Actualité des « fusillés »

Les fusillés et les mutins de la Grande Guerre restent présents dans l’actualité et la mémoire.
Le 16 avril 2008, le Conseil Général de l’Aisne adoptait une résolution sollicitant la reconnaissance par la République, et l’inscription sur les monuments aux morts, des « fusillés pour l’exemple ».
Lire la résolution du Conseil Général.
Lire l’analyse par Nicolas Offenstadt. qui souligne l’aspect incertain, sur le plan mémoriel et juridique, de cette démarche qui prolonge des combats déjà menés dans l’entre-deux-guerres.
Enfin, il se dit que l’Elysée songe à une telle opération juridique (voir l’appel de l’article sur Mediapart).

La Première Guerre mondiale dans le manuel franco-allemand

Le second tome du manuel franco-allemand vient de paraître. Ce nouvel opus est consacré à la période comprise entre le congrès de Vienne et la fin de la Seconde Guerre mondiale. La Première Guerre mondiale y occupe une place notable, deux chapitres lui sont peu ou prou consacrés[1], ainsi qu’une double page figurant dans le chapitre « la domination coloniale [2]». De la lecture de ces pages, plusieurs points de dégagent.

Avoir un regard croisé sur ce conflit n’est pas chose aisée et s’apparente même à une aporie. Si pour les Français, ce conflit est la Grande Guerre, pour les Allemands, il est cette Urkatastrophe, cette catastrophe originelle, qui précipita l’Allemagne dans cette nouvelle guerre de Trente ans (1914-1945)[3], et qui se termina par une situation catastrophique[4] pour ce pays, qui se retrouve démembré, divisé, occupé et vaincu. Ce conflit n’est pour les Allemands « que » la Première Guerre mondiale. Pour la France et les Français, le conflit a une toute autre dimension. Il s’agit de la Grande Guerre, l’adjectif traduit et annonce l’importance de cette guerre, ne serait-ce que par le nombre de victimes, plus de 1,4 millions de morts, notre pays ne sera plus jamais celui qu’il fut avant 1914. Sans compter le statut du conflit, qui lui aussi, joue un rôle. Défaite pour les uns, victoire chèrement acquise pour les autres. Les auteurs ont réussi à vaincre cette aporie et à présenter une étude bi-nationale de la guerre, en intégrant les différences sensibles de points de vue, pour les faire étudier par des élèves des deux pays, le manuel devant être vendu aussi bien en France qu’en Allemagne. Nos élèves découvriront ainsi que le terme « anciens combattants » n’existe pas dans la langue allemande. Ils découvriront aussi des concepts allemands ou utilisés outre-Rhin, comme « chèque en blanc [5]» ou « bataille de matériel [6]»

La Première Guerre mondiale fait, d’abord, l’objet d’un chapitre chronologique, 1914-1918, dénommé De la guerre européenne à la guerre mondiale. Le chapitre est entrecoupé de dossiers, occupant une double page. Parmi les dossiers, on trouve l’union sacrée et Burgfrieden, la violence de combat, la culture de guerre, et deux pages consacrées aux civils français et allemands dans la Première Guerre mondiale. Le second chapitre qui lui est consacrée, mais comme événement fondateur, s’intitule « sortir de la guerre ». Y sont abordés le bilan de la guerre en Europe, l’armistice, les traités de paix, les mémoires de la Première Guerre mondiale. Les dossiers traitent du traité de Versailles et de sa perception outre-Rhin, aux sociétés en deuil… Concernant la partie cours, comme pour le manuel de terminale, on retrouve une disposition très française, avec une page de cours, toujours problématisée. L’autre page est consacrée à des documents et à des « pistes de travail ». Un enseignant non germanophone y trouvera des documents inhabituels, originaux, puisés dans les ressources documentaires allemandes[7]. Tous les collègues y trouveront régulièrement des documents exceptionnels, renouvelant profondément notre approche documentaire de ce conflit, comme la photographie des poppies, p.211, extraordinaire document sur la mémoire contemporaine de ce conflit dans les nations du Commonwealth. Une initiative documentaire qu’il convient de saluer. Ce n’est pas la seule innovation par rapport à un manuel français traditionnel. On y trouve des activités originales, incitant les élèves à faire des recherches sur des points précis abordés par un ou des documents. Ainsi, p.227, les élèves sont invités à rechercher des informations sur les commémorations au Canada et en Nouvelle-Zélande, ou, p.229, sur la vie et l’oeuvre de Käthe Kollwitz, très connue en Allemagne, beaucoup moins en France, par sa dénonciation iconographique de la guerre, qui lui a pris son fils. Autant d’occasions de forger, d’entretenir des compétences chez nos élèves et ainsi de contribuer à les préparer davantage au « grand bond en avant » heuristique que constitue, souvent, l’enseignement post-baccalauréat. La partie consacrée aux mémoires de la guerre est aussi originale, de par sa volonté d’expliquer comment se sont structurées ces différentes strates mémorielles, du conflit à aujourd’hui. On le voit, le manuel possède plusieurs points forts et une profonde singularité.

