Parution : « Jaurès détective – Affaire Dreyfus » par Rémy Cazals

« Le 12 juillet 2025 est déclaré officiellement jour de commémoration de la réhabilitation du capitaine Alfred Dreyfus par le président de la République française. Rémy Cazals, spécialiste de Jean Jaurès, l’une des figures politiques les plus illustres de son temps, en révèle une facette inconnue, un Jaurès détective. Et Rémy Cazals d’ajouter une pierre nouvelle concourant à démontrer l’intelligence universelle de l’Homme et son zèle à lutter contre l’une des plus grandes injustices du XIXe siècle. Un opuscule aussi éclairant qu’opportun et une pièce maîtresse ajoutée à une affaire Dreyfus remise en permanence dans l’espace contemporain. »

2 juillet – 29 septembre 1898, une correspondance révélatrice comme éclairante

Le 12 juillet 2025 est déclaré officiellement jour de commémoration de la réhabilitation du capitaine Alfred Dreyfus par le président de la République française. L’affaire Dreyfus est certainement l’événement le plus marquant et le plus traumatique de la Troisième République, divisant en deux la nation française dans une dualité politique loin des simples courants de pensée en vogue au sein de la société de l’époque. En effet, en 1898, l’opinion est égarée par le silence des autorités, civiles comme militaires, par les affirmations haineuses péremptoires et l’abondance des récits fantaisistes, y compris par la présentation de documents officiels émanant des plus hautes autorités ministérielles. Jean Jaurès, ulcéré devant l’injustice, se lance alors dans une enquête systématique qui prouve l’innocence de Dreyfus, la culpabilité d’Estherazy et la fabrication de faux documents. Cette enquête est révélée dans une correspondance d’été, intégralement publiée dans cet opuscule.

Rémy Cazals démontre ici une facette parfaitement méconnue de l’illustre, assurément le plus grand tribun de l’Histoire politique française. Il dévoile ainsi la méthode rigoureuse d’un Jaurès détective, qui aurait pu inspirer celle d’Hercule Poirot. Une double enquête haletante, de coup de théâtre en coup de rasoir ; celle de Jean Jaurès et celle de Rémy Cazals qui remet en lumière l’Affaire Dreyfus d’une manière parfaitement originale.

Table des matières

Vingt lettres et un télégramme

1. Meeting agité à Montpellier

2. Assistant de Jaurès

3. Un homme qui passait pour une intelligence moyenne

4. Imbéciles et misérables : l’illégalité de 1894

5. Cohérence et incohérences

6. Dreyfus a toujours crié son innocence

7. Le bordereau n’a pas été écrit par Dreyfus

8. Les délires de Bertillon

9. Le uhlan frénétique

10. Les aveux involontaires d’Estherazy

11. Savants contre soi-disant experts

12. Brève escale tarnaise

13. Ce canaille de D…

14. Le faux le plus misérable

15. L’officine des faussaires

16. Coup de théâtre

17. Coup de rasoir

18. Et revoici La Dépêche…

19. Les moustaches de la dame voilée

20. Le dossier ultra secret

21. Et voici la fin de septembre

Postface

JAURÈS DÉTECTIVE- Affaire DREYFUS – par Rémy Cazals est un livre broché de 48 pages, format 15×24 cm.

Prix unitaire : 10 € (port 5 €) – ISBN 978-2-35515-066-1

L’ouvrage est à commander auprès de EDHISTO Editions, 58 rue de République, 88 210 SENONES (Vosges)

Tel : 03.72.58.01.14 – Fax : 09.79.94.51.88

Contact presse, liaison avec les auteurs, commandes / Courriel : yann.prouillet@edhisto.eu – Site Internet : www.edhisto.eu

Parution : Joffre – Un maréchal en République, par Alexandre Lafon

De son vivant, Joseph Joffre (1852-1931) – l’un des huit grands maréchaux français de la Première Guerre mondiale – a fait l’objet d’un véritable culte mémoriel et populaire comme en témoignent les noms de rues de nos villes et sa statue dominant l’entrée de l’École militaire sur le Champ-de-Mars à Paris. Bustes en plâtres, assiettes et autres cartes postales patriotiques racontent aussi la puissance d’une légende entrée dans les foyers dès la guerre.

