Charbonnier, Henri (1885-1951)

Né à Dijon le 7 octobre 1885, son père est représentant de commerce. Il fait suffisamment d’études pour écrire avec aisance, sans fautes d’orthographe, et être capable de citer un passage de La Bruyère. Petit entrepreneur à Alès (où il se mariera en 1919), on sent qu’il déteste la bureaucratie militaire ; le souvenir de Fachoda fait qu’il se méfie des Anglais. Il pense que la France use ses forces vives en se heurtant aux Allemands, pour le profit des Anglais, et qu’après la guerre le pays deviendra cosmopolite, « il n’y aura d’absents que les Français ». D’une façon plus large, la guerre est « une honte pour l’humanité. Vainqueur ou vaincu sera écrasé » (25-5-1916). De ce sergent au 229e RI (41e DI) affecté au service de santé, on n’a retrouvé que le carnet qui couvre la période du 26 mars 1916 au 25 septembre 1917 ; les notes sont prises au jour le jour, bien datées, bien localisées, avec parfois de longues pages de réflexions, ainsi le 25 mai 1916. Ce jour-là, outre le passage de La Bruyère sur la guerre des chats, Charbonnier règle ses comptes avec ceux qui dirigent et qui profitent : « Si l’on créait un bataillon de marche composé des deux chambres et du ministère, avec comme cadres une quantité de profiteurs qui gravitent autour, et que l’on envoie ce bataillon après deux mois d’entraînement reprendre le fort de Douaumont, il est très probable que ceux qui reviendraient jugeraient beaucoup plus sainement qu’avant leur départ. »
L’offensive Nivelle est au centre du témoignage. Au cours de 1916, le régiment est dans les Vosges (printemps), la Somme (été) et l’Argonne (automne). Le mécontentement ne fait que croître. Le 18 août, Charbonnier note que le raisonnement du soldat est celui-ci : « Que la guerre finisse à n’importe quel prix et de quelque façon que ce soit, pourvu qu’il rentre et conserve son droit à la vie qu’aucune civilisation ne peut lui enlever. » Au début de 1917, le 229 occupe le secteur entre Reims et Berry-au-Bac ; les préparatifs de l’offensive sont trop visibles et Henri Charbonnier, par expérience, reste sceptique sur ses chances de succès. Le 16 avril, l’attaque commence à 6 h de « manière assez satisfaisante », mais une foule de blessés arrive au poste de secours, et il semble que règne une certaine confusion. Le 17, il faut constater que les résultats escomptés n’ont pas été obtenus, que l’ennemi réagit sérieusement, que « le moral de chacun s’en ressent » et que « bon nombre d’abris sont remplis de fuyards qui ont soupé de la guerre ». Le 26 avril, on peut se demander « si cette offensive est de la fumisterie destinée seulement à faire tuer du monde ». « Les hommes sont furieux de remonter en 1ère ligne. Exténués comme ils le sont, le moral très bas, ils disent à qui veut l’entendre qu’ils sont prêts à faire « camarade ». Il n’y a plus à leur parler de patrie, honneur, drapeau. Ils sourient. Ce sont maintenant des mots vides de sens, qu’ils ne comprennent plus. Il n’y en a qu’un dont on parle beaucoup, c’est le mot paix. »
C’est aussi le moment de la révolution russe et des grèves à Paris (que Charbonnier décrit à l’occasion d’une permission). André Loez a montré que, pour la première fois, on avait l’impression qu’une action des poilus pouvait conduire à la paix tant souhaitée. La 41e DI connaît alors un épisode marquant des mutineries (refus de remonter en ligne, drapeaux rouges, Internationale, général et officiers bousculés), tandis que dans les trains empruntés par Charbonnier on crie « Vive la Révolution ». Trois hommes du 133 sont exécutés ; les cavaliers du 21e Chasseurs, qui vivent loin du danger, sont chargés de réprimer les troubles qui pourraient se produire dans l’infanterie. Charbonnier les juge : « C’est assez avilissant pour ceux qui acceptent de descendre à ce degré du sale garde-chiourmisme. »
RC
*Henri Charbonnier, Une honte pour l’humanité, Journal (mars 1916 – septembre 1917), présenté par Rémy Cazals, Moyenmoutier, EDHISTO, 2013.

