1914 à La Bassée, il n’a pas de sépulture connue. Son nom est aujourd’hui gravé sur le mémorial du Touret. Le corps d’Alexander n’a pas non plus été retrouvé. Il est commémoré sur les panneaux 125-127 du mémorial de Loos. Alexander et Thomas étaient les deux seuls enfants de Thomas Paterson Gillespie et d’Elizabeth Hall Chambers. Les lettres de Thomas sont incluses dans le recueil d’Alexander, dont sa dernière, également adressée à leur père, datée du 16 octobre 1914.

Francis Grembert, octobre 2015

Source :
Letters from Flanders, written by 2nd Lieutenant A.D. Gillespie, Argyll and Sutherland Highlanders, to his home people, Smith, Elder & Co, 1916 (préface de l’évêque de Southwark : An Appreciation of two brothers)
The Spectator, 8 avril 1916

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Gurney, Ivor (1890-1937)

1. Le témoin

Né le 28 août 1890 à Gloucester, Ivor Gurney est fils de tailleur. Dès l’âge de dix ans, ses talents musicaux lui valent d’intégrer le chœur de la cathédrale de Gloucester. Peu après, il prend des cours d’orgue auprès de l’organiste de la paroisse.
En 1911, il quitte Gloucester pour suivre les cours du Royal College of music de Londres. Ses professeurs louent ses dons musicaux mais le jugent réfractaire à tout enseignement. Pour compléter ses maigres revenus, Gurney devient organiste à High Wycombe, dans le Buckinghamshire, où il se lie d’amitié avec la famille Chapman. Mr et Mrs Chapman, qu’il surnomme « Le comte et la comtesse », deviennent un peu ses seconds parents. Sa vulnérabilité, alliée à un caractère jovial et exubérant, attire la sympathie.
Au début de l’année 1914, Ivor Gurney revient pour quelques semaines à Gloucester, en proie au doute et à la haine de soi. Dès cette époque, son instabilité engendre régulièrement des crises de neurasthénie. Son étrangeté ne facilite pas ses rapports avec ses semblables mais elle le démarque aussi et attire l’attention de protecteurs. Il se lit ainsi d’amitié avec Marion Scott, violoniste et musicologue, qui l’aidera tout au long de sa vie à publier ses poèmes et fera jouer ses œuvres musicales.
Quand la guerre éclate, il se porte volontaire, par patriotisme, mais aussi dans l’espoir que la discipline militaire puisse le stabiliser. Mais il n’est pas accepté en raison d’une vue trop faible. En février 1915, quand les critères sont abaissés, il peut rejoindre le régiment du Gloucestershire. Le 25 mai 1916, les Glosters débarquent au Havre. Gurney est simple soldat et le restera jusqu’à la fin de la guerre. De mai à octobre, son bataillon occupe un secteur près de Laventie. Durant cette période, il envoie régulièrement des partitions à Marion Scott. Ivor Gurney est capable de composer sans avoir accès à aucun instrument de musique. Il écrit aussi des poèmes, que l’éditeur Sidgwick & Jackson acceptera de publier quelques mois plus tard sous le titre Severn and Somme. A la fin du mois d’octobre, son unité est envoyée dans la Somme. En février 1917, elle occupe le secteur d’Ablaincourt. En mai, Gurney est blessé au bras. Après deux mois passés dans un hôpital à Rouen, il rejoint le secteur d’Arras. Envoyé sur le front d’Ypres en août, Gurney est impressionné par l’intensité des tirs d’artillerie. En septembre, à Saint-Julian, devant le saillant de Passchendaele, il se réfugie avec des camarades dans un abri abandonné, où il est gazé, du moins le prétend-il. S’il a effectivement respiré du gaz à cet endroit, l’intoxication n’est toutefois pas prononcée. Il est cependant évacué au pays et échappe au service actif pour le reste de la guerre.
A l’hôpital de Bangour, près d’Édimbourg, Ivor Gurney tombe amoureux de son infirmière, Annie Drummond, mais celle-ci le rejette. Il sombre alors dans un de ces accès de désespoir qui lui sont malheureusement coutumiers, et ce malgré les bonnes critiques que reçoit Severn and Somme. La première édition du recueil est épuisée en très peu de temps. Après une nouvelle hospitalisation en février 1918 pour problèmes d’estomac, il reprend l’entraînement à la caserne de Brancepeth Castle. Mais la neurasthénie l’assaille à nouveau. Il se sent coupable de rester au pays pendant que ses camarades se battent en France. Le 28 mars, il écrit à Marion Scott pour lui dire qu’il est entré en contact avec l’âme de Beethoven. Sa santé mentale se détériore et il est admis à l’hôpital militaire de Warrington en juin. En octobre, il est déclaré inapte au service pour commotion.
Au lendemain de l’Armistice, Ivor Gurney réintègre le Royal College of Music. Après la publication de son deuxième recueil de poèmes, War Embers, en 1919, il connaît trois années de production musicale et poétique intense. Mais en 1922 il sombre définitivement dans la folie. Interné dans un premier temps à l’asile de Gloucester, il est ensuite transféré à l’hôpital psychiatrique de Dartford, dans le Kent. Il continue à écrire et à être publié, grâce à Marion Scott, qui lui rend régulièrement visite et le trouve « si clairvoyant dans sa folie que ça vous fend le cœur. » Si ses chansons n’ont plus la même qualité qu’auparavant, il n’en est pas de même pour ses poèmes, qui gagnent en force. Son esprit habite désormais le passé. Les poèmes qu’il écrit pendant ces années d’internement possèdent une immédiateté qui laisse à penser que la guerre ne s’est pas arrêtée pour lui. Il meurt de la tuberculose en 1937.
Ce destin tragique, allié à une poésie qui ne se souciait pas de perfection formelle, lui a valu d’être considéré comme un poète plutôt négligeable. Or, on trouve dans ses poèmes de guerre un ton et un art poétique tout à fait originaux. Leur précision quasi documentaire et l’emploi de l’argot militaire ont parfois déconcerté, d’autant plus qu’il ne recourait pas à l’ironie dont usaient de nombreux poètes-combattants. Longtemps considérée comme mineure, l’oeuvre poétique d’Ivor Gurney est aujourd’hui réévaluée. Il a également écrit plus de 200 chansons et composé de nombreuses pièces instrumentales.

