D’une famille alsacienne juive ayant opté pour la France en 1871, fils de l’historien Gustave Bloch, Marc Bloch est né à Lyon le 6 juillet 1886. Lui aussi s’est dirigé vers le métier d’historien, passant par l’ENS et l’agrégation. En 1914, il est professeur au lycée d’Amiens ; il a déjà écrit des articles d’histoire médiévale et sa thèse est en cours. Sergent au 272e RI dans la Meuse, il fait la retraite et la Marne et s’installe dans la guerre de position en Argonne. Adjudant en novembre 1914, il est évacué pour cause de typhoïde de janvier à juin 1915. En Argonne avec le 72e jusqu’en juillet 1916, il échappe à l’offensive de Champagne de septembre 1915 et à Verdun. En mars 1916, il est nommé sous-lieutenant. Il participe à l’offensive de la Somme. De janvier à mars 1917, il est en Algérie, du côté de Constantine. En juin, sur le Chemin des Dames. En août, lieutenant, il est officier de renseignements. Il finit la guerre comme capitaine.
Ses « écrits de guerre 1914-1918 » sont très divers : des carnets contenant des notes laconiques ; des rapports en style officiel, rédigés par lui, mais signés par le colonel ; quelques lettres, dont des testaments à envoyer à sa famille en cas de décès ; des listes de livres à lire, ce qui montre qu’il n’avait pas oublié son projet intellectuel ; des souvenirs rédigés en 1915 ; un article de réflexion publié en 1921. Les « Souvenirs » ont été écrits pendant sa convalescence, « avant que le temps n’efface leurs couleurs aujourd’hui si fraîches et si vives ». Ils montrent d’abord le Paris de la mobilisation, paisible, solennel : « la tristesse qui était au fond de tous les cœurs ne s’étalait point » ; « les hommes pour la plupart n’étaient pas gais ; ils étaient résolus, ce qui vaut mieux ». Dans la retraite, le « cruel tableau » de l’exode des paysans, les pillages, la vie dans la boue, le 75 qui tire trop court, autant de notations présentes dans les carnets des fantassins. Concernant les chefs, Marc Bloch note qu’il ne connaît « qu’un moyen de persuader une troupe de braver un péril : c’est de le braver soi-même ». « Comme tout le monde, ajoute-t-il, j’ai constaté l’extrême insuffisance de notre préparation matérielle et de notre enseignement militaire. » Et : « Je n’ai pas toujours été content de tous les officiers. Je les ai trouvés parfois médiocrement attentifs au bien-être de leurs soldats, trop ignorants de la vie matérielle des hommes et trop peu désireux de la connaître. »
Dans la liste des livres à lire, figure celui de Fernand van Langenhove, Comment naît un cycle de légendes. Francs-Tireurs et atrocités en Belgique (Paris, 1916). Cet ouvrage et quelques autres ont servi de base à l’article de Marc Bloch, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », paru dans la Revue de synthèse historique en 1921. Dans l’histoire, dit-il, de faux récits ont été capables de soulever des foules. Or, la guerre de 1914-18 peut être considérée comme « une sorte de vaste expérience » en ce domaine, qui montre qu’une légende ne se crée que si l’erreur trouve « dans la société où elle se répand un bouillon de culture favorable ». Dans le cas de la guerre récente, il faut souligner le rôle de l’émotion et de la fatigue qui affaiblissent le sens critique, de la censure et du bourrage de crâne qui perturbent le sens du vrai et du faux, mais aussi le « renouveau prodigieux de la tradition orale » et l’importance des lieux de rencontre, notamment les cuisines qui furent comme « l’agora » du petit monde des tranchées.
Même s’il n’est pas possible de le développer ici, il est clair que l’œuvre historique ultérieure de Marc Bloch fut marquée par son expérience de la guerre, qu’il s’agisse de l’étude topographique des paysages ruraux ou de la réflexion comparative sur la défaite de 1940. Résistant sous l’Occupation, Marc Bloch fut pris par les Allemands et fusillé le 16 juin 1944, dix jours après le Débarquement.
RC
*Marc Bloch, Écrits de guerre 1914-1918, textes réunis et présentés par Étienne Bloch, introduction de Stéphane Audoin-Rouzeau, Paris, Armand Colin, 1997, illustrations.
*Olivier Dumoulin, Marc Bloch, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.