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Vasse, Marius (1891-1987)

Né à Paris le 30 juin 1891. Employé à la Samaritaine. Passe directement du service militaire à la guerre, au 152e RI où il est agent de liaison, refusant de monter en grade pour conserver ce poste. Son témoignage comprend un carnet tenu jusqu’en 1916, des lettres à sa famille, une interview réalisée en 1975 et de nombreuses photos prises avec un Vest Pocket Kodak. La vente de ces photos (y compris à L’Illustration) et le commerce de fusils récupérés dans les tranchées lui ont rapporté « un petit magot » selon sa propre expression. « J’avais mon appareil photo dans ma cartouchière et à chaque fois qu’il y avait quelque chose, hop je photographiais », dit-il. Les sujets, légendés, sont en effet très divers : groupes de camarades, tranchées, abris et postes de secours, ruines, prisonniers, armes, scènes de la vie quotidienne… Les secteurs photographiés sont l’Alsace, la Somme et l’Aisne, notamment le Chemin des Dames et le plateau de Vauclerc attaqué par le 152e le 22 mai 1917. Quelques textes peuvent également être retenus. Ainsi cette description datée du 4 janvier 1915 en Alsace : « C’est du champ de bataille que je vous envoie ces mots, nous sommes toujours sur une route au-dessus de Steinback. Le village est à nous d’hier soir mais il ne reste pas une maison debout. J’y suis allé ce matin mais j’en suis revenu écœuré […] On se bute à des cadavres de soldats et de bétails de toute sorte ; les maisons continuent à flamber, et maintenant les marmites boches se chargent des maisons épargnées par le 75. Enfin c’est triste, tout le monde demande la paix. » L’agent de liaison n’est pas tendre pour « les généraux » qualifiés en 1975 de « salauds ». Ce Parisien est sensible à sa façon au gaspillage de futures récoltes pour effectuer un exercice ridicule : « Alors on est passé en lignes de tirailleurs parmi ces champs de betteraves, parmi ces champs de blé qui étaient magnifiques […] Et dire qu’il y avait des bateaux qui se faisaient couler sur l’Atlantique pour venir nous ravitailler… »
Dans la même interview tardive, Marius évoque les mutineries de 1917, au retour d’une permission : « C’était presque la débandade, les soldats étaient découragés, y a eu des moments de rébellion […] les gars détachaient les wagons. Tout ça, c’était terrible, ils n’avaient plus confiance en rien. » Et la répression : « Chez nous il y a eu des gars qui se sont fait fusiller, ou alors on leur faisait faire des trucs, parce qu’il y a eu un moment de rébellion chez nous, c’était général, eh bien les gars, ils avaient des caisses de grenades et puis il fallait qu’ils portent ça en première ligne, alors vous savez… »
RC
*Damien Becquart et Caroline Choain, « Hurtebise, le Dragon, Vauclerc : une campagne au Vest Pocket Kodak », dans La Lettre du Chemin des Dames, été 2011, n° 22, p. 10-17 avec de nombreuses photos.

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Caujolle, Louis (1888-1960)