2. Le témoignage

Le témoignage de guerre d’Ivor Gurney est principalement composé de poèmes et de lettres. Plusieurs éditions récentes les proposent dans leur intégralité. C’est Edmund Blunden qui attire pour la première fois l’attention du public sur ce poète oublié en publiant en 1953 une sélection de ses poèmes.

3. Analyse

a) Poésie
Son poème intitulé « First time » in relate sa rencontre avec un régiment gallois et son plaisir à écouter ces soldats aux accents chantants. Le pouvoir du chant, de l’accent, de la musique propre à toute langue, capable d’oblitérer le bruit des canons, est un thème récurrent dans ses poèmes, tout comme son attachement à sa terre natale : le Gloucestershire.
« Laventie » décrit l’atmosphère des tranchées et le quotidien du soldat dans une langue simple, où le procédé d’accumulation procure une sensation de proximité avec un monde où les réalités et les perceptions diverses cohabitent dans une sorte de chaos généralisé. Sa poésie est celle du particulier, du corps plutôt que de l’esprit. Une poésie impressionniste, sans colère, sans mythe, avec toujours la surprise du détail que l’on n’attendait pas.
Ses poèmes permettent aussi de suivre son parcours et d’observer son évolution. « Ballade aux trois spectres », écrit dans la Somme, laisse libre cours au sarcasme. Mais la camaraderie l’aide à tenir le coup. Comme tous les soldats, il est très affecté par la mort de ses camarades de tranchée. « To his love », exprime cette douleur sans pathos.
En mars 1917, à Caulaincourt, il écrit « Severn Meadows », qu’il met ensuite en musique. Au pays, Marion Scott s’occupe de sa publication. Pendant les périodes de repos, Ivor Gurney continue vaille que vaille à composer de la musique et à écrire des poèmes, notamment une série de rondeaux consacrés au quotidien du soldat.

b) Lettres
Les lettres qu’Ivor Gurney a envoyées de France révèlent une personnalité qui s’accommode difficilement de la discipline militaire mais dont le souci d’observation et l’originalité du regard aboutissent à une perception inédite de la guerre. L’extrait qui suit est de ce point de vue caractéristique :

… Mais oh, nettoyer ! Je suppose que je vis le même enfer que mes camarades ; et bien que je consacre autant de temps qu’eux à astiquer et à polir, les résultats – je dois l’avouer humblement – ne sont jamais à la hauteur de mes attentes. Aujourd’hui, le colonel est venu nous inspecter. J’attendais sa venue en tremblant car je savais que la crasse et la rouille accumulées pendant mes six semaines d’hôpital et ma convalescence n’avaient pas été éliminées, loin s’en faut. J’étais là debout, à attendre, un mouton parmi les chèvres (ou, non, plutôt l’inverse), que la foudre s’abatte sur moi. Arriva alors Celui-A-Qui-On-Doit-Obéir. Il me regarda, hésita, me regarda à nouveau, hésita une nouvelle fois, puis fut appelé par le sergent-major, lequel lui dit (alors qu’ils s’étaient éloignés de quelques mètres) : « Un bon soldat, mon colonel, qui ne pose pas de problème, mais c’est un musicien et il semble avoir quelques difficultés à rester propre. » Quand le sergent-major revint pour nous inspecter de dos, il gloussa et dit : « Ah, Gurney, j’ai bien peur qu’on ne fera jamais un soldat de vous. »
Je suis bien aise qu’ils aient enfin adopté ce point de vue ; cela leur a pris du temps ! Ce sergent-major est un type bath et mérite que je lui compose un triolet…
Francis Grembert, octobre 2015

Sources :
Ivor Gurney : Collected poems of Ivor Gurney, Oxford, 1982
War letters, Hogarth Press, 1984
Stars in a Dark Night, The Letters of Ivor Gurney to the Chapman family, Anthony Boden, Alan Sutton, 1986

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Adams, Bernard (1890-1917)

1. Le témoin

John Bernard Pye Adams est né le 15 novembre 1890 à Beckenham, dans le Kent. Après avoir remporté de nombreux prix d’excellence au collège et au lycée, il réussit l’examen d’entrée à l’université de Cambridge en 1908. Une fois son cursus en humanités achevé, il décide de se consacrer à l’économie. Au terme de ses études, il est nommé conseiller d’éducation dans un centre d’hébergement pour étudiants indiens. Ce travail le passionne et lui fait découvrir la culture indienne. En 1914, il a l’intention de partir en Inde dans le cadre d’une mission humanitaire mais la guerre vient contrecarrer ce projet.