Autre originalité, la page intitulée « regards croisés franco-allemands » permettra à un élève de connaître l’état des recherches historiographiques et quelques-uns de ses enjeux, comme il était d’usage dans les manuels autrefois, naguère, hier presque, époque qui paraît pourtant bien lointaine aujourd’hui. Là encore, c’est une initiative et une pratique à saluer, importée d’outre-Rhin, où les auteurs des manuels ne sont pas frileux pour présenter aux élèves des débats historiographiques. L’histoire n’est pas une science désincarnée, elle est écrite par des femmes et des hommes, qui ne sont pas toujours d’accord sur tout et ce sont ces débats qui font avancer les recherches, mais aussi l’enseignement. Ainsi, la page 231 et aussi certains dossiers et pages de cours mentionnent les questions historiographiques sur la Grande Guerre. La notion de brutalisation est introduite avec un conditionnel, ce qui nous change de certains manuels qui l’imposent ex cathedra, comme une vérité absolue, hors de laquelle il n’y a point de salut. On trouve également l’écho des critiques de la notion du « consentement à la guerre », du concept de « culture de guerre »[8]. Dans l’espace consacré aux ressources documentaires, qui doivent prolonger le cours, le CRID est cité. La bibliographie est éclectique et notre ami Frédéric Rousseau y est présent. Une filmographie est aussi indiquée, on peut déplorer que l’apport du film de Jean Renoir, la Grande illusion, ne soit pas explicité comme pour les autres films. On peut aussi regretter que les films allemands qui y sont recensés, s’arrêtent au, certes superbe, Im Westen nicht neues. Il est cependant représentatif de tout un pan de la production cinématographique allemande contemporaine. Un autre aspect résolument novateur de ce manuel est la place accordée à l’histoire allemande. Mise à part dans les sections européennes et les Abibac, l’histoire de l’Allemagne n’est plus guère enseignée, hormis pour le totalitarisme nazi. La binationalité du manuel nous permet de retrouver des pages sur cette histoire ouverte par la Première Guerre mondiale. Un dossier est consacré, par exemple, à la situation de l’Allemagne entre 1918 et 1919, et un document rappelle les petites guerres menées pour les frontières orientales de l’Allemagne. Cette originalité lui attirera sans doute un beau succès de librairie, comme pour le premier tome, car il constitue aussi un bréviaire utile pour l’honnête lecteur de notre siècle. Ce beau manuel offre toutefois quelques points à débat.

