Gestion de la mort durant la Grande Guerre et l’après-guerre. Chronologie, enjeux, débats et polémiques (1914-1936)

Jean-François Jagielski (CRID 14-18)

Présentation

La question de la gestion de la mort de masse durant et après le premier conflit mondial, même si elle a été bien étudiée, demeure particulièrement complexe. Le but de la recherche que nous présentons ici sous forme d’une chronologie détaillée – sans prétendre à la moindre improbable exhaustivité sur un sujet aussi vaste – est d’aider le chercheur à surmonter l’abondance de textes inhérents à cette question. Le sujet en France comme à l’étranger a fait débat. Il a été à l’origine de bien des polémiques dont nous tentons ici de rendre compte. télécharger le texte

La playlist Metal du Crid 14-18 (#1) (par François Bouloc)

Cette nouvelle rubrique du site Crid 14-18 vous propose de découvrir à chaque fois un morceau de musique metal traitant de la Première Guerre mondiale. Assez peu reconnue et diffusée en France, la musique metal est apparue il y a environ une cinquantaine d’années, elle est basée sur un son de guitare lourd et nanti d’une très forte distorsion, d’une batterie puissante et souvent rapide et de vocaux aigus ou gutturaux (pour faire bref). Ses thématiques de prédilection gravitent notamment autour de la mort, la destruction, la souffrance, l’horreur ou la guerre, et l’histoire est souvent convoquée à travers des personnages ou des périodes liées à ces dernières. Par suite, la première Guerre mondiale est abordée par de très nombreuses formations du genre, et en tant qu’historien de ce conflit et amateur de longue date de cette scène musicale, je me propose ici d’expliciter un morceau particulier dans chaque nouvelle chronique.

Vous pouvez voir la vidéo du morceau en cliquant sur son titre ci-dessous.

#1 — 1914, « … And a Cross Now Marks His Place » (2021)

Le groupe 1914 constitue un choix incontournable pour démarrer cette série de textes. La formation, d’origine ukrainienne, existe depuis 2014 et, comme son nom le laisse deviner, se consacre exclusivement à la Première Guerre mondiale dans ses chansons. Son dernier album en date, The Blind Leading The Blind, est sorti à 11h le 11 novembre 2018… La ville d’origine du groupe, Lviv, qui s’est aussi appelée Lvov ou Lemberg au gré de l’histoire européenne, symbolise de fait à elle seule l’intérêt et l’attachement des membres du groupe à l’histoire en général, et au premier conflit mondial en particulier. Nous aurons l’occasion d’évoquer d’autres morceaux de ce groupe au fil de ces chroniques, mais j’ai ici choisi leur dernier single en date, publié en août 2021 pour plusieurs raisons : le morceau en lui-même est d’excellente facture, et dans l’idée de créer un pont entre histoire et musique, le choix du texte est tout à fait approprié, puisque les paroles du morceau sont la reprise d’une véritable lettre de condoléances envoyée par l’officier d’une compagnie britannique à la mère d’un soldat mort au combat.

Le texte et sa mise en musique fournissent une riche matière pour l’explicitation de l’expérience combattante dans les tranchées, bien illustrée par les images d’archives proposées. Une simple recherche nominative concernant le soldat tué permet de retrouver une page sur greatwarforum.org où une descendante dudit Arthur George Harrison donne tous les éléments retranscrits à la fin de la vidéo, et précise qu’il a été tué le 20 mai 1918 à Ploegsterr en Belgique, dans le cadre de la dernière offensive du printemps 1918. Comme le fait remarquer un autre contributeur du même forum, la date ne correspond pas à un engagement majeur du régiment selon son journal de marche, aussi tout laisse penser que Harrison a pu être victime d’un tir d’artillerie isolé, son poste de mitrailleuse ayant été repéré par l’ennemi. La lettre de condoléances peut donc « enjoliver » le contexte de la mort du soldat en la faisant résulter d’une attaque décisive alors qu’il ne s’agissait certainement que d’une action très locale, un « coup de main » selon les termes de l’époque. Quoi qu’il en soit, le processus décrit dans le texte est très intéressant en ce qu’il retrace bien le flux et le reflux structurant la guerre de positions :

– attaque (ici des Britanniques) contre des positions ennemies (allemandes) : « the company was taking part in an attack and your son’s gun team was one of them which advanced against the enemy » / la compagnie prenait part à une attaque and le groupe de mitrailleurs de votre fils faisaient partie de ceux qui progressaient contre l’ennemi

– gain de nouvelles positions, souvent évacuées préalablement d’ailleurs par les troupes ennemies : « the attack was successful and all guns reached and established new positions » / l’attaque réussit et tous les groupes atteignirent et établirent de nouvelles positions

– contre-attaque quelques heures (plus tard) déclenchée comme il est décrit ici par un tir ciblé d’artillerie. C’est très judicieusement le point de basculement dramatique de la chanson, les mots « later in the night, the enemy shelled our position » / plus tard dans la nuit l’ennemi bombarda nos positions s’accompagnant d’une accélération du tempo et d’une utilisation très figurative de la double grosse caisse pour rendre l’intensité du bombardement.

Nous avons donc ici une description en peu de mots du fonctionnement de la guerre de positions, soit la convergence de la violence extrême atteinte grâce à l’utilisation des armes de l’âge industriel et la stagnation stratégique (personne n’ayant  réellement avancé au terme du cycle flux-reflux que l’on vient d’évoquer).