Quand le conflit éclate, Bernard Adams hésite d’abord à s’engager. Comme de nombreux autres jeunes diplômés, il ne ressent aucune attirance pour la vie militaire. L’idée de combattre un ennemi contre lequel il n’a aucune animosité particulière ne lui plaît guère mais il juge néanmoins la cause valable. En novembre 1914, il rejoint un régiment gallois, le 1er Royal Welsh Fusiliers, et accède au rang de lieutenant. Il part au front en octobre 1915. Après avoir occupé le secteur de Cuinchy et de Givenchy, près de Béthune, son bataillon est transféré dans la Somme, près de Morlancourt. Blessé au bras en juin, il est évacué en Angleterre et ne revient en France qu’en janvier 1917. C’est pendant cette période de convalescence qu’il rédige Nothing of Importance. Le 26 février 1917, Bernard Adams est blessé au cours d’un assaut à Puisieux et meurt le lendemain dans un hôpital de campagne. Son corps est enterré au cimetière militaire de Couin (Pas-de-Calais).

2. Le témoignage

Nothing of Importance a été publié en 1917, quelques mois après la mort de Bernard Adams. Il s’agit de la chronique des huit mois de présence de l’auteur au front entre octobre 1915 et juin 1916. Comme il le concède lui-même à la fin de sa préface, son récit ne relate rien d’exceptionnel dans la mesure où il ne couvre aucune action d’envergure. Il l’a entrepris pour essayer d’exprimer ce qu’il ne pouvait transmettre de vive voix. Comme pour de nombreux combattants, l’objectif n’était pas seulement de témoigner mais aussi et surtout de créer un lien a posteriori entre une série de moments désordonnés et contradictoires. On ressent à la lecture du livre une volonté évidente d’ordonner et d’analyser l’expérience combattante. L’ouvrage est édité avec le concours de la soeur de Bernard Adams. Le récit est suivi d’un « In Memoriam » typique des publications posthumes, éloge biographique du combattant mort au combat. Du moins celui-ci, assez court, évite-t-il l’emphase.

3. Analyse

Arrivé à l’automne 1915 dans le secteur de Cuinchy et de Givenchy, Bernard Adams connaît d’abord une période relativement calme. L’échec de la bataille de Loos a mis temporairement un terme aux actions offensives. Béthune, devenue ville de garnison britannique, l’impressionne particulièrement. « Le commerce y est florissant. On trouve de tout ici : des rasoirs mécaniques, du papier à lettre spécial tommies, des uniformes d’officiers britanniques en plus de ce dont peuvent avoir besoin les habitants d’une grande ville. Nous nous sommes rendus dans un célèbre tea-shop, où parmi une foule d’officiers nous avons pu boire du vrai thé anglais, à notre grand étonnement. Et dire que je croyais ne pas pouvoir changer de brosse à dents avant des mois ! » Les cantonnements lui permettent d’observer la population française, notamment une famille de paysans particulièrement accueillante. Pour ces gens, la guerre « fait désormais partie de leur vie au même titre que le canal et les peupliers qui le longent. Ils ne tolèrent pas qu’une escouade à la manoeuvre piétine le carré de laitues, mais sinon ils ne montrent aucun intérêt pour les réalités militaires. En fait, ils se contentent d’éprouver une immense fatigue. Après quelque temps, nous finissions par adopter la même attitude. »
Adams décrit les villages et les paysages avec un souci de détail que l’on retrouvera dans le classique d’Edmund Blunden : Undertones of War. Des cartes et croquis de tranchées illustrent le récit. La plaine humide des environs de Festubert lui donne le cafard et c’est avec joie qu’il apprend le départ de la troupe vers les terres crayeuses et vallonnées de la Somme, qui lui évoquent davantage son Kent natal. Arrivé dans le nouveau secteur, le bataillon profite de quelques semaines au repos dans le village de Montague, où les rapports avec les habitants sont tout aussi bons que dans le Béthunois. Adams évoque l’irréalité de ces lieux habités par la guerre. Son livre, écrit pendant une longue période de convalescence, permet cette « distance proche » que n’ont ni les journaux de bord rédigés au coeur de l’action ni les mémoires rétrospectifs écrits des années après le conflit. Il en joue, utilisant de larges extraits de ses lettres et de son journal, qu’il n’hésite pas à commenter pour souligner leur naïveté et ou insister sur les changements de perspective, ce qui nous offre plusieurs points de vue sur une même réalité. La sensation « onirique » sur laquelle il revient à plusieurs reprises est une façon de rendre compte de l’étrangeté de l’expérience combattante : « Je vivais à l’époque dans une sorte d’irréalité, même si à d’autres moments la vie était on ne peut plus réelle; et ce n’est que maintenant, quelques mois après, que ces journées se fondent petit à petit dans un rêve. Quoi qu’il en soit, si le lecteur trouve les pages suivantes monotones, qu’il essaie de leur donner la couleur du conte et d’imaginer qu’une sorte de sort a été jeté sur ces lieux qui se fait la guerre. »