On pourra déplorer l’utilisation du concept de guerre totale, p.200. Le titre introductif « vers la guerre totale » laissait pourtant entendre , que cette « guerre totale » n’était pas encore totalement… réalisée, (sans jeu de mots…) dans ce conflit. Cette précaution rhétorique ne survit pas au titre, et est d’ailleurs désamorcée page 188 avec une des problématiques centrales du chapitre : pourquoi la Première Guerre mondiale devient-elle une guerre totale ? Le concept est ensuite utilisé tel quel. On eût préféré le concept « conflit en voie de totalisation », qui nous semble plus proche de la réalité historique, car tous les éléments d’une « guerre totale » ne sont pas encore réunis entre 1914 et 1918, notamment la prise des civils pour cible. Il y eut bien sûr des exactions commises sur les populations civiles, et le souvenir dans nos Ardennes n’est pas encore estompé. Il y eut aussi des victimes civiles, par exemple dans le génocide arménien, « premier génocide du XXe siècle ». Mais le conflit nous a épargnés les bombardements massifs des villes et des populations, les tapis de bombes destinés à faire « craquer » les populations, comme ceux de Coventry, ou celui de Dresde en février 1945. Par ailleurs, les historiens allemands ont répugné longtemps, et encore aujourd’hui, me semble-t-il, à user de ce concept, à cause de son utilisation par Goebbels dans un discours à Berlin en février 1943. Même si Ludendorff l’utilise dans un ouvrage dès 1935, pour nommer le passage d’une guerre de cabinets, limitée dans son ampleur et ses objectifs, à une guerre désormais devenue absolue. On peut aussi regretter une vision téléologique sur la fameuse question de la violence infligée. Une question p.205 demande aux élèves de réfléchir en quoi l’occupation pendant la Grande Guerre préfigure-t-elle les violences qui frappent les civils dans les guerres du XX siècle. En outre, une critique des travaux de George L. Mosse vient aussi du fait que des pays échappent à cette violence physique, comme l’Angleterre et même la France, si on excepte quelques événements, comme le 6 février 1934[9] et l’agression de Léon Blum lors des obsèques de Jacques Bainville. Sans compter qu’après 1945 nos sociétés occidentales ont abandonné cette propension à la violence, malgré les sommets de violence tant subie qu’infligée, au cours de ce conflit. On trouve aussi quelques coquilles, ainsi dans le document 2 p.193, mais quel manuel peut se vanter d’en être exempt ?

Au final, le manuel dispense une vision, non pas nouvelle, mais différente, de la Première Guerre mondiale, grâce à cette collaboration binationale et à des documents sortant du cadre européen. On peut enfin accéder à un regard croisé sur cet événement, ce qui peut renouveler les pratiques pédagogiques. Les lecteurs français, comme leurs homologues allemands, y puiseront un intérêt renouvelé, grâce à sa richesse documentaire. Et ce livre, en s’ouvrant sur les débats historiographiques, dépoussière l’approche éditoriale traditionnelle et la renouvelle, même s’il reste des concepts équivoques. Il dessine un nouveau cadre didactique, dont pourraient s’inspirer nos manuels, trop souvent franco-français.

Yohann Chanoir


[1] Un totalement, l’autre partiellement.

[2] Le dossier consacré aux colonies et la Première Guerre mondiale insiste essentiellement sur les conséquences du conflit dans les colonies. La participation des troupes coloniales est évoquée par un document et par quelques chiffres sur l’importance de ces troupes.

[3] Concept évoqué par les historiens allemands, comme Hans-Ulrich WEHLER, mais aussi par le Général de Gaulle.

[4] Même si l’historiographie allemande a relativisé depuis quelques années cette « Stunde Null », cette année zéro. Ainsi, près de 90% des capacités sidérurgiques, plus de 80% du potentiel mécanique et chimique en 1945 sont préservés.

[5] ou Blankoscheck désignant le soutien inconditionnel accordé par l’Allemagne à l’Autriche-Hongrie durant l’été 1914.

[6] ou Materialschlacht.

[7]La plupart des ressources textuelles seront prochainement accessibles dans leur version allemande sur le site suivant : http://www.nathan.fr/manuelfrancoallemand

[8] Concept dont il est précisé à deux reprises qu’il est discuté, pour sa définition (page 200), mais aussi dans le dossier consacré à ce concept, pp.202-203.

[9] Dont la portée est en outre à limiter; « Le 6 février n’est pas un putsch, à peine une émeute… » écrivait René Rémond, dans Les Droites en France, Paris : Aubier, 1995, Collection Historique, p.210.

Parution: les pertes de la guerre.

Le dernier numéro de la revue Le Mouvement Social propose un dossier intitulé « Enquêter sur la guerre ». Il atteste d’un regain d’intérêt salutaire pour l’histoire sociale voire quantitative du phénomène guerrier au XXe siècle. On peut y lire en particulier un article d’Antoine Prost intitulé « Compter les vivants et les morts: l’évaluation des pertes françaises de 1914-1918 », et qui constitue une mise au point documentée et désormais incontournable sur cette question.