La violence de guerre est aussi crûment mise en lumière avec là encore une grande économie de mots : Harrison est tué par un obus qui tombe là où il se trouve, blessant aussi le camarade à ses côtés (« and one shell fell on your son’s gun, killing him and wounding a comrade »). La phrase suivante dit l’intensité de la destruction des corps sur les champs de batailles de la Grande Guerre : « It was impossible to get his remains away » / il n’a pas été possible de ramener ses restes, euphémisme pour dissimuler un peu le fait que le corps a été intégralement broyé par l’explosion, et qui explique que seul l’emplacement de son décès a été marqué : et une croix indique sa place, comme le dit le titre du morceau.

Enfin, les mots que l’officier formule à la fin de sa lettre ouvrent le champ du deuil familial, nouvelle phase de la vie de ses proches que le registre patriotique incontournable en la circonstance peine forcément à compenser : « votre fils a toujours fait son devoir, il a même donné sa vie pour la patrie, Nous honorons tous sa mémoire, et j’ai l’espoir que vous trouverez un peu de consolation en gardant ceci en mémoire ». De fait, si la mort du private Harrison fut « instantanée et sans souffrance », il n’en sera pas de même de l’ombre portée de son absence, et les expressions de visage de l’officier fictionnel qui écrit la lettre dans la vidéo montrent qu’il en a d’ailleurs pleinement conscience. Les derniers mots, froidement ironiques, détournent le texte original de la lettre, qui est signée non de l’officier, mais de la guerre elle-même (« In true sympathy, yours faithfully, War », soit : En toute sympathie, fidèlement votre, la Guerre…).

Écrire… Publier… Réflexions sur les témoignages de 1914-1918 (par Rémy Cazals, partie II)

Le site Studium (*) accueille un ensemble de réflexions sur le témoignage par Rémy Cazals, que vous pourrez suivre sous forme de feuilleton au fur et à mesure des publications successives, qui seront relayées sur le site du Crid mais aussi sur sa toute neuve page Facebook.

(*) STUDIUM est un atelier de recherche universitaire créé en 2014, dédié à l’histoire de l’éducation, de la culture et aux sciences studies, en forte interaction avec les autres disciplines. Il est rattaché à l la thématique IV – Corpus du laboratoire Framespa (UMR 5136) de l’Université Toulouse Jean Jaurès/CNRS et à l’INU Champollion (Groupe de recherche TCF). Co-animation : Caroline Barrera (INU Champollion), Jacques Cantier (UT2J), Véronique Castagnet-Lars (INSPé Toulouse Occitanie-Midi-Pyrénées).

(Cliquer sur le titre de l’encadré ci-dessous pour accéder au texte)

Écrire… Publier… Réflexions sur les témoignages de 1914-1918

Le site Studium (*) accueille un ensemble de réflexions sur le témoignage par Rémy Cazals, que vous pourrez suivre sous forme de feuilleton au fur et à mesure des publications successives, qui seront relayées sur le site du Crid mais aussi sur sa toute neuve page Facebook.

(*) STUDIUM est un atelier de recherche universitaire créé en 2014, dédié à l’histoire de l’éducation, de la culture et aux sciences studies, en forte interaction avec les autres disciplines. Il est rattaché à l la thématique IV – Corpus du laboratoire Framespa (UMR 5136) de l’Université Toulouse Jean Jaurès/CNRS et à l’INU Champollion (Groupe de recherche TCF). Co-animation : Caroline Barrera (INU Champollion), Jacques Cantier (UT2J), Véronique Castagnet-Lars (INSPé Toulouse Occitanie-Midi-Pyrénées).

1914-1921, 2014-2021. Guerra mondiale, intervento straniero, internazionalismo: i centenari in Russia tra edificazione monumentale e ricerca storica

Questi ultimi sette anni hanno fiorire in tutto il mondo iniziative collegate ai centenari della Prima guerra mondiale e agli eventi che hanno segnato i primi anni del dopoguerra. Convegni, conferenze, mostre, libri, hanno coinvolto gli studiosi di storia contemporanea e le istituzioni pubbliche, il mondo politico, quello dell’informazione e della cultura.

Questo è avvenuto nei Paesi dell’Unione Europea e in Gran Bretagna, e nelle nazioni extra europee che più hanno contribuito al bagno di sangue che ha sconvolto il mondo tra il 1914 ed il 1918: India, Australia, Nuova Zelanda, Stati Uniti d’America tra gli altri. In questo contesto globale vanno anche inserite le iniziative che si sono tenute in Russia che, per le peculiarità della sua storia, non potevano limitarsi al solo conflitto mondiale ma abbracciare un arco temporale più ampio. Però, come sempre più spesso accade quando si tratta del nostro grande, e problematico, vicino orientale nella “casa comune europea”, i nostri media e le stesse istituzioni culturali vi hanno dedicato una scarsa attenzione. Oramai, infatti, Mosca fa notizia solo quando si può parlare, male, delle sue vicende politiche contemporanee.