Mais après la période de repos, la réalité sanglante de la guerre reprend ses droits. Si aucune bataille majeure n’a été engagée par les forces britanniques pendant les huit mois relatés par Adams, la guerre quotidienne des tranchées, avec ses corvées, ses patrouilles, ses coups de main, ses duels d’artillerie et ses explosions de mines n’en est pas moins meurtrière. Affecté dans le secteur de Bois Français, Adams est confronté à la mort de camarades proches. Comme chez de nombreux combattants, cette épreuve marque un point de non retour, qu’il tente d’analyser . « Ces deux morts auraient dû me rendre différent. Or, j’étais le même. Je suis allé inspecter les tranchées avec Davies, j’ai parlé avec les sergents de section et j’ai examiné le réseau de fils de fer à l’aide de mon périscope, et pendant tout ce temps je n’ai pas eu la moindre pensée pour Tommy et Robertson. Étais-je devenu indifférent ? Je ne m’étais pas encore rendu compte que les émotions violentes accompagnent rarement le contact avec la mort, qu’il existe un engourdissement de l’esprit agissant comme un antalgique. J’avais honte de mon indifférence ; mais j’ai vite compris que c’était un phénomène habituel. »

Nothing of Importance est un choix de titre typiquement britannique, qui inscrit l’auteur dans la lignée des écrivains-combattants refusant de céder au sensationnalisme. L’ironie y est prédominante. Comme dans cet avertissement au début du chapitre VII où il invite le lecteur à passer son chemin s’il est allergique aux notions de topographie. Siegfried Sassoon a lu le livre peu de temps après sa parution et l’a offert à Wilfrid Owen, autre grand nom de la littérature de guerre, preuve que cette chronique a été appréciée pour la pertinence de son propos par ceux qui étaient aptes à la juger. Si elle ne fait pas partie des œuvres phares du genre, elle n’en a pas moins toujours été appréciée pour la sincérité du regard qu’elle porte sur la réalité combattante.
Le parcours d’Adams après sa blessure au bras est relaté dans le détail, du poste de secours à l’hospitalisation à Londres en passant par l’hôpital d’évacuation et le bateau-hôpital. Dans la conclusion, il laisse éclater sa colère contre le bourrage du crâne des journaux et déclare : « Cette guerre est un enfer, nous n’y trouvons aucune gloire, nous la détestons, nous en détestons chaque aspect. » Son livre n’est pourtant pas une dénonciation. Son objectif était de proposer « l’étrange synthèse qu’est cette guerre : de l’aventure, de la monotonie, de la bonne humeur et de la tragédie. »
Francis Grembert, octobre 2015

Source : Bernard Adams : Nothing of Importance, Robert M. McBride & C°, New York, 1918. Rééditions : Naval Military Press, 2016 ; Forgotten Books, 2012.

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Gamel, Roger (1896-1962)