Le prestige du « père Joffre » reste surtout associé à la victoire de la Marne de septembre 1914, ce redressement spectaculaire des armées franco-britanniques à la suite d’un été meurtrier, érigé en événement majeur de la « Grande Guerre » et de l’histoire nationale. Depuis lors, aucune controverse sérieuse n’a réussi à « déboulonner » la stature du personnage.

Qui est donc, derrière le mythe du vainqueur, ce polytechnicien de Rivesaltes entré très tôt dans le génie militaire ? Officier à la carrière remarquable en République et dans ses colonies, il a été généralissime dans une période décisive. Conscient de ses prérogatives, il a tenté de conserver la main sur les opérations militaires face à un pouvoir civil d’abord consentant, puis méfiant et agacé, qui le remercie en décembre 1916 avec le titre de maréchal de France. 

L’auteur propose ici d’interroger la vie de Joseph Joffre, sa mémoire mythifiée et les formes qu’elle a pu prendre, jusqu’à son éclipse quasi-totale à l’orée des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale. Les sources permettent de comprendre la construction d’une légende, et derrière elle, le parcours d’un chef de guerre, ni ange, ni démon, au temps du roman national d’alors, sensible à valoriser les « grands hommes ». 

Alexandre Lafon est docteur en histoire contemporaine, chercheur associé à l’Université de Toulouse 2 – Jean Jaurès, membre du CRID1418. Professeur agrégé et chargé de cours à l’Institut national universitaire Champollion d’Albi et auteur d’ouvrages sur la Première Guerre mondiale (La camaraderie au front 1914-1918, Armand Colin, 2016), il poursuit ses recherches autour de la mise en mémoire des conflits contemporains. 

« Ecrire… Publier… » : le nouvel ouvrage de Rémy Cazals aux éditions Edhisto

Les témoignages de 1914-1918 sont ici soumis à deux éclairages.
Il s’agit d’abord de comprendre la décision d’écrire. Les motivations varient : les dirigeants militaires et politiques cherchent à justifier leur action ; chez les écrivains, il faut faire la part des effets littéraires ; il existe des livres de propagande et d’autres qui réagissent au bourrage de crâne ; beaucoup d’auteurs ont tenu à garder la trace d’années extraordinaires perdues pour la vraie vie.
Il fallait ensuite suivre ces textes sur le chemin de l’édition. Avant 1930, seuls des intellectuels et des notables ont su emprunter cette voie qu’ils connaissaient bien. La publication des témoignages des “gens ordinaires” a attendu deux générations, et il faut mettre en valeur le travail des “passeurs”, membres de la famille, historiens, associations, éditeurs passionnés.
L’étude repose sur un corpus de 1100 notices analysant les témoignages de contemporains de 14-18, hommes et femmes, militaires et civils, principalement français, mais aussi de quinze autres nationalités.

Laurent Dornel, Indispensables et indésirables. Les travailleurs coloniaux de la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2025, 351 p. ISBN : 978-2-348-08154-5

Voici assurément un ouvrage bienvenu, non seulement parce qu’il allie érudition et clarté, mais aussi parce qu’il comble une lacune partielle de l’historiographie de langue française. Appuyé sur des sources abondantes et variées, tirées d’archives nationales, départementales et municipales, ainsi que sur des publications d’époque et une solide bibliographie, il traite d’un sujet fondamental pour comprendre à la fois les ressorts économiques de la Grande Guerre, les fondements de la colonisation et les préjugés racistes d’une époque. Le titre, fort bien choisi, résume à merveille le propos de l’auteur : il s’agit de montrer que l’État français en guerre ne peut pas se passer d’un appoint de main-d’œuvre non européenne, mais qu’en même temps il cherche à en limiter la portée pour des raisons idéologiques et socio-politiques. Le livre est construit autour de huit grands chapitres de longueur à peu près équivalente, encadrés par une introduction et une conclusion qui assurent bien leurs fonctions respectives, à savoir éclairer le sujet et répondre aux questions qu’il pose.

