Chronique – Brefs souvenirs 11/12 La mission du Centenaire

Pour commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale, une mission interministérielle a été constituée, réunissant la Culture et Communication, les Affaires étrangères, l’Éducation nationale, l’Intérieur, la Défense, l’Enseignement supérieur et la Recherche, l’Artisanat, Commerce et Industrie, dirigée par Joseph Zimet. Dans le comité scientifique présidé par Antoine Prost, se trouvaient cinq membres du CRID 14-18 : Stefanie Prezioso, Nicolas Offenstadt, André Loez, Rémy Cazals et André Bach. Également membre du CRID, Alexandre Lafon était le conseiller historique et pédagogique de la mission. Trois autres membres du CRID, anciens étudiants à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès et professeurs d’histoire et géographie dans l’enseignement secondaire, ont exercé des fonctions d’animation pédagogique liées à la commémoration du centenaire dans l’académie de Toulouse : Cédric Marty au niveau de l’académie, Fabrice Pappola pour le département de la Haute Garonne, Benoist Couliou pour le Tarn. J’ignore si d’autres académies ont procédé de la sorte.

La mission a soutenu de nombreuses manifestations en France et en lien avec des pays étrangers, notamment des centaines de projets pédagogiques. Elle a fourni aux pouvoirs publics et à la presse des notes rédigées collectivement pour attirer l’attention sur les faits marquants de chaque année et les éclairer par des informations historiques sûres. Elle a porté une particulière attention aux colloques d’histoire organisés au cours de la période et en a conçu et préparé un sur « les batailles de 1916 » (livre paru en 2018 à Sorbonne Université Presses). Des bilans nationaux ont été tirés, par exemple à Bordeaux en mars 2019 (Assises pédagogiques nationales) et à la Bibliothèque nationale de France en juin 2019 (Retour sur le cycle de commémoration).

Un de mes amis, militant de la CGT, m’a fait part de ses critiques sur la mission comme soutenant les commémorations nationalistes et militaristes. D’autres ont ironisé sur un « tralala commémoratif ». Certes il ne faut pas ignorer le poids du lobby militaire, mais rappelons la réalisation du monument aux fraternisations inauguré par le président de la République François Hollande (en réponse à l’appel du tonnelier socialiste antimilitariste Louis Barthas) ; rappelons l’exposition montée par le général André Bach à l’Hôtel de Ville en plein cœur de Paris sur les fusillés pour l’exemple ; rappelons le soutien de la mission au livre d’Emmanuel Delandre sur le pacifisme dans les monuments aux morts (De Mémoire et de Paix, Toulouse, 2017). Lors du colloque Enseigner la Grande Guerre en octobre 2017 à Sorèze (Tarn) qui a réuni dix membres du CRID 14-18 et des personnalités de la mission du Centenaire (général Irastorza, Joseph Zimet, Alexandre Lafon) a été développé le thème « commémorer autrement » montrant les nouvelles implications actives des élèves dans les manifestations publiques, au niveau local comme au niveau national (cérémonie du 11 novembre 2018 à Paris).

Le site de la mission reste ouvert : https://www.centenaire.org  Une partie de son contenu, en lien avec notre livre collectif 500 témoins de la Grande Guerre et avec le dictionnaire des témoins en ligne sur le site du CRID est évoquée dans les Brefs souvenirs 9/12 et 10/12. Au total, le site de la mission est d’une très grande richesse et sa consultation est conseillée à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Première Guerre mondiale.

À titre personnel, pendant le cycle du centenaire, j’ai fait de nombreuses conférences à travers la France, programmées par des associations de villages, de quartiers, par les dépôts d’archives publiques, les musées et médiathèques, les lycées. Ces conférences avaient lieu en lien avec des expositions locales ou des activités pédagogiques. Par exemple au lycée français de Madrid où les élèves travaillaient à partir des noms inscrits sur le monument aux morts de 1914-1918 de l’établissement. Sur le campus franco-allemand de Shanghai, avec une introduction historique générale sur la Première Guerre mondiale pour un colloque sur les travailleurs chinois en France (février 2014). En Écosse, à Aberdeen dans le cadre d’une émission de radio préparée par les élèves français et écossais de la partie lycée d’un établissement très original, avec participation d’historiens irlandais et allemand. Peu de temps après le référendum britannique sur le Brexit, j’ai terminé ainsi mon intervention : « Mon grand-père a fait la guerre de 14-18 contre les Allemands. Mon père a fait la guerre de 39-45 contre les Allemands. Moi, je n’ai pas fait la guerre contre les Allemands et je m’en réjouis. Ceci grâce à la construction européenne. Vive la construction européenne ! ».

L’illustration de cette chronique est ce dessin offert par une élève du CM2 de l’établissement franco-écossais d’Aberdeen.