Sur le livre Impressions de guerre 1914-1918, Carnet de guerre de Roger Gamel, poilu aveyronnais, pas de mention d’éditeur mais un ISBN 978-2-7466-7598-8. Si on retourne le livre, c’est une nouvelle couverture, celle des Impressions de guerre 1914-1918, Journal de guerre de Mimi Jacob (voir ce nom). Le livre double, imprimé en 2014, est le résultat d’un travail pédagogique réalisé au lycée Louis Querbes de Rodez (Fax 05 65 78 12 32) sous la direction de Jean-Michel Cosson, professeur d’histoire et de géographie, et de Sandrine Garriguet, documentaliste. Il semble hors commerce mais il est peut-être possible de se le procurer en s’adressant à ce lycée. Je l’ai moi-même reçu sans commentaire. Les deux témoins n’ont aucun rapport, l’un avec l’autre.
Roger Gamel est né à Rodez le 29 juin 1896. Deux lignes de son carnet (p. 51 et 91) nous apprennent qu’il était employé de commerce, ayant travaillé à Paris à la Samaritaine et aux Galeries Lafayette où il reprit du service lors de sa démobilisation en septembre 1919. Le fait que le cahier ait été trouvé par hasard dans un grenier à Lille est peut-être à mettre en rapport avec ses emplois successifs. Marié en 1920 à Deuil-la-Barre (actuellement dans le Val d’Oise), il mourut dans ce même département, à Belloy-en-France, le 26 octobre 1962. Roger Gamel ouvre son cahier en affirmant qu’il est la copie conforme des notes prises pendant la guerre, notes brèves pour la période du 16 avril 1915 (incorporation au 4e RIC) au 29 août 1916 (mutation au 23e RIC) et plus complètes ensuite. Quelques fautes d’orthographe de l’auteur ou de transcription. Les points de suspension dans les citations qui suivent sont de Roger Gamel.
Sans surprise, on trouve dans ce témoignage les habituelles descriptions concernant la vie des poilus. La pluie (p. 16) : « Ma capote tient debout toute seule tant elle a été mouillée. » Le froid (p. 29, 2 janvier 1917) : « Nos boules de pain nous arrivent gelées aussi faut-il nous servir de nos pelles bêches pour les partager en quatre, nous les faisons passer au feu vif pour pouvoir manger ce pain. » Les poux (p. 56) et les rats (p. 85) : « Un rat m’a mordu à la joue, teinture d’iode… » La boue (p. 56) : « Les boyaux ne sont plus que des canaux de boue dans lesquels on s’enfonce par endroit jusqu’à la poitrine. » Les mercantis (p. 27) « sans scrupules qui nous écorchaient de leurs prix excessifs ». L’aide aux paysans (p. 43) : « Blancs et noirs aident nos paysans dans les travaux des champs. Comme partout, on a craint l’arrivée des « Coloniaux » dont la mauvaise renommée n’a été répandue que par des curieux et des jaloux ; et quand les « Coloniaux » s’en vont, on les regrette et on ne se cache pas pour nous le dire. » En permission, l’accueil démoralisant des « civils très patriotes » qui ne comprennent pas ce qu’est la guerre (p. 62) ; et toujours, au moment de repartir, un terrible cafard. L’officier d’état-major, « très élégant et pommadé », qui, tout pâle, passe une heure avec les fantassins : « Il pourra en raconter long sur la vraie guerre ! » La peur au cours d’une patrouille, la vie au milieu des morts, la mauvaise surprise des obus à l’ypérite (p. 59). Plus originale, la situation du groupe à qui on ne peut faire parvenir de nourriture par voie terrestre (p. 34) : « Par signaux optiques, notre aviation est prévenue du danger que nous courons… une dizaine d’avions survolent notre secteur et nous jettent quelques boites de conserves qu’il nous est impossible de retrouver… »
Intéressante description d’une corvée de soupe (p. 57) avec cette précision très concrète : avant d’avoir à affronter le retour, chargés à l’excès, dans la boue et sous les obus, les hommes de corvée ont le plaisir de boire et manger chaud. Jules Puech (voir ce nom) et d’autres l’ont noté. Jules Puech et sa femme Marie-Louise ont également donné de nombreux exemples de prosélytisme catholique en particulier dans les hôpitaux. Roger Gamel en fournit un cas personnel (p. 59) : « Je quitte l’ambulance de Beaurieux… la sœur me coud à ma vareuse un scapulaire et me donne deux médailles elle m’embrasse et je remonte en ligne.»
Nommé observateur du régiment (7/12/1916), il assiste à la destruction du village d’Andéchy (13/12) ; ayant repéré un groupe de travailleurs ennemis, il les signale et a « la satisfaction à voir éclater 8 coups de 75 en plein but ». Il ajoute : « J’ai bien travaillé. » Lors du recul des Allemands dans l’Oise (21/03/1917), il note la joie des habitants sortant de leurs caves pour recevoir les soldats français, et il condamne les dévastations : « Nous voyons partout les arbres fruitiers sciés, les caves inondées, les puits bouchés avec du fumier… là, par ces abominables manières à faire la guerre on reconnaît l’âme boche… la destruction systématique de ce riche pays est complète… pourquoi avoir scié les arbres fruitiers ? est-ce cela qui arrête une armée ? »
Le 16 avril, son régiment est en réserve. Le 18, il décrit l’attaque du mont des Singes. En juin, secteur calme en Alsace. Une brève allusion aux troubles, le 22 juillet : « Quelques régiments se sont révoltés… ça barde… le 20e Corps qui occupe une partie du secteur a un mauvais moral… les pires canards circulent. » Retour vers le Chemin des Dames, fin juillet. Caverne du Dragon (p. 51), Hurtebise jusqu’en novembre (p. 51-61).
Montagne de Reims en février 1918 ; fort de la Pompelle en mars. Le 19 octobre, il est évacué, atteint de grippe espagnole, mais s’en sort rapidement. Le 11 novembre le surprend à Paris, retour de convalescence.