Le chiffre global d’1,4 million de morts (dont les disparus) est confirmé et en même temps nuancé : il recouvre différentes réalités et englobe les militaires morts de maladie jusqu’en juin 1919 (75.000 environ) ainsi que les morts étrangers et coloniaux (75.000 environ). Les pertes militaires de la population française sont donc d’1,325 million, et parmi elles les morts directement liées aux combats 1,25 million.

Le mode de constitution des chiffres, les incertitudes statistiques, en particulier pour les blessés et malades, et les débats sur les pertes sont également étudiés.

Parution: témoignage de Jérôme Castan

Un « col blanc » dans la guerre.

« Carnets de guerre 14-18 », Revue de l’Agenais, n°1, 2008, pp. 57-94.

Lafon Alexandre, « Témoignage de guerre d’un « col blanc », Jérôme Castan (1914 – 1918), Revue de l’Agenais, n°1, 2008, pp. 95-112.

Jean Norton Cru notait dans Témoins en 1929 le peu de témoignages qu’il avait pu étudier de combattants non bacheliers. A regarder les nombreux récits de combattants publiés depuis, peu de témoin appartiennent à la catégorie des « cols blancs » : employés de bureau, de banques, liés à l’essor du travail salarié et des services dans la société française. La Revue de l’Agenais publie ce mois-ci un tel témoignage, le carnet de Jérôme Castan, âgé de 21 ans au début de la guerre, employé à la Société générale à Agen, mobilisé en octobre 1915, ayant combattu sur le front de l’ouest mais aussi en Italie à partir de novembre 1917. Un carnet riche d’informations et de notations rédigés au cœur de l’expérience militaire (incorporation) et combattante.

Une pièce de plus à verser dans le dossier d’une histoire sociale de la Grande Guerre.

Parutions: dernier poilu, violence de masse

Signalons deux parutions récentes:
-Dans le Monde diplomatique d’avril 2008, Nicolas Offenstadt revient sur l’hommage au « dernier poilu ».

-Plus qu’une parution, c’est la mise en ligne d’un projet important: l’encyclopédie des violences de masses, dirigée par Jacques Sémelin (en anglais). Pour 1914-1918 on y trouve notamment des éléments sur l’empire ottoman et le génocide des arméniens.

Quel hommage pour quel poilu ? Réponses à Ivan Levaï.

De « grandiloquentes funérailles ». Dans Le Monde du 16/17 mars, Francis Gouge et Benoît Hopquin soulignent la pompe prévue pour l’hommage au dernier poilu demain lundi 17 mars et rappellent en miroir le rejet par Lazare Ponticelli de ce genre de cérémonie (« le vieux Monsieur aurait-il aimé voir ça ? »). Interrogé par Benoît Hopquin, j’ai donné mon point de vue, qu’il a – c’est le jeu – rendu en résumé : « C’est une cérémonie d’adhésion, de glorification, plutôt qu’un moment de réflexion, assure l’enseignant de Paris-I. Il y a le même déploiement que dans la lettre de Guy Môquet. »

Ivan Levaï s’en indigne sur France Inter ce 16 mars :

« Serait-ce trop ? Oui, selon Le Monde qui juge ce cérémonial grandiloquent. Et trop, selon l’historien Nicolas Offenstadt, spécialiste de la Grande Guerre, qui enseigne à Paris I. Selon lui, il faudrait redouter, au lendemain des élections municipales, une nouvelle polémique, sur la récupération de la mémoire.

« Je regrette, dit-il en page 10 du Monde aujourd’hui, cet usage de l’Histoire. On propose une cérémonie d’adhésion et de glorification, au lieu d’un moment de réflexion. Il y a le même déploiement que pour la lettre de Guy Môquet.» Et badaboum, c’est reparti pour un tour. Le second est déjà annoncé pour mardi prochain, au plateau des Glières où Nicolas Sarkozy doit honorer les héros de la Résistance.