Son père était professeur d’allemand ; lui-même, né à Vic-en-Bigorre (Hautes-Pyrénées) le 16 janvier 1888, devient agrégé d’allemand. Fiancé en 1914, il se marie en août 1917. Son témoignage publié est tiré de son manuscrit « Mes mémoires de guerre 1914-1918 et 1939-1940 », rédigé tardivement comme le montrent plusieurs indices, en particulier la mention du maréchal Pétain en 1917. Il y avait sans doute des notes au jour le jour, dont la succession des dates a été conservée pour certaines périodes, et pas pour d’autres. Dans tous les cas, on a l’impression que le témoignage a été lissé avec affirmation répétée d’un patriotisme sans hésitation ni murmure, attitude peu vraisemblable chez un combattant des tranchées, mais construite par la suite à partir d’un parcours particulier.
Lors de la mobilisation, il est caporal au 83e RI de Toulouse. Face à « l’agression brutale de l’Allemagne », il écrit que « le Pays se redresse plus fier et plus fort que jamais et se prépare à tous les sacrifices pour défendre son sol et sa liberté ». Dans l’enthousiasme général, le 83 part, la fleur au fusil. Caujolle aligne quelques poncifs : territoriaux à barbe blanche ; quantité d’espions allemands qui rôdent en France. Le 8 août est le plus beau jour de sa vie : « L’Alsace est à nous. » En marche vers le nord, ses chaussures lui abîment les pieds, ce qui le handicape lors de la bataille de Bertrix où le régiment est fauché par les mitrailleuses. Il est évacué vers Saint-Gaudens où il critique les embusqués qui ne veulent pas monter. Il dit qu’il est envoyé, sans l’avoir sollicité, comme sergent instructeur à l’école des élèves aspirants de Toulouse, avec la noble mission de former des officiers dont on a tant besoin. Il y reste jusqu’en février 1915, étant lui-même nommé aspirant. Il retourne au front en avril au 209e d’Agen et découvre la guerre de tranchées le 5 mai devant Arras. Certes les attaques n’apportent que massacres inutiles. Mais : « Les grands et nobles sentiments que mes parents ont fait naître dans mon âme prennent maintenant une netteté et une force inaccoutumée. Je sens tout ce qu’il faudrait pour créer une France rajeunie, vigoureuse, ardente, vaillante, digne de son glorieux passé, débarrassée de tous ces sales politicards arrivistes et sectaires qui l’ont désunie et ont failli par négligence, veulerie ou faux idéalisme humanitaire, la conduire à la ruine » (sentiments du 19 mai 1915 ou du 6 février 1934 ?). Il cite Péguy, Psichari et Barrès ; il fait des conférences sur le pangermanisme.
À plusieurs reprises, il affirme que ses chefs sont très contents de lui, mais il se dit écœuré par la distribution des croix à des incapables et des froussards parce qu’ils savent faire la cour ou parce qu’ils sont d’Agen. Il note que les permissionnaires sont découragés par les scandales qu’ils ont vus à l’arrière. On utilise ses compétences de la vie civile pour envoyer dans les petits postes allemands des lettres participant de la guerre psychologique. En décembre 1915 en Artois, on s’attendrait à voir tomber la pluie pendant des jours entiers, jusqu’à l’inondation des tranchées et à la fraternisation que tant d’autres ont pu constater. Mais pas Caujolle. Cela correspond à une période lissée où peu de dates sont précisées.
En janvier 16, il est blessé par éclats d’obus et envoyé à l’arrière. En août, rétabli, il est détaché au 2e bureau de l’état-major de la 158e DI. Il vient souvent en première ligne pour effectuer des observations, mais il regagne ensuite son confort. Il écrit qu’il réclame à plusieurs reprises son retour dans une unité combattante, mais en vain. Lors de l’offensive du 16 avril 1917, il est nommé chef du 2e bureau de la division. L’attaque connaît l’échec. Le journal de Caujolle passe du 19 avril au 13 mai sans notes. Le 27 mai, il évoque la « révolte des soldats dans les trois régiments de notre division ». Ils viennent d’être relevés, ils croient pouvoir bénéficier d’un repos, on leur donne l’ordre de remonter en ligne en renfort. C’est alors une « explosion de colère qui trouve un terrain préparé par une perfide propagande antimilitante [antimilitaire ? antimilitariste ?], antipatriotique, qui depuis quelque temps intoxique notre armée ». Opinion d’un officier d’état-major qui semble bien loin des poilus ; peut-être, aussi, loin dans le temps car il ne faut pas oublier que Caujolle écrit vingt ans plus tard. C’est ici qu’il parle à trois reprises du maréchal Pétain ; qu’il évoque une 5e colonne d’agents payés par l’ennemi ; qu’il précise qu’il s’agit de propagande communiste ; qu’il mélange dans la même catégorie des « journaux défaitistes inspirés par l’ennemi » La Gazette des Ardennes et Le Bonnet rouge. Une note intempestive du présentateur vient encore aggraver la confusion en annonçant que Bolo Pacha a été condamné à mort en février 1919, alors qu’il a été fusillé le 17 avril 1918.
En novembre 1917, Caujolle monte un échelon de plus en entrant à l’état-major de la 3e armée à Noyon. Il se spécialise dans la cartographie à partir de photos aériennes et souligne que tout le monde le félicite pour son travail. Sur les épisodes de 1918, offensives allemandes et contre-offensive alliée, il n’écrit que des pages d’histoire générale et non de témoignage personnel. Jusqu’à l’entrée triomphale en Alsace, jour de gloire bien arrivé. Après l’armistice, il est nommé professeur d’allemand à Saint-Cyr, puis entreprend une carrière civile en lycée.
RC
*Louis Caujolle, Mémoires de Guerre 1914-1918, s. l., éditions Gascogne, 2011, 217 p., illustrations (dessins et aquarelles de l’auteur).

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Vuillermet, Charles (1890-1918)

1. Le témoin


Charles Vuillermet photographié en atelier à Belley à la veille de la Grande Guerre (page 30)

Charles Vuillermet naît le 12 janvier 1890 à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) d’une famille franco-suisse dont nombre de membres sont des artistes reconnus. Son grand-père est photographe, comme son père, Constant Vuillermet, qui a épousé épouse une Thononaise, Marie Chavanne qui a repris l’atelier familial. Le couple aura cinq enfants : André en 1879, Catherine en 1881, Antoinette en 1886, Charles en 1890 et Joseph en 1896. Ce dernier, 2e classe au 3e zouaves, est tué le 26 octobre 1918 dans les Ardennes. Evoluant « des deux côtés du lac » Léman dans un milieu cultivé et bourgeois, Charles est initié au dessin et à la peinture dans une éducation stricte. Il fait ses études au collège Saint-Joseph de Thonon puis se destine lui aussi à la photographie. Il voyage beaucoup ; en 1910, il a un atelier à Lausanne puis vit à Vichy puis Paris où, en 1911, il est rattrapé par ses obligations militaires. Le 9 octobre de cette année, il est incorporé à 133e RI de Belley (Ain). Promu caporal le 12 avril 1912 et sergent le 25 septembre suivant, l’artiste en devenir change de voie et s’engage dans la vie militaire comme sous-officier le 17 avril 1913. Il se spécialise alors dans l’emploi des mitrailleuses et est affecté à la section du 2e bataillon. En juin 1914, le régiment est en manœuvres lorsque survient la mobilisation générale. Il est donc avec son homologue de la 82e brigade d’infanterie, le 23e RI immédiatement prêt à rejoindre la frontière comme régiment de couverture. C’est ainsi qu’on le retrouve au sein de la 41e division sur les cols vosgiens dès le 5 août 1914. A la suite des combats pour la reprise de la Fontenelle (Vosges) en juillet 1915, Vuillermet est nommé sous-lieutenant à titre temporaire (le 28) et adjoint au commandant de la 2e compagnie de mitrailleuses en mars 1916. Il passe lieutenant à titre temporaire en octobre 1916 puis à titre définitif, commandant la 1ère compagnie de mitrailleuses, au 1er juillet 1917, après l’affaire de la mutinerie des 1er et 2 juin à Ville-en-Tardenois (Marne). C’est à ce grade qu’il est tué le 2 juin 1918 à Bussiares dans l’Aisne lors de la retraite de l’Ourcq au Clignon.