Dès les premières pages, Laurent Dornel met au cœur de sa démonstration le problème de l’assimilation en montrant que les théories racialistes de l’époque visent à promouvoir, écrit-il, « un système discursif organisé qui fonde l’indésirabilité de l’immigration coloniale ». Certes, comme l’indique le titre du premier chapitre, les colonies constituent aux yeux des autorités « un merveilleux réservoir d’hommes », soldats ou travailleurs. Mais il est hors de question pour elles de promouvoir une immigration libre ; il convient au contraire de l’encadrer pour la contrôler et l’organiser. Au demeurant, beaucoup d’administrateurs coloniaux sont réticents au départ vers la métropole car ils craignent tout autant la pénurie de travailleurs disponibles que leur perversion au contact de la métropole où ils pourraient, en côtoyant des autochtones, acquérir des idées subversives de l’ordre colonial, et, pire, séduire des Françaises.

Les premiers contingents de travailleurs coloniaux arrivent néanmoins au printemps 1915, mais en petit nombre encore. Durant l’été, est créé le Service de l’organisation des travailleurs coloniaux, le SOTC, désormais chargé d’accueillir et de répartir les nouveaux arrivants. En février 1916, est ouvert son grand dépôt de Marseille qui peut loger 5000 hommes, le temps de les vacciner, de les classer par aptitudes et de les immatriculer avant leur départ pour le lieu de travail censé les accueillir. Pour éviter les conflits, les arrivants sont regroupés par nationalités sous la surveillance d’officiers et de sous-officiers français, chargés de maintenir une discipline paternaliste, mais ferme. Les affectations ultérieures dépendent de critères racialistes qui essentialisent les « indigènes » en leur attribuant d’office des qualités et des défauts liés à leur origine (par exemple, les Kabyles sont jugés supérieurs aux Arabes). Toutefois, le SOTC, placé sous la tutelle du ministère de la Guerre, mais travaillant avec de nombreux autres ministères (Colonies, Affaires étrangères, Intérieur, Armement, Agriculture), se retrouve au cœur de conflits internes qui en perturbent le fonctionnement, rendu déjà difficile par les moyens limités dont il dispose.

Le troisième chapitre, intitulé « Les travailleurs coloniaux, portrait de groupe » décrit de manière précise leurs différents statuts. Les Nord-Africains ont des contrats de trois mois au minimum et bénéficient de la loi sur les accidents du travail de 1898. Ils sont considérés comme travailleurs civils et ont des salaires alignés sur ceux des ouvriers français. Les Indochinois et les Malgaches sont au contraire militarisés (sauf les interprètes), ce qui provoque sur place quelques révoltes contre le recrutement. Ils sont pris pour la durée de la guerre plus six mois. Leurs droits sont inférieurs à ceux des Nord-Africains et, par conséquent, des Français, notamment en matière de retraites. Les Chinois ne sont pas, à proprement parler, des travailleurs coloniaux, mais ils sont traités comme tels, bien qu’ils proviennent d’un État en principe souverain. Leurs contrats portent sur plusieurs années. Ils n’ont pas droit non plus à la retraite et leurs salaires sont souvent très médiocres. Logement, nourriture et habillement sont déduits de leurs émoluments. Ils ne sont pas militaires, mais sont cependant placés sous l’autorité d’un commandant de groupement. Au total, 220 000 ouvriers coloniaux sont recrutés entre 1916 et 1918, dont 150 000 environ sont présents en même temps sur le sol français à la fin de la guerre ; 60 % environ viennent d’Afrique du Nord et 40 % d’Asie ou de Madagascar. Ils travaillent en majorité pour l’industrie de l’armement, qu’elle soit publique ou privée. On les trouve donc pour l’essentiel dans les grandes régions industrielles de l’époque. L’administration prend soin de séparer le plus possible entre elles les différentes nationalités pour éviter les querelles, relativement fréquentes.