Rémy Cazals, septembre 2015

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Jacob, Brunette dite Mimi (1894-1942)

Cet intéressant témoignage sur les sentiments d’une Lorraine de Sarrebourg au cours de la première année de guerre est intitulé Impressions de guerre 1914-1918, Journal de guerre de Mimi Jacob, sans mention d’éditeur mais avec un ISBN 978-2-7466-7598-8. Si on retourne le livre, c’est un nouvelle couverture, celle des Impressions de guerre 1914-1918, Carnet de guerre de Roger Gamel, poilu aveyronnais. Le livre double est le résultat d’un travail pédagogique réalisé au lycée Louis Querbes de Rodez (Fax 05 65 78 12 32) sous la direction de Jean-Michel Cosson, professeur d’histoire et de géographie, et de Sandrine Garriguet, documentaliste. Il semble hors commerce mais il est peut-être possible de se le procurer en s’adressant à ce lycée. Je l’ai moi-même reçu sans commentaire.
Les renseignements biographiques concernant Mimi Jacob sont donnés par sa petite-fille Michèle Raccah. Mimi est née en 1894 à Schalbach, Moselle, dans une famille juive. Pendant la guerre, célibataire (elle se mariera en 1919), elle vit avec ses parents à Sarrebourg. Son journal personnel est tenu sur deux cahiers, du 31 juillet 1914 au 21 avril 1915, écrits en français. Certains passages en allemand sont traduits. Le fond sonore de ces récits est le bruit du canon. Il y aurait un troisième support, un carnet, dont le contenu n’a pas été transcrit.
Le milieu social de l’auteur n’est pas précisé, mais il semble bien que Mimi ait appartenu à une famille aisée et qu’elle ait fait suffisamment d’études pour écrire avec une certaine facilité. L’expression de ses sentiments révèle de la finesse. Ainsi, dès le 31 juillet 1914 (p. 6), après la description du départ d’un jeune officier, père d’un bébé de trois jours, cette phrase : « Tous ces affreux détails vous glacent d’effroi et vous font entrevoir cette horrible chose inconnue qui s’appelle « la guerre » ! » Elle ne sait pas ce qu’est la guerre, mais elle comprend qu’elle sera horrible.
Mimi et sa famille sont des Lorrains restés français de cœur. Cela se voit dès le début, et de plus en plus en avançant. Les Allemands sont décrits (p. 48) comme des « Huns effrayants qui achèvent à coup de crosse, impitoyablement, ceux que les obus n’ont pas tués ». « Puisse leur châtiment être aussi affreux que leurs crimes ! » A l’hôpital, les infirmières allemandes sont de mauvaises femmes, avec cependant une exception (p. 54). L’enterrement d’un soldat provoque la compassion (p. 107) : « Nous aussi nous pleurons et nous souffrons sincèrement pour cet étranger, cet Allemand, autant dire cet ennemi ; au fond tout de même le cœur n’a pas de frontière, et c’est bon de le sentir. »
Les premières pages décrivent l’atmosphère au moment de la mobilisation (p. 7-10) : les arrestations préventives de « bourgeois de la ville soupçonnés antiallemands » ; le triste départ des hommes de la Landsturm ; un ouvroir où les dames qui cousent des chemises ne parlent que français ; l’inscription de Mimi dans un cours d’infirmières. Arrivent de nombreux blessés bavarois qu’il faut rapidement évacuer car, s’écrie un médecin allemand : « L’ennemi approche, l’ennemi va entrer ici, et il ne doit pas tuer nos blessés dans leurs lits ! » Les 16 et 17 août, la description de Sarrebourg « entre deux feux » constitue une très belle page (p. 17). Le 18 août, « grande, belle, bonne émotion de cette guerre : des cuirassiers français à Sarrebourg ! » Les Jacob se réfugient dans la cave, pleins d’angoisse pour eux-mêmes et pour les soldats français qui rencontrent une vive résistance (p. 19) et doivent se replier et abandonner la ville.
Désormais, on vit comme sous une occupation. Il est défendu de parler français dans les rues. « Les Allemands et les pangermanistes d’ici deviennent de plus en plus insolents », écrit Mimi, formulation ambigüe. Y aurait-il des Lorrains pangermanistes ? L’exemple qu’elle donne ensuite prouve que c’est bien le cas. Les Allemands célèbrent la prise d’Anvers, mais qu’est-ce qu’une victoire ? « La ville en flammes, la population en fuite, en partie tuée en route par les bombes qui éclatent de toutes parts, voilà les sinistres éléments dont se compose une victoire ! »
Mimi est consciente de la partialité des journaux allemands ; elle sait qu’il faut décrypter les nouvelles triomphales qu’ils diffusent. On arrive à lire quelques journaux suisses ou italiens, et même une belle page décrit une scène de lecture clandestine de deux journaux français parvenus on ne sait comment (p. 114). L’opposition de Liebknecht à la guerre est connue le 20 mars 1915, et Mimi signale la suspension de périodiques socialistes pour avoir publié des articles blessants pour l’Autriche. Elle donne même le texte d’un article du Vorwärts condamnant le chauvinisme, malheureusement sans donner la référence précise, ni expliquer comment elle se l’est procuré (p. 109).
Elle sait montrer la confusion de la situation et des sentiments, l’alternance des moments d’exaltation et d’abattement. La faim et les restrictions menacent l’Allemagne (p. 82) : « Nous saluons toutes ces nouveautés avec un vif contentement, quoique nous soyons les premiers à en souffrir ! » L’armée allemande semble éprouver des difficultés sur le front russe (p. 83) : « Il est à espérer que c’est bon signe ; mais là aussi la joie s’accompagne de regrets, car beaucoup d’Alsaciens-Lorrains ont été expédiés là-bas, pour y endurer toutes les souffrances et toutes les privations. »
Je pense que ce texte mériterait d’être connu.