Rémy Cazals

Prochaine chronique : Brefs souvenirs 12/12 La grande collecte

Parution : Enseigner la Grande Guerre

Caroline Barrera et Rémy Cazals viennent de publier un livre richement illustré portant sur l’enseignement de la Grande Guerre. Cet ouvrage reprend les contributions d’un colloque organisé à Sorèze en octobre 2017. On notera la présence de nombreux chercheurs et enseignants, membres du CRID 14-18.

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Parution : dernière livraison de la revue Matériaux pour l’histoire de notre temps. n° 121-122

La commémoration en pratique : usages et appropriations du centenaire de la Première Guerre mondiale.

Matériaux, pour l’histoire de notre temps, BDIC, n°121-122, 2e semestre 2016.

Couverture et sommaire de la revue ci-joint.

Vous trouverez l’intégralité de l’actualité des publications de la BDIC sur son site.

Couverture du n° 121-122 de la revue Matériaux pour l’histoire de notre temps

Sommaire du n°121-121 de la revue Matériaux pour l’histoire de notre temps

Mise au point historiographique sur les mutineries de 1917

André Loez, auteur de 14-18. Les refus de la guerre,  vient de rédiger une brève synthèse très éclairante sur l’historiographie des mutineries de 1917, à la demande du Conseil scientifique la Mission du Centenaire de la Première Guerre Mondiale. En voici les premières lignes :

Les mutineries sont des refus collectifs d’obéissance. Elles apparaissent en 1917 dans les armées françaises, mais aussi russes et italiennes. Elles accompagnent d’autres formes de protestation dans la société civile : grèves, manifestations contre la hausse des prix, meetings pacifistes, qui témoignent de la lassitude et des tensions suscitées par la prolongation de la guerre dans des populations déjà endeuillées par d’énormes pertes. Elles s’inscrivent dans un mouvement d’indiscipline et de désobéissance plus ancien qui prend diverses formes : soldats qui se mutilent eux-mêmes ou désertent, crient « à bas la guerre » ou chantent l’Internationale, retards de permission, refus d’obéissance, trêves et fraternisations, rares mais non limitées à Noël 1914. Ces manifestations, individuelles ou collectives, restaient généralement isolées et concernaient de faibles effectifs avant 1917. Mais la guerre dure, les morts s’accumulent, le refus de la guerre monte. Les mutineries qui le traduisent dans l’armée française sur le front ouest, revêtent une tout autre importance. Elles ont fortement inquiété les autorités et laissé une trace profonde dans la mémoire.

– L’armée française est ainsi affectée en mai-juin 1917 par une vague de désobéissance qui se manifeste au grand jour par trois types de phénomènes : des protestations individuelles, des désertions plus nombreuses, et, fait nouveau, des manifestations collectives extrêmement variées. Pour ces dernières, on a pu recenser 113 incidents différents, étalés du 29 avril au 5 septembre 1917, avec un pic d’intensité autour du 1er juin où surviennent une quinzaine de manifestations collectives de désobéissance.

– Ces événements, pour ceux qu’on sait localiser, ont lieu dans une assez large aire géographique : 55 dans l’Aisne, 25 dans la Marne, 6 dans les Vosges, 5 dans la Meuse, et quelques-uns dans l’Oise, la Somme, la Haute-Marne, la Meurthe-et-Moselle, sans oublier tous les faits impliquant des permissionnaires et militaires en déplacement, dans des trains et des gares très loin à l’arrière (Paris, Nantes, Quimper, Limoges, Aurillac, Lyon, Nîmes, Béziers…).
– Les mutineries elles-mêmes ne se produisent presque jamais en premières lignes où le refus est impraticable, mais dans les cantonnements de l’arrière-front, où des soldats rassemblés peuvent esquisser un mouvement social, souvent à l’annonce de leur remontée aux tranchées, ou encore dans les dépôts militaires, les baraquements et les gares.
– Le nombre des mutins ne peut être connu avec certitude : quelques milliers pour les révoltés les plus actifs et revendicatifs, des dizaines de milliers si l’on inclut tous ceux dont la désobéissance est plus ponctuelle ou furtive. Par rapport aux combattants des divisions en ligne, seuls véritablement concernés, la proportion est peut-être de l’ordre d’un sur quinze ou sur vingt.

Ces faits n’ont pas tous laissé de sources permettant de bien les connaître, mais des rapports d’officiers, des témoignages, des extraits de lettres figurant au contrôle postal et des procédures judiciaires ont permis aux historiens d’apporter de nouveaux éclairages[1]. Il n’est plus possible de réduire les mutineries à un seul aspect, une seule « essence », une nature unique ni d’en donner une explication simple. Plusieurs affirmations courantes méritent d’être révisées.

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