Un des défis posés aux autorités est de discipliner et d’identifier la main-d’œuvre coloniale. C’est l’objet du chapitre 4. Comme il n’est pas possible de reproduire en métropole les règles de l’indigénat, l’administration invente de nouveaux dispositifs réglementaires pour « protéger » à la fois les travailleurs étrangers et les Français. Cette « obsession de la surveillance » est présente dans tous les domaines : travail, santé, usage d’alcool ou de drogue, circulation intérieure, fréquentations et courrier. « Les travailleurs coloniaux sont considérés comme des enfants dont il faut éclairer l’entendement », rappelle Laurent Dornel ; il faut donc établir un « système punitif spécifique » ainsi qu’une forme de militarisation sous l’égide d’officiers coloniaux, habitués aux rigueurs de l’indigénat. Les principaux instruments du contrôle administratif sont le livret de travail et le permis de séjour qui permettent d’identifier les individus et de freiner le débauchage et le vagabondage. En avril 1917, la carte d’identité devient obligatoire pour les étrangers de plus de 15 ans ; désormais, quand un travailleur arrive sur son lieu de travail, il doit la déposer chez le maire ou auprès du commissaire de police.

Le paternalisme de l’administration, totalement assumé, repose sur l’idée de l’inégalité des races, mais aussi le respect des religions, des coutumes et des mœurs « indigènes ». L’instauration de « foyers coloniaux » est un des moyens utilisés par les autorités pour « éduquer » les travailleurs coloniaux et les préserver des mauvais comportements, tout en donnant à une partie d’entre eux une formation professionnelle et linguistique. Autre création ad hoc, les Bureaux des affaires indigènes, destinés à faciliter les relations des travailleurs concernés avec l’administration française et à les conseiller au besoin en matière d’emploi et de vie quotidienne. Lesdits BAI ont toutefois des rapports tendus avec le SOTC qui reste jaloux de ses prérogatives.

Cet encadrement pesant n’empêche pas l’insubordination des intéressés qui prend des formes variées, traitées par le sixième chapitre. Parfois, la résistance est douce, fondée sur des tactiques d’évitement comme faire semblant de ne pas comprendre les ordres ou se dérober devant l’accomplissement de certaines tâches. La fuite hors du lieu de travail est une autre stratégie, souvent utilisée dans la zone des armées ; elle concerne au bas mot des centaines de cas. Il existe également un volant de 30 000 à 40 000 hommes qui échappe au contrôle du SOTC, parfois en se servant de faux papiers ; parmi ces travailleurs dits libres, il y a de nombreux Kabyles, déjà habitués à émigrer dans le cadre de réseaux spéciaux.

Mais la lutte peut devenir frontale. De nombreuses grèves éclatent aux quatre coins de la France à partir de l’automne 1916 jusqu’à la fin du conflit : des villes comme Roanne, Châtellerault, Lyon, Saint-Étienne, Dunkerque, La Machine (Nièvre), Le Creusot, Bordeaux, entre autres, sont touchées par ces conflits. Le plus souvent, elles visent à protester contre de mauvaises conditions de logement ou contre le comportement inadéquat de l’encadrement.

Laurent Dornel, s’inspirant de James Scott, évoque aussi l’existence d’une « subculture dissidente » faite de petits trafics, de libertinage, de recherche du plaisir, de trafic de papiers ou tromperies vis-à-vis des autorités de tutelle qui sont autant de réactions contre la surveillance systématique et la volonté des autorités de les voir vivre en marge de la société ambiante. La correspondance avec les familles restées au pays révèle, malgré la censure, un certain mécontentement, mais aussi, parfois, le désir de rester quelques temps après la guerre sur le sol français.

Mais la plus grande peur de la puissance publique semble être le métissage et les unions interraciales. Le chapitre 7 donne de nombreux exemples de ce « tabou colonial » que constituent les relations intimes entre « blanches et indigènes ». De nombreuses mises en garde sont ainsi envoyées aux municipalités pour qu’elles freinent au maximum les mariages mixtes. La circulaire confidentielle Viviani du 2 février 1917 souligne les dangers que de telles unions recèlent ; elle est mise en œuvre par le SOTC qui craint la perte de prestige des blancs et les problèmes qu’elle peut poser ultérieurement dans les colonies. Tout un débat naît entre spécialistes pour savoir quel degré de radicalité doivent prendre les mesures de défense. Il révèle néanmoins un certain embarras du pouvoir face à cette question. En effet, il est globalement hostile aux relations interraciales, mais il hésite à suivre les colonialistes les plus radicaux tels que Pierre de Maroussem pour qui « Les grandes nations colonisatrices interdisent ou découragent les unions mixtes … », ne serait-ce que pour empêcher « perversion et dégénérescence des hybrides ».