Eppure, questi ultimi anni hanno visto giungere a maturazione un’importante evoluzione storiografica iniziata negli anni Ottanta del secolo scorso. In Russia la storia della Grande Guerra ha definitivamente acquisito una propria dimensione, originalità, e singolarità: non più semplice prodromo dell’Ottobre rosso, ma evento storico dotato di una propria autonomia. Il conflitto non viene più interpretato come il semplice prologo della rivoluzione ma, al contrario, come un evento da studiare in sé in tutte le sue sfaccettature: militari, politiche, culturali.

Quali forme hanno assunto nella Federazione russa il dibattito scientifico e quello pubblico durante questi anni?

Il fenomeno di maggior impatto visivo è sicuramente l’edificazione dei monumenti commemorativi. La Russia ha una grande tradizione novecentesca di monumentalizzazione della storia: non esiste praticamente luogo grande o piccolo dell’ex Unione Sovietica che non abbia visto sorgere almeno un piccolo memoriale ai caduti nella Grande Guerra Patriottica; nelle città ogni quartiere, fabbrica, scuola, istituzione pubblica ha una targa, un gruppo scultoreo, un elenco dei caduti. Persino il prestigioso ristorante situato nella Dom literatov (la Casa dei letterati moscovita) ospita una lapide con i nomi dei soci dell’Unione degli scrittori morti in guerra tra il 1941 ed il 1945. Questa edificazione memoriale e i valori che vi sono associati, sono sopravvissuti alla fine dell’Unione Sovietica e del Partito Comunista: ancora oggi i giovani sposi e gli studenti neolaureati moscoviti lasciano fiori presso il monumento al Milite ignoto che sorge all’ingresso dei “Giardini di Alessandro”; ancora oggi genitori e nonni accompagnano i bambini davanti ai monumenti ai caduti, in tutta la Federazione; ancora oggi il titolo di “città eroe della Grande guerra patriottica” rappresenta un ambito riconoscimento. Ugualmente, restano sui muri le targhe che ricordano gli episodi delle due rivoluzioni del 1917, e quelle che commemorano i luoghi in cui vissero o lavorarono scienziati, politici, diplomatici, intellettuali, artisti, militari ed eroi, più o meno noti, degli ultimi centocinquanta anni, con particolare predilezione per l’epoca sovietica.

In questo quadro mancava, però, il triennio della Grande Guerra. Fino a dieci anni fa non vi erano, infatti, monumenti significativi che commemorassero gli eventi e le vittime di questo conflitto. Sicuramente era un sintomo della damnatio memoriæ decretata dal potere sovietico nei confronti della “guerra imperialista”, anche se questo non aveva impedito che nel corso del Novecento la memoria del conflitto talvolta riemergesse, seppure con tempi e modalità discontinue. Nel corso degli anni Venti, infatti, era giunto a buon punto il progetto per creare a Mosca un “Museo della guerra” (con raccolta di materiali e documenti presso il Museo storico di Stato) che, pur denunciandone l’innegabile carattere antipopolare e imperialista, non ne cancellasse la memoria. Qualche anno dopo vi era stato il progetto di recuperare il cimitero di guerra nel quartiere di Sokol che ospitava le salme di soldati russi, ma anche austro ungarici e tedeschi, morti in un ospedale militare. Tuttavia, entrambe le iniziative erano state abbandonate per il mutamento degli equilibri politici all’interno del Partito e del Soviet della capitale. Nel corso dei decenni erano anche state raccolte, e persino pubblicate, alcune memorie dell’esperienza bellica che, pur se politicamente allineate, le restituivano, almeno parzialmente, autonomia storica rispetto al fenomeno rivoluzionario.

Negli anni Ottanta la ricerca scientifica aveva iniziato a dedicare sempre più spazio alla Grande Guerra, per giungere infine al grande convegno internazionale del 24-26 maggio 1994 La Prima guerra mondiale ed il XX secolo, organizzato dall’Accademia delle scienze. E da allora si erano succeduti convegni, conferenze, libri sulla Prima guerra mondiale, ma non la costruzione di monumenti. Si sono dovute attendere le commemorazioni del centenario per vedere erigere i primi grandi memoriali e a quel punto, come spesso accade in Russia, dal nulla è sgorgato un fiume di iniziative.

A Mosca i tre più importanti monumenti sono, in ordine cronologico di costruzione:

  • il memoriale situato in un piccolo parco pubblico del quartiere di Sokol. Ê un memoriale semplice, inaugurato nel 1998 recuperando anche alcuni elementi del vecchio cimitero militare;
  • il grande monumento costruito nel Park Pobedy (Parco della Vittoria), all’inizio del lungo viale pedonale che conduce alla Poklonnaja Gora, la “Collina degli inchini” sulla quale sorge il principale Museo-Memoriale della Grande guerra patriottica del Paese, detto anche Museo della Vittoria. Si tratta di un bassorilievo di grandi dimensioni, con figure a grandezza naturale, che ritrae soldati semplici e ufficiali che caricano il nemico. L’elemento più importante è però la sua posizione, che riveste un grande significato perché colloca la Prima guerra mondiale nell’attuale processo di costruzione di un nuovo immaginario e di una nuova identità nazionale per la Russia, postsovietica ma non completamente omologata al contesto euro-americano. Il monumento ha infatti una collocazione baricentrica nel rettifilo che collega l’arco trionfale progettato nell’Ottocento per commemorare la vittoria russa su Napoleone (si dice che sorga dove Bonaparte attese invano la resa russa), e il Memoriale costruito tra il 1986 ed il 1995 per eternare il ricordo della Seconda guerra mondiale. Ê un monumento di tipo tradizionale che, per la resa dei personaggi, vuole eternare la capacità di resistenza e di eroica sopportazione del soldato russo, quasi a costituire il fil rouge dell’esperienza bellica del Paese, rappresentata come una costante difesa contro gli attacchi che giungono da ovest. Questo monumento, come d’uso dedicato “agli eroi”, è stato inaugurato il 1° agosto 2014 dal presidente Putin;
  • il monumento dedicato agli eroi delle due guerre mondiali, eretto all’ingresso dell’edificio del Ministero della difesa. Anche in questo caso, gli eroi del conflitto 1914-1917 (e non genericamente i caduti) sono pienamente reintegrati nella tradizione bellica del Paese che a tutt’oggi, nonostante la rivalutazione della storia militare presovietica, continua comunque ad articolarsi intorno all’epopea della Seconda guerra mondiale.