2. Le témoignage

Perrier, Michel, Charles Vuillermet (1890-1918). Carnets et dessins d’un officier savoyard dans la Grande Guerre, Annecy, Le Vieil Annecy, 2012, 207 pages.

Charles Vuillermet est engagé dans la carrière militaire à la déclaration de guerre, avec la spécialité de mitrailleur. Son parcours est donc celui d’un sous-officier qui monte les grades par sa valeur militaire au sein d’un même régiment. Il occupe dans un premier temps les cols vosgiens et l’Alsace et la cristallisation du front à l’Est l’amène à « tenir » le secteur de la Fontenelle d’octobre 1914 à juin 1916. C’est la majeure partie de la couverture chronologique contenue dans le carnet de guerre de 96 pages qu’il tient du 1er août 1914 au 30 septembre 1916. L’affaire de la mutinerie de juin 1917 va entraîner pour le 133e de nombreuses sanctions, dont la dispersion des officiers considérés comme fautifs. Lui va hériter de cette situation du commandement d’une compagnie de mitrailleuses. Ayant abandonné son carnet à cette date, l’empreint documentaire effectué par Michel Perrier, le présentateur du legs de Charles Vuillermet, retrace son parcours par des courriers échangés avec sa famille et son frère Joseph. Dès lors, les quelques éléments que Charles donne dans ses écrits sont confrontés au JMO, aux historiques divisionnaire et régimentaire et à d’autres témoins du « Régiment des Lions » tels Joseph-Laurent Fénix ou les officiers que sont les docteurs Joseph Saint-Pierre, Frantz Adam, André Cornet-Auquier ou Louis de Corcelles [1], afin de combler les vides dans le témoignage de Vuillermet. L’ensemble est ponctué de dessins et de photographies de l’auteur, formant un corpus assez large de représentations issus du témoin.

3. Analyse

La première lettre permettant de sonder la vision de la guerre de Charles Vuillermet est datée du 12 septembre 1914, dans laquelle il confie : « Depuis la déclaration de guerre nous n’avons cessé de combattre. (…) Je vous assure que la guerre est une chose horrible, il y a des choses qui ne peuvent s’écrire, mais celui qui combat passe par des transes inexprimables quand les obus et les balles pleuvent de tout côté, et que l’on voit tomber ses camarades et cela pas un jour mais 8 ou 10 jours de suite et sans recevoir de troupes fraîches. Enfin je n’espère qu’une chose, avoir le bonheur d’en réchapper (…) » page 40. Confronté à la violence et à sa mort possible, il revient sur ce sentiment : « (…) si j’ai le bonheur de finir la guerre j’espère éclaircir bien des choses à mon sujet. Malgré tous les dangers que nous encourrons chaque jour je conserve bon espoir de revoir Thonon » (page 45) et estime la guerre à encore quelques mois en octobre 1914. Il s’aguerrit au feu et dénonce même la monotonie d’un front cristallisé à l’hiver 1914-1915, espérant obtenir rapidement « l’écrasement de ces vilains teutons » (page 48). Au fur et à mesure des mois, il abandonne la consigne de discrétion et ses courriers, plus intéressants que son carnet, se font alors plus descriptifs, notamment pour la guerre des mines ou les grandes affaires auxquelles le bataillon prête son concours en 1915 comme la reprise de Metzeral (juin), de La Fontenelle (juillet) en 1915 ou l’attaque sur Cléry-sur-Somme (carnet, le 30 juillet 1916). Hélas, ayant abandonné son carnet à la fin de 1916, il ne s’exprime pas sur la mutinerie massive de son régiment, se bornant le 6 juillet 1917 à signaler qu’elle lui a vraisemblablement donné du galon, celui de lieutenant : « on vient de me donner le commandement d’une compagnie juste au moment où nous remontions en ligne. (…) Je suis content de commander réellement, c’est la perspective du troisième ! » (page 139). Officier ayant une responsabilité importante, il semble qu’il ait alors de plus en plus remplacé l’écrit par le dessin, multipliant les représentations des paysages et les scènes de cantonnement avec un réel talent d’artiste, qu’il proposera d’ailleurs à l’Illustration, qui ne retiendra pas ses esquisses.