Il n’empêche que le mépris et la haine envers les femmes qui consentent à des relations avec des travailleurs coloniaux est assez général. On en vient même à les accuser après-guerre d’être « … le courrier secret entre les membres des groupes extrémistes de France, tant français qu’asiatiques », lourde allusion à la poussée de l’anticolonialisme en Asie et au Maghreb. Selon Laurent Dornel, cette « racialisation se fait par le haut » car il postule que « L’opposition aux mariages mixtes n’apparaît pas comme une exigence des populations françaises, mais bien plutôt comme une nécessité imposée par une grande partie des élites politiques, intellectuelles, scientifiques, métropolitaines et surtout coloniales ».

Le dernier chapitre traite logiquement du retour. Les autorités françaises sont pour un départ rapide des travailleurs coloniaux après le conflit, contraintes qu’elles sont par les demandes insistantes des colons, notamment en Algérie. Mais les entorses à ce principe se multiplient, d’autant que certains employeurs français, confrontés eux aussi à une pénurie de main-d’œuvre, n’hésitent pas à réembaucher des travailleurs coloniaux. Par ailleurs, la démobilisation est chaotique car le SOTC est rapidement débordé dans son dépôt de Marseille, du fait du manque de bateaux, de la grippe espagnole et de la délinquance liée au désœuvrement et aux conditions d’hébergement dégradées.

Un débat sur l’assouplissement de l’indigénat est engagé en 1919, mais il se heurte au puissant lobby colonial, de telle sorte qu’il est rapidement abandonné par le gouvernement. En outre, si les autorités françaises souhaitent recourir à l’immigration pour relancer l’économie, elles refusent de faire revenir en masse des travailleurs coloniaux, comme le leur déconseillent maints experts qui craignent, comme un certain L. Chassevent, de « modifier les caractères et qualités de notre race ». On décide donc de recourir à de la main-d’œuvre européenne qui peut éventuellement faire venir les familles.

En conclusion, Laurent Dornel estime qu’il y a après-guerre « un tournant dans la racialisation de la société française ». On passe, écrit-il, « du Kabyle laborieux au sidi, du travailleur indochinois docile au militant communiste ou nationaliste insaisissable ». Se dessine alors une volonté de reprendre les choses en main. De plus, de nombreux intellectuels européens, à l’instar d’un Spengler, d’un Toynbee, d’un Valéry ou d’un Siegfried, insistent sur le refus du métissage ; certains vont même jusqu’à évoquer le développement nécessaire d’une « lutte des races ». Pourtant, l’armée française continue à prévoir en cas de conflit l’utilisation d’un fort volant de soldats et de travailleurs coloniaux, à condition de solidement les encadrer.

Cet ouvrant passionnant mérite donc de connaître le succès car il nous fait bien comprendre les enjeux idéologiques et culturels qui se dessinent derrière l’utilisation et le contrôle de la main-d’œuvre coloniale à un moment où l’ensemble des forces du pays sont engagées dans un conflit sans merci. Sa construction minutieuse et ses analyses fouillées en feront sans doute même un classique. Tout au plus peut-on regretter certaines redites au cours de la démonstration et l’absence d’index final. Mais la perfection n’est pas de ce monde ; contentons-nous ici de l’excellence.