Rémy Cazals, septembre 2015

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Filoche, Albert (1883-1918)

Albert Filoche est né le 25 mars 1883 à Grazay en Mayenne.

Ses parents tiennent une auberge et une boucherie dans le centre du bourg et font le commerce des bestiaux. Il fréquente l’école de son village avant de passer deux ou trois ans dans une institution de la ville voisine de Mayenne. Il est musicien, aime chanter et accompagne volontiers sa soeur au piano. Adulte, il devient marchand boucher à son tour.

Mobilisé comme trois de ses frères en août 1914, Albert Filoche, de santé fragile, ne rejoint le front qu’en février 1915. Il devient brancardier en juillet de la même année (par volonté de faire son devoir sans être contraint de donner la mort à ses semblables) et le reste pendant presque toute la durée du conflit. Son unité, le 124e régiment d’infanterie, change plusieurs fois d’affectation mais c’est en Champagne qu’Albert vit l’essentiel de son temps de soldat : deux ans et demi. Il se trouve aussi à deux reprises dans le secteur de Verdun et pour une courte période dans la Somme.

Après une attaque aux gaz, il meurt le 13 août 1918 à 35 ans.

Albert Filoche est un de ces poilus qui ont beaucoup écrit. Des lettres, des notes rédigées quotidiennement pendant tout le temps où il est front, des contes fantastiques et visionnaires, des récits, des romans inspirés de sa vie passée. Albert Filoche n’a jamais repris ou retouché ses textes, ceux-ci ont été rangés comme des reliques avec les papiers de famille après la mort du brancardier.

Les notes constituent la majeure partie de l’ensemble. Elles sont le résultat d’un va-et-vient entre les tâches du soldat, la lecture des journaux, les rumeurs, les bavardages, les angoisses et les espoirs de ce marchand de bestiaux peu ordinaire qui s’intéresse passionnément aux autres hommes. Tous retiennent son attention : compagnons de tranchées, civils rencontrés au hasard des pérégrinations du régiment, responsables politiques et chefs militaires qui tiennent le sort du monde entre leurs mains. Aussi le poilu Filoche s’interroge-t-il autant sur la situation internationale, les difficultés économiques, les problèmes sociaux, les révolutions que sur les opérations auxquelles il participe ou les batailles dont l’écho se propage d’un front à l’autre. Profondément attaché à la campagne et à sa Mayenne natale, il trouve un peu de répit dans la nature quand il s’éloigne de la « zone de mort ». Sa foi religieuse lui permet de tenir malgré doutes et tourments, du moins au début. Avec le temps, les doutes l’emportent. Tiraillé entre le bien et le mal, la liberté et l’aliénation, la justice et l’iniquité, l’ironie et la compassion, le courage et la peur, la beauté de la nature et l’horreur des champs de bataille, Albert Filoche prie Dieu pour se donner une raison de vivre et se consoler de devoir mourir.

Doué d’une plume alerte et mordante, Albert Filoche écrit comme on se parle à soi même, rapidement par la force des choses et longuement, hanté par le sort des hommes.

Trop étonnants pour tomber dans l’oubli, les textes d’Albert Filoche ont été présentés sous le titre, Moissons rouges, Albert Filoche, brancardier au 124e RI, 1915-1918, par Jocelyne et Michel DLOUSSKY, éditions de L’Oribus, 2004 (328 pages).

Ce titre reprend l’intitulé d’un poème composé en 1915 sur le front de Champagne. En août 1918 alors qu’il se retrouve presque dans la même zone de combat, le poilu Mayennais écrit encore :
« Moissons blondes, combat pour la vie dans la paix,
Moissons rouges, marche à la mort. »

Albert Filoche sur le front

Champagne, mars 1915 – avril 1916
Verdun, mai – juin 1916
Champagne et Oise, juillet – décembre 1916
Somme, janvier – février 1917
Verdun, mars – mai 1917
Champagne, mai – août 1917
Hospitalisation en Champagne, août – novembre 1917
Champagne, novembre 1917 – février 1918
Mourir en Champagne, février – août 1918

Jocelyne DLOUSSKY, docteur en histoire, auteur d’ouvrages sur le Bas-Maine et la Mayenne
Michel DLOUSSKY, correspondant de l’Institut de l’Histoire du Temps Présent – CNRS

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Besson, Charles

L’Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique conserve dans ses collections le « Journal d’un soldat du corps expéditionnaire d’Orient, 1915-1918 », de Charles Besson, 79 p. (APA 2823). Il fait partie de l’expédition sur Gallipoli en mai 1915, qui n’est pas de tout repos, face aux Turcs, au milieu des cadavres et des mouches. Blessé, Charles est évacué. En août 1916, il a une brève expérience du front français sur la Somme : « Nous n’avions plus rien d’humain, on aurait dit des paquets de boue mouvante. » Il repart dans l’armée d’Orient fin décembre 1916 : Salonique, Florina, Monastir. Il est évacué pour dysenterie. Après cinq mois de convalescence en France, il repart vers la Grèce au printemps 1918, pour y subir des marmitages « effrayants » et attraper le paludisme. « Quand donc sera-t-on débarrassé de tout ça ! », se demande-t-il. La délivrance arrive le 6 septembre 1918 : « J’ai enfin la joie de rentrer chez moi. »
On n’en sait pas davantage sur sa biographie.
Rémy Cazals
* D’après la note d’Élisabeth Igersheim, Garde mémoire, 2011, n° 10, p. 22.