Yann Prouillet, janvier 2013


[1] Voir leur notice dans le présent dictionnaire.

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Chauvet, Félix (1860-1926)

1. Le témoin

Félix, Louis, Amédée Chauvet est né en 1860 à Paris, de François Chauvet et de Marie Louise Deffauchaux, tous deux aubergistes à Bailly (Oise). A 21 ans, il travaille dans l’entreprise familiale et se marie à Jeanne Sophie Senez, née à Ribécourt (Oise). Trois enfants, Charlotte Hélène, dite Louise, Maxime Félix, dit Lucien et Félix Léon, dit Louis, naîtront de cette union. En 1883, il demeure à Paris, puis revient dans l’Oise, à Ribécourt en 1911, à Dreslincourt, puis à Passel, dans la maison de sa mère, décédé en 1911. C’est là que la guerre trouve Félix et Marie. Ils vivent également avec la belle-mère de Félix, avec laquelle il a des relations manifestement conflictuelles tant elle semble vivre « pour ainsi dire en dehors des évènements » (page 46). En 1917, à une date non précisée, ils sont évacués de Passel et leur maison est entièrement détruite par les combats de 1918. Vivant sous régime d’occupé, il n’apprend que très tardivement que son plus jeune fils Léon a été tué à Saint-Thierry, près de Reims, le 19 septembre 1914. Il sera et ramené au caveau de Passel en 1921. Lucien, prisonnier, survivra au conflit et Louise assistera sa mère dans la maison familiale jusqu’à sa mort. Un temps conseiller municipal, Félix est déclaré comme rentier au moment de son décès. Etant devenu sourd, il meurt le 2 décembre 1926, happé par un train qu’il n’avait pas entendu au passage à niveau de Ribécourt. Son épouse lui survit jusqu’en 1952, année de sa mort dans sa 90e année.

2. Le témoignage

Chauvet, Félix, Mémento de guerre de M. Félix Chauvet. Journal d’un habitant de Passel pendant l’occupation allemande, Chiry-Ourscamp, Patrimoine de la  Grande Guerre, 2011, 140 pages.

Félix Chauvet, qui habite une grande maison dans le petit village de Passel, débute un journal de guerre le samedi 12 août 1916, au « 738e jour de guerre, 708e jour de l’invasion allemande », sous forme de « mémento de la guerre en souvenir de [s]es enfants »
(page 6). Il pense écrire peu de temps, toujours confiant d’une libération prochaine, malgré deux ans de guerre déjà : « En commençant ces pages, j’avais dans l’idée que je ne les ferais pas bien longtemps. Un peu de supputation chez moi. Je me disais à ce moment-là que je voulais faire un recueil des évènements de la guerre si, le cas échéant, elle devait se terminer bien vite » (page 29). De fait, la durée de la guerre comme le bruit du canon seront les préoccupations récurrentes de son récit. Il se raccroche ainsi à n’importe quel signe qui pourrait être annonciateur de la réduction de sa peine : l’arrêt du travail de la terre par les soldats (page 62), la réquisition des vaches (pages 63 et 65), ou même les prédications de madame de Thèbes (pages 128 et 137). Le village, proche de
Noyon, est donc sous l’occupation allemande depuis plusieurs mois et sous la menace d’un front qui se situe à moins de dix kilomètres. D’ailleurs, il revient sur les mois précédents, formant ainsi une rapide histoire de Passel de 1914 à 1916. Il termine son récit après 175 journées le 2 février 1917, sans expliquer cette interruption. Madame Jasmine Party, épouse de Henri Mills, arrière petit-fils de Louis Chauvet évoque juste une évacuation sur Noyon « peu après la fin de ce journal » (page 138).

3. Analyse

Assez ténu, le regard de Félix Chauvet ne diffère pas fondamentalement des témoignages de civils occupés, entre claustration, espoir mais aussi menace d’un front trop proche, et brimades (celle d’un « interprète » chargé des basses œuvres de l’exhaustion de Passel occupée). Ainsi, il résiste, cache les pommes de terre puis « tout ce que nous jugeons utile » dans des trous dans le jardin, ou le bûcher, les outils (pages 42 et 48), etc. Pourtant, le côtoiement des Allemands, qu’il héberge, officiers et ordonnances, à la maison, ne lui pose pas de problème insurmontable. Il a fini par apprendre quelques rudiments de langage (page 13), s’en accommode et recherche par fois même la compagnie de l’occupant, tant il manque d’un interlocuteur pour converser. Est-ce une raison supplémentaire de la tenue de son journal ? A l’instar de Clémence Martin-Froment [1], qui elle sera inquiété pour se motif après-guerre, il dit avec honnêteté, parlant des Allemands : « Il y en a parmi eux qui sont bons et qui vivent avec nous sans haine ou du moins, ils ne le font pas voir » (page 101). En tous cas, il semble que les relations très tendues avec les deux femmes qui partagent sa vie dans la maison familiale génèrent chez lui un manque de vie sociale qu’il tente de combler par ces pages. Il dénonce à plusieurs reprises l’absence de solidarité entres les habitants de Passel (pages 42 et 130). Aussi, il a une certaine compassion, notamment à l’endroit des filles-mères d’enfants allemands (page 95 et 126). Il analyse ainsi leur situation : « Il me semble qu’elles ont droit à de l’indulgence car par ces temps que nous vivons, la plupart de ces femmes n’ont succombé que par le besoin. Alors, il arrive ce qui est arrivé. C’est qu’en échange d’un peu de bien être que les soldats leur donnaient, elles accordaient leur faveur. Quand il faut vivre constamment depuis deux ans et plus, avec des hommes qui, de leur côté, sont heureux de rencontrer de la sympathie, il est, ou il doit être difficile de se garantir contre ces évènements et, si beaucoup sont restées sages, c’est qu’elles avaient des parent pour les protéger » (page 102).