L’erezione di monumenti non è però patrimonio della sola Mosca.

A Puskin, nell’area che ospita il famoso Palazzo di Tsarskoje Selo voluto da Caterina la Grande a 25 chilometri dalla capitale imperiale di San Pietroburgo, è stato allestito il principale museo russo della Prima guerra mondiale, in un contesto indissolubilmente legato alla storia della Russia imperiale e della dinastia Romanov.

Ma l’operazione non ha coinvolto solamente le due principali città del Paese, poiché quasi tutti i centri maggiori, perlomeno nella Russia europea, ospitano almeno un monumento.

Tra gli altri, è da citare quello di Kaliningrad, la Königsberg tedesco-prussiana che i sovietici ottennero nel 1945 con quella parte della Prussia orientale che non fu consegnata alla Polonia, e che oggi costituisce l’oblast omonimo. Ma l’annessione fu conseguente alla Seconda e non alla Prima guerra mondiale e, tra il 1914 ed il 1917, la città rimase sempre saldamente in mano tedesca. Non fu lontanamente minacciata dai combattimenti, pur costituendo il principale centro militare ed amministrativo dello schieramento bellico tedesco contro la Russia, l’Ostfront, e, tra il 1919 ed il 1921, dell’azione della Repubblica di Weimar nel caotico contesto baltico. Nonostante ciò, la Federazione Russa ha ritenuto che fosse importante eternare la memoria nazionale della Grande Guerra anche in questa città, oggi incuneata tra Lituania e Polonia, nazioni ostili e appartenenti alla OTAN. E la collocazione del monumento, anch’esso convenzionale, è altamente significativa: alle spalle ha un tratto delle imponenti fortificazioni ottocentesche prussiane, mentre di fronte si trova il memoriale ai combattenti della Seconda guerra mondiale che, invece, ebbe uno dei suoi eventi conclusivi proprio nel sanguinoso assedio di Königsberg nell’aprile 1945. Il complesso, che ritrae soldati, ufficiali, e una crocerossina che consola un combattente morente, è rivolto verso il monumento ai soldati di tutte le specialità dell’Armata Rossa, e tra i due memoriali è stata edificata una cappella ortodossa.

Un altro importante monumento sorge, all’altro estremo della Russia europea, a Rostov sul Don. La città fa parte dello Stato russo sin dalla fondazione nel 1749 e non è stata interessata da operazioni militari fino a dopo il trattato di Brest-Litovsk, ma anch’essa si trova in una posizione geopolitica critica, prossima al confine ucraino e, perlomeno per le dimensioni russe, alla contestata regione del Donbass. E questa collocazione potrebbe aiutare a comprendere perché nel territorio dell’oblast siano stati eretti altri cinque monumenti.

Il recupero della memoria del conflitto ha seguito anche i sentieri della ricerca storica, con convegni, anche internazionali, organizzati in tutto il territorio. Per quanto riguarda la capitale sono da ricordare il ciclo di convegni organizzato, tra il 2012 ed il 2018, dall’università privata IIUEPS, e quello dal titolo La Prima guerra mondiale: prologo del XX secolo, promosso dall’Accademia delle scienze e dall’Associazione russa degli storici della Prima guerra mondiale dall’8 al 10 settembre 2014. A queste iniziative occorre aggiungere la grande mostra La Prima guerra mondiale. L’ultima lotta dell’Impero Russo, tenuta dal 22 agosto 2014 all’8 febbraio 2015 nei locali dell’ex Museo centrale di Lenin sulla Piazza della Rivoluzione, e quella dal titolo Mosca durante la Prima guerra mondiale aperta tra il 1° agosto e il 30 ottobre 2014 in un’ala del Museo di Mosca (Zubovskij Boulevard), che ha ben illustrato le dinamiche politiche sociali scatenate dal conflitto nella città e nei suoi dintorni. Né è mancata la pubblicazione di numerosi testi scientifici, tra i quali il Dizionario enciclopedico della Prima guerra mondiale, edito dall’Accademia delle scienze e dall’Associazione russa degli storici della Prima guerra mondiale curato da E. Sergeev, e La Prima guerra mondiale e i destini della civiltà europea, edito dalla Facoltà di storia dell’Università statale di Mosca, e curato da L. S. Belusov e A.S. Manykina. Numerosi studiosi russi hanno poi contribuito alla redazione dell’enciclopedia on-line ad accesso libero 1914-1918- International Encyclopedia of the First World War (http://www.1914-1918-online.net/).