Maurice CARREZ, 22 avril 2025

Publication : Pierre Alfred Nougarède – Hurtebise 1914

Ce livre est une pure production du Collectif de Recherche Internationale et de Débat sur l’Histoire de la Première Guerre mondiale (CRID 14-18). Collectif, l’ouvrage l’est par l’implication de plusieurs historiennes et historiens membres du groupe, sous la direction de Marie Llosa et de Thierry Hardier. Le livre a une dimension internationale marquée par le souci de connaitre les Allemands positionnés en face du capitaine Nougarède et de ses soldats. Il touche au Nord et au Sud de la France, au Nord par les champs de bataille, au Sud par l’origine de l’auteur. Il a reçu le soutien de collectivités territoriales du Nord et du Sud. Le CRID 14-18 a son siège à Craonne dans le département de l’Aisne ; les noms de lieux de cette région lui sont familiers depuis plus de vingt ans : le plateau de Californie, la ferme d’Hurtebise, la Caverne du Dragon…

Il peut être acheté auprès du trésorier du CRID, Thierry Hardier : thierry.hardier@wanadoo.fr au prix 26 euros + 10 euros de frais de port.

En complément du livre, les élèves de 3e du Collège Paul Eluard de Noyon ont réalisé une vidéo intitulée Retrouver Hurtebise avec capitaine Nougarède. Ils ont également rencontré et filmé Noël Genteur, agriculteur à Craonne sur le Chemin des Dames interview de Noël Genteur.

Parution : Les Mains dans « la paperasse des pauvres »

Mélanges en l’honneur de Christian Chevandier

L’historien Christian Chevandier fut très proche du CRID 14-18. Il participa à nos colloques ; il vint plusieurs fois à nos manifestations à Craonne.

A l’initiative de Jean-Noël Castorio, ses collègues lui ont offert un volume d’hommage publié par les Classiques Garnier. (voir la présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur)

La plupart des textes évoquent les catégories sociales sur lesquelles Christian a multiplié livres et articles. En envoyant une uchronie sur la guerre de 1914, Rémy Cazals se demandait comment elle serait reçue dans un livre très sérieux. La préface d’Antoine Prost considérant cette uchronie comme « une fiction pleine d’humour et de sens », nous pouvons donc en conseiller la lecture. Parmi les autres textes signalons ceux d’Olaf Mueller, de Nicolas Offenstadt et de John Barzman.

Parution : « Marie-Louise Puech. Pacifisme, Féminisme, Résistance », par Rémy Cazals

Dans cette biographie de Marie-Louise Puech (1876-1966), un pilier de la revue La Paix par le Droit, deux chapitres concernent son activité pendant la Première Guerre mondiale. Le livre est publié aux éditions Ampelos (voir la présentation du livre sur le site de l’éditeur)

Mémoires de jeunesse de Vera Brittain (Testament of Youth, 1933)

Les Mémoires de jeunesse de Vera Brittain (Testament of Youth, 1933) ont rencontré un grand succès d’édition en leur temps et ont fait l’objet de plusieurs adaptations à l’écran ; cette traduction de qualité (J. Kamoun et G. Jamin) met enfin à la disposition des lectrices et lecteurs français cette publication des éditions Viviane Hamy (2023). Vera Brittain (1893 – 1970), née dans une famille bourgeoise britannique, entame contre son milieu des études à Oxford, puis devient infirmière volontaire de 1915 jusqu’à la fin de la guerre. Féministe, elle est après-guerre pacifiste, européenne, et se rapproche du parti travailliste, tout en vivant de sa plume comme journaliste et écrivaine. Le livre n’est pas qu’un simple récit de guerre, il s’agit d’une autobiographie depuis l’enfance jusqu’à 1925, même si l’expérience du conflit est centrale. Comme équivalent français (une soignante, féministe et future européenne), on pense au premier tome des Mémoires d’une européenne de Louise Weiss, mais celle-ci est tout feu tout flamme, alors que Vera Brittain est toute en interrogations et intériorité. La qualité du livre est liée à une narration à la première personne, toute faite de franchise et d’épanchement sur ses doutes puis ses décisions, et met en scène une jeune femme racontant son émancipation progressive, ses souffrances et ses combats. C’est aussi une histoire d’amour, et l’originalité du ton de l’autrice fait que l’on hésite souvent entre la catégorie du récit historique et celle du romanesque : c’est en fait un vrai Bildungsroman, au ton réfléchi et plein de finesse. Aussi, sans « spoiler », je conseillerais de lire d’abord le livre sans consulter par avance aucune explication ni étude – il en existe de nombreuses –, pour profiter de ce plaisir de lecture et de cette belle expérience littéraire.

Vincent Suard