Yann Prouillet, janvier 2013

[1] Voir dans le présent dictionnaire sa notice in http://www.crid1418.org/temoins/2011/09/26/martin-froment-clemence-1885-1960/.

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Gay, Lucien (1892-1917)

Né à Bordeaux le 5 mai 1892, employé de commerce dans le civil et sergent au 57e RI pendant la guerre, Lucien Gay s’est trouvé au cœur des combats du Chemin des Dames et a été tué de deux balles de mitrailleuse, dans le secteur de Vauclair-Craonne, le jour même de son vingt-cinquième anniversaire (5 mai 1917). Il n’a pas de tombe, mais la famille a reçu, troués par les balles, son livret militaire et le carnet sur lequel il avait noté le nom des hommes de sa section avec leurs fonctions et les outils dont ils étaient responsables. Dans une lettre à ses parents, du 12 avril, quelques jours avant le déclenchement de l’offensive Nivelle, il exprimait l’espoir de faire partie de « ceux qui auront le bonheur de s’en sortir ».
Rémy Cazals
*Documents reproduits par Damien Becquart dans La Lettre du Chemin des Dames, n° 22, été 2011.

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Michel, Henri (1907-1986)

Henri Michel est bien connu comme historien de la Résistance et de la guerre de 1939-1945 (plusieurs ouvrages, création du Comité et de la Revue de la Deuxième Guerre mondiale). Il est né à Vidauban (Var) dans une famille provençale typique de paysans, artisans et petits commerçants. « À plus de soixante années de distance », il a voulu rédiger ses souvenirs d’enfance sur 1914-18, retrouvant « des images, des odeurs, des émotions, des sensations, d’une extrême netteté », et les enrichissant de toute une culture, les mettant en valeur par le travail de l’historien. La vie du jeune garçon, liée à celle de son village natal, se trouve raccrochée à l’histoire générale de la période, selon le plan : 1) Mon village à la veille de la guerre ; 2) Dix ans en 1914 (en fait : sept ans) ; 3) Du collège à l’armistice ; 4) Un autre village ?
La mobilisation et les débuts de la guerre sont vécus à Vidauban dans l’exaltation patriotique particulièrement visible chez les enfants qui jouent à la guerre, qui prient le Bon Dieu pour la victoire et qui « traquent » les espions. Plus tard, vers la fin de 1915, arrivent les premiers permissionnaires : « Ce qu’ils décrivaient n’avait pas grand-chose à voir avec ce que les journaux racontaient. » Alors, les gens de l’arrière leur expliquaient « la vérité des choses de la guerre » qu’ils connaissaient mieux, et Henri Michel de noter : « À nous revoir leur faire la leçon, je suis étonné aujourd’hui encore qu’aucun permissionnaire ne nous ait jeté au visage son mépris et sa colère. » Avant 1914, le conseil de révision était un rite de passage, et l’ajournement « une injure grave » qui provoquait le dédain des filles et les quolibets des camarades. Vers la fin, quand arrive le tour du frère aîné d’Henri, « ne pas être jugé bon pour le service signifiait qu’on demeurait apte à vivre. Les parents voyaient avec appréhension partir leurs enfants pour l’examen fatal et certains des appelés n’avaient pas hésité à s’affaiblir systématiquement pour garder une chance d’être refusés. » Une fois jugés bons, les conscrits refusent de travailler, se mettent à boire, à provoquer et scandaliser le village. Henri Michel en a parfaitement compris les raisons : « Ils s’étourdissaient, ils s’abrutissaient, pour ne pas penser. » Et le 11 novembre 1918, ces jeunes qui allaient partir ont « l’impression de renaître à la vie ».
Pendant toute la guerre, un grand problème pour les activités du village fut celui de la main-d’œuvre. Les femmes redoublèrent d’efforts, les retraités reprirent du service, on continua à employer des travailleurs italiens, puis des prisonniers allemands. Le retour des hommes remit les choses à leur ancienne place, mais pas tout à fait. Les veuves continuèrent à diriger leur commerce ou leur exploitation agricole. Un début d’émancipation se produisit et le village eut sa garçonne, sa divorcée, sa veuve joyeuse… Une certaine ouverture aussi car le développement de l’automobile raccourcissait les distances, et parce que les combattants avaient vu du pays et côtoyé toutes sortes de peuples. La mort avait laissé son empreinte : le village avait eu 91 tués, 1 pour 33 habitants, mais 1 combattant du front sur 4 ; les trois quarts avaient entre 20 et 30 ans ; sans compter les blessés, les amputés, les gazés. Les survivants n’aimaient pas parler de leur expérience traumatisante, mais ce sont des anciens combattants qui ont créé la section locale du parti communiste. Le 11 novembre 1920, à l’issue de la cérémonie au monument aux morts, un groupe d’anciens combattants se mit à crier : « Plus jamais ça ! Plus jamais ça ! »
Rémy Cazals
*Henri Michel, Une enfance provençale au temps de la Première Guerre mondiale, Vidauban dans la mémoire d’un historien, présenté par Jean-Marie Guillon et Alain Droguet, Forcalquier, C’est-à-dire éditions, 2012, 416 p., nombreuses illustrations.