Nel 2017 il centenario delle due rivoluzioni non ha invece avuto un’eco paragonabile allo sviluppo degli studi legati al centenario della Grande Guerra, mentre dal 26 al 28 giugno 2019 si è tenuta a Mosca una grande conferenza legata al centenario della fondazione della Terza Internazionale, dal titolo The left alternative in the 20th century: drama of ideas and personal stories. On the 100th anniversary of the Comintern, organizzata dall’Accademia russa delle scienze e dall’Archivio statale russo di storia politica e sociale, con la collaborazione di diversi centri di ricerca europei, tra cui la Rosa Luxemburg Stifftung, l’Istituto Gramsci e l’Istituto Parri italiani, e la Fondazione Gabriel Pérì francese.

A partire dal 2018 vi sono invece state decine di iniziative scientifiche e di divulgazione relative all’intervento straniero nel corso della Guerra civile. Esse si sono svolte nelle principali città, da Mosca e S. Pietroburgo a Kazan, Kaliningrad, Vladivostok, e in quasi tutte le principali università dell’immenso Paese. A Mosca, il Museo storico di Stato, sulla Piazza Rossa, ha organizzato la principale tra le mostre realizzate in tutta la Russia.

In conclusione, possiamo affermare che in questi ultimi dieci anni la ricerca ha esplorato tutte le conseguenze della Grande Guerra e delle rivoluzioni che da essa ebbero origine, fino alla nascita dei partiti comunisti nei Paesi europei ed extraeuropei (tra febbraio e marzo almeno un paio di seminari e conferenze hanno esaminato i rapporti tra lo Stato sovietico e la nascita del Partito comunista d’Italia, il 21 gennaio 1921).

La ricerca storica russa si è andata quindi orientando sempre più verso lo studio del significato autonomo della Prima guerra mondiale nella storia nazionale e verso l’analisi degli elementi di continuità della coscienza nazionale russa, anche all’interno dell’esperienza rivoluzionaria, e riguardo al ruolo di molti intellettuali (ad esempio, i disegni di propaganda patriottica eseguiti tra il 1914 ed il 1915 da Majakovskij e Malevitch). Questo orientamento ha comportato una minore considerazione, che comunque perdura, per i fenomeni di rottura. E proprio in tal senso va collocata l’attenzione per lo studio dell’intervento straniero nella Guerra civile, che viene interpretato non solo come un’azione contro il nuovo Stato dei Soviet ma anche, e per alcuni soprattutto, come l’ennesima invasione diretta contro la nazione russa e il suo popolo.

In sintesi, una parte consistente della ricerca storica russa tende ad interpretare la storia del Paese nel Novecento dando maggiore rilevanza che in passato agli elementi di continuità (culturale, politica e militare) rispetto a quelli di rottura, anche nel contesto di radicale mutamento economico ed istituzionale inaugurato dalla rivoluzione di febbraio e definito dall’Ottobre rosso.

Per concludere questo breve articolo, voglio ringraziare i professori Evgeny Yurevich Sergeev e Valerij Petrovich Ljubin per le informazioni che mi hanno cortesemente e generosamente fornito.

Marco Pluviano, avril 2021

Brefs souvenirs 12/12 La Grande Collecte

Dans son livre fondamental, Témoins, publié en 1929, Jean Norton Cru avait analysé 300 livres de témoignages publiés par 250 combattants de 1914-1918 (voir la chronique Brefs souvenirs 2/12). Et il avait signalé l’existence de très nombreux autres textes qui pourraient sortir un jour des greniers. Il le précise à deux reprises : « la masse énorme de documents personnels manuscrits qui dorment dans les tiroirs de presque toutes les maisons de France » (p. 265) et « il y a en France plusieurs millions de liasses de lettres de guerre dans les tiroirs » (p. 492).

La sortie au jour des documents personnels des « gens ordinaires » s’est effectuée lentement, depuis 1929. Notre livre collectif 500 témoins de la Grande Guerre et le dictionnaire des témoins en ligne sur notre site ont bien montré la floraison de publications et de dépôts en Archives publiques à partir du dernier quart du XXe siècle. Les Archives départementales de l’Aude ont, par exemple, numérisé les originaux du tonnelier Barthas conservés pendant longtemps dans une boîte en carton dans un placard et dont les éditions successives ont dépassé le tirage de 150 mille exemplaires. L’abondante correspondance croisée de la famille Papillon, trouvée dans une malle dans le grenier de la maison familiale à Vézelay, a été déposée par Antoine Bosshard à La Contemporaine (ex BDIC, voir le site www.lacontemporaine.fr). Une opération systématique a été lancée en 2013 par les Archives de France et la Bibliothèque nationale, en collaboration avec la Mission du Centenaire, invitant les particuliers à apporter en dépôt public leurs documents familiaux sur la guerre de 1914-1918. Dans le livre dont la couverture illustre ce « bref souvenir », les organisateurs indiquent le chiffre de 325 mille documents numérisés et invitent à consulter le site www.lagrandecollecte.fr.