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Aubry, Hélène (1889-1918)

L’Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique, dans ses collections (APA 2943), possède quelques lettres et photos provenant d’Hélène Aubry, gouvernante en Russie, à Saint-Pétersbourg de 1910 à 1917, dont la mère se trouve à Montargis, et la fille, née hors mariage, en nourrice dans l’Aisne. Situation fort compliquée puisqu’il s’agit d’assurer la vie de l’enfant, au moment où la guerre éclate (Française et vivant en Russie, Hélène déteste les Allemands). La révolution vient rendre les choses encore plus compliquées. Hélène épouse un marin anglais bloqué à Saint-Pétersbourg, qui réussit à l’envoyer chez lui, à Hull où elle meurt en couches, à l’âge de 29 ans.
Rémy Cazals
* Note de René Rioul dans Garde mémoire, revue de l’APA, 2011, n° 10, p. 20.

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Larrazet (village du Tarn-et-Garonne) (5 témoins)

Ce village de 636 habitants a compté 25 morts sur 136 mobilisés en 1914-18, soit un taux supérieur à la moyenne nationale, mais correspondant à la surmortalité des populations rurales. Son originalité tient aux 3159 pages en 11 gros volumes d’un « Journal de guerre » rédigé par quatre notables : Jean Carné, notaire et maire ; le curé Joseph Dumas ; l’instituteur Auguste Durand ; le tailleur d’habits Jean Pujos. Les quatre hommes étaient trop âgés pour partir et n’avaient pas de fils sous les drapeaux ; ils se considérèrent comme « mobilisés » pour écrire la chronique du village pendant la guerre, avec l’aide ponctuelle d’Anselme Coureau, secrétaire de mairie, d’avril 1916 jusqu’à sa mobilisation en mai 1917.
Une première rubrique, la moins intéressante, puise son information dans le quotidien régional catholique et conservateur Le Télégramme. Elle reproduit (au début) ou résume (vers la fin) les communiqués officiels, et elle sélectionne les renseignements sur les difficultés de l’ennemi et l’entrain des poilus. Les nouvelles du front proviennent de quelques lettres choisies, telle celle de Jean-Marie Delpech à Auguste Durand : « Je vous assure que je ferai mon devoir jusqu’au bout. Si j’y reste, ne me regrettez pas car je n’aurai fait que mon devoir de Français. C’est vous, mon ancien instituteur, qui m’avez appris où était le devoir ; je souhaite que ceux qui nous remplacent sur les bancs de l’école apprennent eux aussi à devenir des hommes. » Il est dommage que les rédacteurs n’aient pas procédé à une collecte plus systématique des lettres des combattants du village, qui aurait apporté des sentiments plus variés. Mais il est clair qu’ils n’en ont pas voulu.
Parmi les « Faits locaux », après « Mobilisation », on trouve des rubriques sur les réquisitions, l’accueil des réfugiés, le rationnement et les prix, l’évolution des surfaces ensemencées, les problèmes de main-d’œuvre, la vie religieuse, le moral de la population. Les notables voudraient n’avoir à signaler que l’unanimité patriotique. Mais, en stigmatisant certaines attitudes, ils nous les donnent à voir : réticences des paysans devant les réquisitions et le versement de l’or ; aspirations à une paix blanche. Le 10 août 1917, ils écrivent : « Le moral reste ce qu’il était depuis longtemps ; tout le monde souhaite vivement la paix ; la majorité la réclame sans condition, ne se rendant pas compte de ce que serait l’après-guerre si nous acceptons une paix boiteuse. Nous devons cependant reconnaître qu’une imposante minorité s’efforce de maintenir le moral et qu’elle obtient des résultats appréciables (puisque l’on n’entend les raisonnements défaitistes qu’en petit comité, personne n’osant divaguer en public). » La paix signée avec l’Allemagne, le comité du « Journal » décide, en juillet 1919, de procéder à sa « démobilisation » et de clore son travail qui « pourra peut-être intéresser les chercheurs de plus tard ». Cet objectif est atteint : grâce à Alain Daziron et Sylvie Guiraud, les historiens peuvent tirer beaucoup de l’imposant document, et même plus que ce que les rédacteurs avaient prévu.
Rémy Cazals
* Sylvie Guiraud, Larrazet, commune rurale durant la Grande Guerre, La vie quotidienne d’un village à travers son Journal de guerre, Larrazet, Maison de la culture, 1997, 146 p. + annexes (à partir d’un mémoire de maîtrise, Université de Toulouse Le Mirail).

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