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Tropamer, André (1893-1968)

Ce simple soldat est issu d’une famille bordelaise de magistrats, ce qui lui vaut d’être accueilli à la popote d’un commandant de sa parenté, et de disposer d’un appareil photographique. Il a constitué après la guerre un recueil de 200 tirages sur papier (photos prises en secteur calme) complété par un texte intitulé « Itinéraire », rédigé sur 18 feuillets, qui décrit brièvement les conditions de vie d’un agent de liaison. Le fonds, qui appartient à Bernard Sargos, est présenté avec trente reproductions par Damien Becquart dans La Lettre du Chemin des Dames, n° 25, 2012.
Le 14 mars 1915, André Tropamer rejoint le 127e, un régiment du Nord où il est mal accueilli ; son baptême du feu date du 5 avril en Woëvre. Il se trouve ensuite en Champagne, dans l’Aisne, à Verdun et dans la Somme : « Que de places vides dans nos rangs », constate-t-il, le 9 septembre 1916. Au début de 1917, son régiment approche du Chemin des Dames. Le 16 avril, il ne livre que des notes laconiques, mais évocatrices : « Les deux premières lignes boches sont aisément franchies mais nous sommes arrêtés, avec de lourdes pertes, sur la troisième, à 600 m. à peine de notre base de départ – Désordre et confusion inouïs parmi les morts, les blessés râlants et les tirailleurs sénégalais, nos voisins de gauche, qui courent en tout sens, ayant perdu la tête dans le vacarme – Liaison des plus dures et des plus périlleuses à assurer. » Une précision, le 22 avril : « Neige et pluie abondante qui transforme le terrain en un lac de boue où l’on enfonce au-dessus des genoux. Pour assurer la liaison – et combien lentement – je dois retirer avec les mains chaque jambe, l’une après l’autre, de la boue, et cela sous des rafales d’obus. »
Dès que possible, il revient à des préoccupations pacifiques : écouter le chant des rossignols, photographier ses camarades, apprivoiser une pie, un geai… Au printemps 1917, il n’occulte pas les mouvements de révolte des Russes qui hurlent « Nicolas kaput », mais aussi des Français : « Au camp de Mailly, manifestation quasi-révolutionnaire parmi les troupes qui s’y trouvent. Aucune répression. J’en suis stupéfait ! » Et lorsqu’il revient de permission en train, le 21 juin, il se tient à l’écart du mouvement contestataire en précisant qu’il le désapprouve.
Rémy Cazals

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Mauclerc, Arthur (1881-1919)

Né le 22 octobre à Buironfosse (Aisne), il devient maréchal-ferrant, ce qui lui vaut d’effectuer le service militaire à Amiens dans le train des équipages. Marié en 1907, il a trois enfants lorsque la guerre éclate. Sa famille étant restée « en pays envahi », il correspond avec sa sœur réfugiée en Normandie. Il n’a des nouvelles de son atelier qu’en mars 1917, par une rapatriée qui lui écrit : « Arthur, tous vos outils sont pris par les Allemands, tous vos fers, très souvent votre forge est pleine de chevaux boches. »
Pendant toute la guerre, il est conducteur de voitures hippomobiles pour l’ambulance 11/5 ; il ferre les chevaux, il fabrique des bagues pendant son temps libre. Le 9 avril 1917, au pied du plateau du Chemin des Dames, il écrit à sa sœur : « Je crois que sous peu on va leur envoyer quelques choses à ces boches, qui les forcera bien à partir, les journaux te renseignent bien là-dessus. Si je ne change pas de direction et que l’on puisse réussir, je passerai certainement pas loin de chez nous. » Quand on sait que Buironfosse et son hameau Le Boujon se trouvent entre Guise et Hirson, en Thiérache, loin au-delà de Laon, on mesure les illusions du simple soldat, mais il n’était pas le seul si l’on songe à celles du général en chef. L’entassement des blessés à la suite de l’échec de l’offensive donne un énorme travail aux hommes du service de santé, quelle que soit leur fonction (voir Antoine Prost, « Le désastre sanitaire du Chemin des Dames », dans Le Chemin des Dames, sous la direction de Nicolas Offenstadt, Paris, Perrin, 2012, p. 207-229).
Arthur Mauclerc est grièvement blessé en mars ou avril 1918, une blessure qui aurait entraîné sa mort, le 6 juillet 1919, mais il ne figure pas parmi les morts pour la France du site Mémoire des Hommes. Ses lettres et quelques photos ont été achetées sur une brocante par Louis Larzillière et présentées par Franck Viltart dans La Lettre du Chemin des Dames, n° 25, 2012.
Rémy Cazals