Résumons : Guy Môquet, shoah, dernier poilu, résistance en Haute-Savoie, interdiction au chef de l’État de dire quoi que ce soit. (…)

L’Histoire aux historiens… et silence et justification imposés aux témoins? »

Cet ensemble de confusions par un chroniqueur pressé amène à quelques précisions. Il ne s’agit pas d’en faire « trop » mais de faire ringard, traditionnel et très conservateur. Par ailleurs l’article du Monde juge en regard de ce que voulait le dernier poilu. En ce sens, il rappelle légitimement que l’État rebâtit ici à sa manière le rituel qui a failli lui échapper parce que les deux derniers poilus ont d’abord refusé les obsèques nationales, sans compter le profil atypique du der des ders (un italien engagé dans la légion qui combat à partir de 1915 dans l’armée italienne)…

Ce qui me frappe, en tant qu’historien, n’est évidemment pas ce dont parle Ivan Levaï. La parole des témoins est notre matériau et un matériau essentiel. En revanche, la mort du dernier poilu étant envisagée de longue date, elle aurait pu être l’occasion, en effet, d’un « moment de réflexion ». Cela impliquait d’ouvrir un espace de discussion (sous forme d’une site ressource par exemple), de mettre les artistes à contribution, qui ont tant fait pour les mémoires de la Grande Guerre : Pourquoi ne pas prévoir des diffusions sur écrans de plein air de films marquants ou une semaine du cinéma de 14/18 ? Pourquoi ne pas organiser dans les écoles une représentation théâtrale autour de la Grande avec tant de pièces qui permettent de parler de la guerre avec modernité (on pense par exemple aux formidables Mémoires d’un rat mises en scène par Christine Bussière), plutôt qu’un cours solennel dans les classes sur tout le territoire de la République comme c’est envisagé (et cela rappelle bien l’affaire Guy Môquet, voir le site du CVUH), ou bien des lectures, pour tous, par des comédiens, de témoignages des combattants ? Lorsque sur le Chemin des Dames, par une belle journée d’été de juin 2007, lors d’un hommage aux tirailleurs sénégalais qui fut marqué par l’inauguration d’une oeuvre évocatrice de Christian Lapie, Manu Dibango joua quelques notes de saxophone et que fut lu avec talent le poème de Senghor aux tirailleurs sénégalais, l’hommage y était, l’émotion et la réflexion aussi. Et ce n’était qu’une cérémonie modeste à l’échelle du Chemin des Dames…

Pourquoi ne pas innover, inventer des formes commémoratives contemporaines, pour parler aux contemporains, plutôt que l’éternelle cérémonie aux monuments aux morts, les honneurs militaires et la pose d’une plaque dans un lieu qui en compte déjà des dizaines en mémoire des combattants de 14/18 (voir les galeries à l’étage dans la cour centrale) ? En 1998, Jean-Pierre Masseret, secrétaire d’État aux anciens combattants, qui n’était pas un révolutionnaire de la mémoire, avait déjà prôné de nouvelles formes commémoratives pour la Grande Guerre… Autrement dit, lundi, on risque bien, de nouveau, de voir se déployer l’éternel grand récit national, l’appel à une citoyenneté d’adhésion et non pas à une citoyenneté de réflexion qu’auraient encouragé des lieux de débats ou de déploiement artistique. Voici précisées ces quelques lignes du Monde.

Nicolas Offenstadt

Université de Paris I Panthéon-Sorbonne/Crid 14-18

La Grande Guerre aujourd’hui, Mémoire(s), Histoire(s) (Agen, novembre 2008)

Appel à communication –

Journée d’étudessamedi 14 novembre 2008, Agen (Lot et Garonne).

La Grande Guerre aujourd’hui : Mémoire(s), Histoire(s)

Dans le cadre des commémorations du 90e anniversaire de la signature de l’armistice du 11 novembre 1918, l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Agen et l’association les Amis du Vieux Nérac organisent une journée d’études autour de la Grande Guerre, et en particulier sur les thématiques des mémoires et de ou des histoire(s) de ce conflit majeur qui reste très marqué dans l’espace public aujourd’hui.

Quelles sont ces mémoires liées à 14-18 : mémoires de familles dont les membres ont été décimés par la guerre, mémoires des combattants, mémoires des civils, mémoires des « indigènes » mobilisés dans l’armée nationale ? Autant de destins, autant de mémoires qui ont circulé jusqu’à nous par le biais des témoignages, des objets pieusement conservés, des monuments érigés lisibles dans le paysage actuel des départements, dont celui du Lot et Garonne. Quels aspects particuliers rapprochent ou opposent ces mémoires du conflit, et comment l’historien s’appuie sur elles pour en élaborer l’histoire? Ces questions essentielles pour qui veut mieux comprendre la Grande Guerre et son écho seront au cœur de cette journée d’études.