Reste à digérer cette masse considérable, à contextualiser les témoignages. Identifier les individus : âge, situation familiale, milieu social, études, attitude religieuse, engagement politique… Pour les militaires : arme, grade, durée de l’expérience guerrière, secteurs… Et pour tous, définir les conditions de l’écriture, le moment, la mise au propre par les bons élèves de l’école primaire, en tenant compte, dans les correspondances, de la censure et de l’autocensure. Les témoins rassemblés par la Grande Collecte auront peut-être un jour une notice dans notre dictionnaire en ligne.

Celui-ci s’étoffe régulièrement grâce à un travail collectif. Nos remerciements vont en particulier à Isabelle Jeger et à Vincent Suard, auteurs de nombreuses notices de combattants et de civils français. Francis Grembert nous a envoyé plusieurs textes sur des témoins britanniques. Nous venons de recevoir la contribution de Romain Fathi sur le dessinateur australien Will Dyson. Après la notice sur la reine Marie de Roumanie (photo ci-dessous), Dorin Stanescu en annonce d’autres sur les témoins de son pays qu’il avait déjà évoqués dans sa communication au colloque de la Mission du Centenaire sur les batailles de 1916. Ainsi se confirme le caractère international de notre CRID 14-18.

Rémy Cazals

Récit de l’excursion faite par les élèves de l’École Normale de Laon, au Chemin des Dames le 27 juin 1920

Présentation

Nous avons travaillé sur deux témoignages totalement différents retraçant l’un et l’autre une visite sur le Chemin des Dames en septembre 1919 et juin 1920.

Le premier est celui d’Yvonne Bufaumème, une jeune parisienne de 25 ans qui s’y rend en voyage organisé par le biais de la Compagnie des Chemin de Fer du Nord, le 6 septembre 1919. Cet écrit testimonial est issu d’un journal intime et relate, dans le détail, ce que nous avons nommé « une visite-marathon » d’une durée d’une journée, avec départ et retour en gare de Paris-Nord. Son analyse a fait l’objet d’une publication1.

Le second témoignage que nous présentons ici est à la fois proche temporellement et géographiquement du premier. Toutefois, des rapprochements et des dissemblances s’imposent. Ce « récit » est le compte rendu d’une excursion de jeunes élèves-instituteurs de l’École normale de Laon accomplie à la date du 27 juin 1920. Il est conservé à La Contemporaine sous la cote F/DELTA/1126/72. Il est manuscrit et comporte une dizaine de feuillets accompagnés de trois photographies et d’un plan de l’excursion3. Disons-le d’entrée, il n’a pas la qualité émotionnelle ni d’observation fine de celui d’Yvonne Bufaumène. C’est un compte rendu qui possède donc la sécheresse de ce type d’écrit, même s’il est longuement rédigé par une écriture soignée et assez serrée. Il est l’œuvre d’un des élèves- instituteurs du groupe qui a pris part à cette journée d’excursion et l’une des légendes des photographies nous indique qu’il a été rédigé par « l’élève de première année Lemaître4 ». Ces élèves- instituteurs sont accompagnés du directeur de l’École normale de Laon, « M. Fusy » et l’archiviste du département de l’Aisne, « M. Broche ». La visite était donc encadrée et séquencée par une autorité hiérarchique, avec l’intervention particulière d’un « professeur » (« M. Corriges ») muni d’une carte visant à expliquer dans le détail les combats de 1814 autour de Craonne et Hurtebise.

D’un point de vue strictement géographique, les deux témoignages se complètent car, là où Yvonne Bufaumème part de la gare de Coucy-Le-Château pour aller explorer les contrées dévastées de l’ouest du Chemin des Dames avec un retour prévu en gare de Soissons, le « récit » que nous présentons ici s’attache plus à explorer la partie orientale du même lieu. Le premier évoque une véritable sidération à la vue des dévastations, le second est plus mesuré et beaucoup moins émotionnel. Yvonne Bufaumène est une jeune parisienne qui découvre pour la première fois, cinq ans après le début du conflit, l’ampleur des dégâts dont elle a entendu parler tant par la presse5 que par les blessés qu’elle a soignés durant le conflit. Nos normaliens, dont une bonne partie doit être originaire du département de l’Aisne, ont déjà été forcément confrontés au navrant spectacle des ruines.

Mais ce qui rapproche certainement le plus ces deux témoignages, c’est la mise en scène et la scénographie imposée aux uns comme aux autres. Visiblement, le but de ces premiers pèlerinages dans ce que Rolland Dorgelès nommera en 1923 avec son RéveildesMorts,les « pays aplatis6 », a pour but de sidérer le spectateur face à l’ampleur des ravages causés par la guerre. La visite d’une touriste ou de ce groupe de normaliens est pensée, construite par les différents acteurs qui les emmènent, pour être avant tout édifiante. Le contenu de la fin du témoignage que nous présentons ici montre, à l’évidence, la volonté d’inculquer aux futurs élèves par le biais de ces jeunes enseignants, une forme de justification de l’existence du conflit par la prise en compte de visu de l’ampleur des dégâts causés par l’ennemi d’hier. Rien n’est ici neutre et toute la scénographie que nous évoquions plus haut est pensée pour être « frappante », et ce, afin de marquer les esprits à jamais par un spectacle de désolation totale. Les premiers pèlerins des champs de bataille de la Grande Guerre doivent repartir de leur périple mentalement transformés par ce qu’ils ont vu. Et ils voient beaucoup, mais que ce soit notre jeune parisienne ou nos normaliens, seuls leur regard est sollicité, voire comme c’est le cas dans ce deuxième témoignage, encadré par un discours général (et hiérarchique) sur les guerres et leurs effets7. Ni l’une ni les autres n’échangeront le moindre mot avec les « sinistrés » revenus vivre dans ces contrées absolument dévastées et presque vides de toute vie. En mesurent-ils toute la difficulté ? Rien n’est moins sûr tant le rythme de visite qui leur est imposé par les organisateurs est contraignant.