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Darchy, Romain (1895-1944)

Sans conteste, les volumineux « Récits de guerre » du soldat  Romain Darchy partiellement publiés relèvent de la catégorie du témoignage alliant la rigueur des faits à la valeur littéraire du récit construit dans une prose maîtrisée. Composés à partir de carnets tenus au jour le jour, ils nous immergent dans l’expérience de guerre de l’auteur, d’abord simple soldat puis aspirant-officier commandant d’une section d’infanterie à partir de juillet 1917.

L’auteur est mobilisé avec la classe 15 en décembre 1914 et est incorporé au 408e RI avec lequel il découvre le front en avril 1915. Blessé devant le fort de Vaux, il est évacué en mars 1916 après avoir survécu à plusieurs journées de durs combats et de bombardements qui ont manqué de l’enterrer vivant à plusieurs reprises, lui et une compagnie entière, incapable de pouvoir tenir à l’extérieur face au déluge de feu. Il revient au front avec son régiment dans le secteur d’Avocourt et de la cote 304 à l’été 1917. Très sensible à valoriser le courage et l’abnégation des hommes dans la souffrance, il ne manque pas de s’attacher à décrire avec minutie le calvaire des relèves ou des corvées de soupe, à témoigner des conditions de survie des hommes rouspétant mais tenant bon dans le froid de la tranchée. Romain Darchy est un patriote, croyant, qui voit dans la guerre une forme d’héroïsation des combattants français, alors même que le « boche » ou « les sales Teutons » ne peut se concevoir que comme l’ennemi. Ainsi, il donne aux scènes de combat un réalisme certain, ajoutant aux descriptions morbides des blessés et des morts, des images renvoyant à une conception toute religieuse du sacrifice : « Tous les trois se touchent, ils sont morts ensemble. Et le soleil qui se reflète dans un liquide immonde éclaire ces cadavres comme une auréole de gloire » (p. 269). Nous sommes là face à des évocations qui renvoient au témoignage, certes ici moins littéraire, d’Ernst Jünger et aux tableaux d’Otto Dix.

Encerclé le 15 juillet 1918 au bois d’ Eclisse sur le front enfoncé de la Marne, Romain Darchy est fait prisonnier avec une partie de son unité. C’est pour lui le début d’un effondrement psychologique qui se lit à travers son témoignage de captivité. Conduit derrière les lignes allemandes, il ne peut se résigner à aider les blessés ennemis et enrage contre les troupes italiennes qui auraient causé sa capture. Il se considère comme un naufragé condamné à l’exil, tourmenté par le fait de ne pouvoir continuer à se battre alors même que les Allemands pouvaient, encore, l’emporter. L’idée d’avoir été « sacrifié », de pouvoir être de ceux à qui « l’on jettera la pierre », hante les pensées du jeune aspirant qui refuse de parler aux Allemands qui l’interrogent. La douleur ressentie sur le long chemin vers l’Allemagne et la forteresse de Rastatt n’est atténuée qu’avec la satisfaction de savoir les Allemands en retraite et que par le renforcement d’une camaraderie désormais de captivité.

D’un point de vue formel, le récit de Romain Darchy gagne en maîtrise et en densité au fur et à mesure que s’étire le récit, véritable monument dressé à ceux qui sont tombés à ses côtés.

Terminons en soulignant combien le destin singulier Romain Darchy, depuis la mobilisation dans l’armée de la Grande Guerre et jusqu’à la mort tragique sous les coups de la Gestapo en 1944 pour faits de résistance, renvoie à l’engagement de Marc Bloch, figure emblématique d’un tragique premier XXe siècle. Engagements identiques de deux hommes motivés pourtant par des valeurs très opposées.

Alexandre Lafon – décembre 2012

Source : DARCHY Romain, Récits de guerre 1914-1918, Paris, Bernard Giovanangeli Éditeur – Ville de l’Aigle, 479 p. Edition accompagnée de précieuses annexes (biographie, correspondances) qui viennent compléter le texte principal.

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