Axes de travail :

A partir de cette problématique générale, cette journée d’études se propose d’explorer les mémoires de la Grande Guerre, son ou ses histoire(s) selon deux axes différents mais complémentaires :

– Traces de 14-18 : quelles sont aujourd’hui les traces de l’événement, lisibles dans les familles ou l’espace public qui servent de support aux mémoires et à l’écriture de l’histoire du conflit. Témoignages publiés ou conservés encore dans les armoires familiales, photographies, archives officielles des autorités civiles ou militaires, monuments aux morts, cimetières, objets fabriqués au front… Autant de supports vecteurs d’une perception du conflit, de mémoires plurielles et de sources pour l’historien.

Les départements du Sud Ouest et celui du Lot et Garonne en particulier pourront être particulièrement étudiés dans le cadre de ce premier axe.

– La place de la Grande Guerre dans l’espace public local et national 90 ans après l’armistice : comment le conflit est-il présenté aux Français aujourd’hui, à la fois dans les médias et à l’école, quelles mémoires sont privilégiées et à l’inverse, quels événements ont du mal à trouver leur place ? Par ailleurs, tant il est vrai que « l’histoire, c’est ce que font les historiens » comme le rappelle Antoine Prost, l’historien étant fils de son temps, quelles grandes questions dominent la recherche aujourd’hui, comment ont-elles évolué depuis la guerre elle-même ? Autant de questions qui mettent en relief la perception contemporaine de la Grande Guerre.

Procédure de communication

Afin de porter sa candidature à l’attention des organisateurs, il s’agit de faire parvenir au comité scientifique dont l’adresse est précisée ci-dessous le titre et la présentation de leur projet de la communication (1500 signes maximum) avant le 1er mai 2008. Les candidats retenus se verront alors contacter et préciser les modalités de présentation du texte final et de leur intervention. A l’issue de la journée, l’ensemble des communications sera publié dans les meilleurs délais conjointement par les Amis du Vieux Nérac et l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Agen.

Comité scientifique

Pour cette journée d’études, le comité scientifique est composé d’Alexandre Lafon, Professeur d’Histoire et Géographie et doctorant à l’Université de Toulouse II – Le Mirail ; de Céline Piot, Professeur d’Histoire et Géographie, doctorante à l’Université de Bordeaux III et présidente des Amis du Vieux Nérac; de David Mastin, professeur d’Histoire et Géographie, doctorant à l’Université Paris X- Nanterre, de Bertrand Solès, vice-président de l’Académie des Sciences, Art et Lettres d’Agen.

Contacts et renseignements

Journée d’études : « La Grande Guerre aujourd’hui : Mémoire(s), Histoire(s) »

– Lafon Alexandre – 0553877824 – carpediem16@wanadoo.fr.

La mort du « dernier poilu », Lazare Ponticelli


On apprend le décès à 110 ans de Lazare Ponticelli, dernier survivant connu de la Première Guerre mondiale en France, et pour cela désigné partout comme le « dernier poilu » depuis la mort de Louis de Cazenave en janvier dernier.
Ce peut être le moment de réécouter les récits confiés à une journaliste de Libération en 2005 et dont le Forum du Crid 14-18 s’était fait l’écho.
C’est aussi l’occasion de réfléchir aux usages publics qui seront fait de cet « événement » : on se souvient que ces anciens soldats avaient refusé l’idée d’un hommage ou de funérailles nationales, et, partant, les récupérations ou instrumentalisations politiques qui pouvaient s’y opérer. L. Ponticelli avait fini par accepter le principe d’une cérémonie à condition qu’elle soit simple et n’oublie pas tous les autres combattants. Il ne fait guère de doute qu’une telle opération aura lieu: la nouvelle du décès a ainsi été annoncée par l’Elysée.
On renvoie pour comprendre ces enjeux à l’article de Nicolas Offenstadt, « Le pays a un héros: le dernier poilu », dans l’Histoire de mai 2007, à son entretien dans l’Express, et à son analyse sur notre site.

Mise à jour du 16 mars: nouveau texte de Nicolas Offenstadt sur « une anticipation du dernier poilu en 1938 »

Mise à jour : Réponse à Ivan Levaï, « quel hommage pour quel poilu? »

André Loez