1 Jean-François Jagielski, « Un pèlerinage dans les « pays aplatis » : l’excursion d’Yvonne Bufaumène sur le Chemin des Dames » in Yves-Marie Evanno et Johan Vincent (dir.), Tourisme et Grande Guerre. Voyage(s) sur un front historique méconnu de la grande Guerre (1914-2019), Codex, 2019, pp. 269-281

2 Nos remerciements à Thierry Hardier qui nous l’a fait connaître. Nous l’avons dactylographié dans son intégralité.

3 Nous ne pouvons les reproduire ici pour des questions de droits. Deux photographies d’assez mauvaise qualité fixées au feuillet 6 représentent pour l’une trois membres du groupe près de l’épave d’un char d’assaut et pour l’autre un sentier qui gravit les pentes du plateau de Californie. Ces deux photographies sont légendées de la manière suivante : « Photo au-dessus : l’un des tanks des environs de la ferme du Temple. L’élève de 1ère année Lemaître, rédacteur du présent récit, s’y trouve par hasard appuyé de la main gauche – Ci-dessous : Craonne au Plateau de Californie ». La troisième, de meilleure qualité, est fixée au feuillet 15, représente deux véhicules et une partie des membres du groupe. Cette dernière est légendée sur ce même feuillet : « à Beaurieux ».

4 Voir note 3.

Télécharger la présentation et l’intégralité du témoignage

J.F. Jagielski

Chronique – Brefs souvenirs 11/12 La mission du Centenaire

Pour commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale, une mission interministérielle a été constituée, réunissant la Culture et Communication, les Affaires étrangères, l’Éducation nationale, l’Intérieur, la Défense, l’Enseignement supérieur et la Recherche, l’Artisanat, Commerce et Industrie, dirigée par Joseph Zimet. Dans le comité scientifique présidé par Antoine Prost, se trouvaient cinq membres du CRID 14-18 : Stefanie Prezioso, Nicolas Offenstadt, André Loez, Rémy Cazals et André Bach. Également membre du CRID, Alexandre Lafon était le conseiller historique et pédagogique de la mission. Trois autres membres du CRID, anciens étudiants à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès et professeurs d’histoire et géographie dans l’enseignement secondaire, ont exercé des fonctions d’animation pédagogique liées à la commémoration du centenaire dans l’académie de Toulouse : Cédric Marty au niveau de l’académie, Fabrice Pappola pour le département de la Haute Garonne, Benoist Couliou pour le Tarn. J’ignore si d’autres académies ont procédé de la sorte.

La mission a soutenu de nombreuses manifestations en France et en lien avec des pays étrangers, notamment des centaines de projets pédagogiques. Elle a fourni aux pouvoirs publics et à la presse des notes rédigées collectivement pour attirer l’attention sur les faits marquants de chaque année et les éclairer par des informations historiques sûres. Elle a porté une particulière attention aux colloques d’histoire organisés au cours de la période et en a conçu et préparé un sur « les batailles de 1916 » (livre paru en 2018 à Sorbonne Université Presses). Des bilans nationaux ont été tirés, par exemple à Bordeaux en mars 2019 (Assises pédagogiques nationales) et à la Bibliothèque nationale de France en juin 2019 (Retour sur le cycle de commémoration).

Un de mes amis, militant de la CGT, m’a fait part de ses critiques sur la mission comme soutenant les commémorations nationalistes et militaristes. D’autres ont ironisé sur un « tralala commémoratif ». Certes il ne faut pas ignorer le poids du lobby militaire, mais rappelons la réalisation du monument aux fraternisations inauguré par le président de la République François Hollande (en réponse à l’appel du tonnelier socialiste antimilitariste Louis Barthas) ; rappelons l’exposition montée par le général André Bach à l’Hôtel de Ville en plein cœur de Paris sur les fusillés pour l’exemple ; rappelons le soutien de la mission au livre d’Emmanuel Delandre sur le pacifisme dans les monuments aux morts (De Mémoire et de Paix, Toulouse, 2017). Lors du colloque Enseigner la Grande Guerre en octobre 2017 à Sorèze (Tarn) qui a réuni dix membres du CRID 14-18 et des personnalités de la mission du Centenaire (général Irastorza, Joseph Zimet, Alexandre Lafon) a été développé le thème « commémorer autrement » montrant les nouvelles implications actives des élèves dans les manifestations publiques, au niveau local comme au niveau national (cérémonie du 11 novembre 2018 à Paris).

Le site de la mission reste ouvert : https://www.centenaire.org  Une partie de son contenu, en lien avec notre livre collectif 500 témoins de la Grande Guerre et avec le dictionnaire des témoins en ligne sur le site du CRID est évoquée dans les Brefs souvenirs 9/12 et 10/12. Au total, le site de la mission est d’une très grande richesse et sa consultation est conseillée à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Première Guerre mondiale.

À titre personnel, pendant le cycle du centenaire, j’ai fait de nombreuses conférences à travers la France, programmées par des associations de villages, de quartiers, par les dépôts d’archives publiques, les musées et médiathèques, les lycées. Ces conférences avaient lieu en lien avec des expositions locales ou des activités pédagogiques. Par exemple au lycée français de Madrid où les élèves travaillaient à partir des noms inscrits sur le monument aux morts de 1914-1918 de l’établissement. Sur le campus franco-allemand de Shanghai, avec une introduction historique générale sur la Première Guerre mondiale pour un colloque sur les travailleurs chinois en France (février 2014). En Écosse, à Aberdeen dans le cadre d’une émission de radio préparée par les élèves français et écossais de la partie lycée d’un établissement très original, avec participation d’historiens irlandais et allemand. Peu de temps après le référendum britannique sur le Brexit, j’ai terminé ainsi mon intervention : « Mon grand-père a fait la guerre de 14-18 contre les Allemands. Mon père a fait la guerre de 39-45 contre les Allemands. Moi, je n’ai pas fait la guerre contre les Allemands et je m’en réjouis. Ceci grâce à la construction européenne. Vive la construction européenne ! ».

L’illustration de cette chronique est ce dessin offert par une élève du CM2 de l’établissement franco-écossais d’Aberdeen.

Rémy Cazals

Prochaine chronique : Brefs souvenirs 12/12 La grande collecte

Chronique – Brefs souvenirs 10/12 Du nouveau sur Jules Puech

Les utilisateurs du livre 500 témoins de la Grande Guerre ou du dictionnaire en ligne sur notre site ont pu lire les notices Puech (Jules) et Puech-Milhau (Marie-Louise). Pacifiste, rédacteur de la revue La Paix par le Droit, Jules Puech est l’auteur d’une thèse de Lettres, La vie et l’œuvre de Flora Tristan. Ses recherches ont commencé vers 1910 et le livre a été publié en 1925, après la longue interruption due à la guerre. Mais, sur les fronts de Verdun et de la Somme, en 1915-1916, Jules Puech continuait à penser au sujet pour lequel il se passionnait. Il lui arrivait même de parler de Flora à ses camarades de tranchées.

L’historienne irlandaise Máire Fedelma Cross, professeur émérite à l’université de Newcastle, vient de publier le livre In the Footsteps of Flora Tristan, A Political Biography, Liverpool University Press, 2020, 260 p. Les textes de Flora et de Jules Puech sont donnés en français et traduits en anglais. Le livre contient un cahier d’illustrations et une riche bibliographie.

L’originalité de cet ouvrage est la combinaison de deux biographies, celle de Flora et celle de son biographe Jules Puech. L’étude de la vie et l’œuvre de Flora Tristan avait été négligée à cause du compartimentage des thèmes, socialisme, féminisme, pacifisme. Les travaux de Jules Puech sur les pionniers du socialisme, et son militantisme féministe et pacifiste lui donnaient une position stratégique pour se lancer sur les traces de Flora. Le livre de Máire Cross est très original : jusqu’ici, aucune recherche de ce type n’avait été effectuée, plongeant dans les réseaux des deux personnages. Il est passionnant de voir comment a été comblé le fossé de temps qui sépare les deux vies : Flora Tristan morte en 1844 ; Jules Puech né en 1879. Ce dernier a réussi à trouver des textes inédits et à rencontrer des hommes et des femmes qui avaient eux-mêmes fréquenté des contemporains de Flora. Par exemple Henry Jagot, un journaliste qui avait connu dans sa jeunesse un vieil ouvrier typographe qui avait été en relation avec les pionniers du socialisme des années 1840 et en particulier Flora.

Jules Puech a toujours travaillé en lien étroit avec son épouse Marie-Louise, qu’il s’agisse des recherches sur Flora Tristan ou de la publication de La Paix par le Droit. Leur correspondance de la Grande Guerre, Jules sur le front, Marie-Louise à Paris, est une des plus riches. Elle a été publiée : Marie-Louise & Jules Puech, Saleté de guerre ! correspondance 1915-1916, présentée par Rémy Cazals, Éditions Ampelos, 2015, 572 p. D’après ces lettres, j’ai donné deux articles au site de la mission du Centenaire : « Paris 1916 » et « L’information d’une Française sur les batailles de 1916 ». Máire Cross prépare une biographie de Marie-Louise Puech-Milhau aux éditions Ampelos.

D’une part, cela ne nous éloigne pas de 1914-1918 et d’autre part cela témoigne de l’ouverture du CRID à d’autres périodes et à d’autres thèmes. Rien de ce qui est démarche historienne n’est étranger à notre groupe. On reviendra ici sur un témoignage précis sur la Grande Guerre en signalant la parution intégrale par Franck Le Cars du journal de guerre du brasseur d’Étreux (Aisne), surnommé Pabert : voir la notice d’Albert Denisse dans le dictionnaire des témoins en ligne sur notre site.

Rémy Cazals

Prochaine chronique : Brefs souvenirs 11/12 La mission du Centenaire