Dardant, Louis (1890-1982)
Originaire de Châteauponsac (Haute-Vienne), il s’engage à 18 ans au 138e RI où il devient sergent. Il passe en 1912 au 4e Zouaves de Tunis, troupe de choc avec laquelle il fait la guerre de 1914-1918 : la retraite de 1914 (il est blessé le 7 septembre), les tranchées de Nieuport de janvier 1915 à avril 1916 (il est promu sous-lieutenant en mai 1915), Verdun, l’offensive d’avril 1917 vers Craonne et Hurtebise, l’attaque d’octobre sur la Malmaison (où il est à nouveau blessé). Il termine sa carrière militaire comme commandant. À l’âge de 83 ans, il décide d’écrire ses mémoires de combattant de 14-18 à l’intention de ses descendants. Disposant de peu de documents personnels et ses souvenirs étant « estompés », il puise largement dans l’Historique du régiment. Ces emprunts représentent 46 % de son texte ; ils apparaissent en italiques dans la publication. Ils concernent aussi bien les opérations que la vie quotidienne et « l’état d’esprit » du régiment, ce qui donne à ce texte, comme le souligne le présentateur, une tonalité « perpétuellement martiale ». Notons que Charles Gueugnier (voir notice) appartenait au 4e Zouaves, mais son témoignage de guerre ne porte que sur sa captivité en Allemagne.
RC
*Destins ordinaires dans la Grande Guerre, Un brancardier, un zouave, une religieuse, Presses universitaires de Limoges, 2012, p. 135-247.
Détrie, Paul (1872-1962)
Né à Oran dans une famille de tradition militaire, Paul Détrie intègre Saint Cyr et, comme officier de carrière, reçoit plusieurs affectations avant 1914 dans les colonies ou en métropole. Successivement capitaine, commandant d’un bataillon d’infanterie puis du 2e BCP, puis lieutenant-colonel du 94e RI, il connaît tous les secteurs du front ou presque jusqu’en 1918 et témoigne dans sa correspondance partiellement publiée des grandes batailles comme des offensives limitées depuis le Nord de la France jusqu’à l’Alsace, de Verdun à la Somme en passant par l’Aisne. Documents de première main, ses lettres apparaissent comme un reflet de son expérience personnelle de militaire, d’officier et de combattant : « Cette correspondance constitue en quelque sorte, un véritable carnet de campagne, puisque je te confie très détaillées, mes impressions journalières et mille incidents de notre vie », écrit-il à son épouse en mars 1915.
Que retenir de ce volumineux fonds épistolaire ? Avant tout, il faut remarquer que nous avons accès ici au témoignage d’un cadre de l’infanterie, militaire de carrière qui termine la guerre comme officier supérieur. Il permet la comparaison avec d’autres récits, comme celui par exemple du lettré et civil Charles Delvert, officier de réserve devenu commandant pendant le conflit, ou avec les souvenirs d’Alphonse Thuillier, simple soldat de première classe du 94e RI, qui perçoit une guerre davantage « au ras du sol », au cœur de la troupe.
Sur le fond, et en comparant son carnet et sa correspondance du début de la guerre, on peut remarquer que Détrie use beaucoup d’autocensure dans les lettres destinées à sa femme en particulier dans les premières semaines de la guerre, insistant sur l’excellente tenue du moral et l’attitude des hommes. Blessé par éclat d’obus à la fin du mois de septembre 1914, il reprend les tranchées en février 1915 comme chef de bataillon, mais ses textes restent emprunts d’une grande humanité, vis-à-vis de « ses hommes » comme des Allemands, qu’il appellera « Boches » plus tardivement dans la guerre. La guerre, pourvoyeuse de morts et de misères, ne doit pas être abordée avec haine selon l’épistolier. Elle fait partie de la condition humaine, elle est une épreuve que l’homme doit surmonter. Paul Détrie apparaît ainsi comme un humaniste, organisant le monde en catégories bien tranchées. Il déploie un certain paternalisme vis-à-vis de « ses » soldats : « Les hommes ont beaucoup de mérite à faire si bonne figure », écrit-il par exemple le 26 février 1915. En parallèle de son activité, il mène une réflexion appuyée sur le commandement jugé par lui difficile dans la guerre de tranchée qui rend « l’action du chef à peu près nulle ». Sur la justice militaire, se trouvant du côté de l’accusation, il souligne que « le devoir est dur à remplir », mais le Salut de la patrie est en question écrit-il (p. 68). Cette dernière lettre, très nuancée, doit être à lire pour ceux qui s’intéressent ou travaillent sur cette question. De la même manière, il s’oppose aux gradés de l’arrière qui ne connaissent pas le service des premières lignes, et ne distinguent pas assez ceux qui meurt « sur le front » (p. 131, lettre du 5 novembre 1915). Son témoignage sur ce monde des cadres, tout sauf monolithique, mérite d’être lu et analysé.
A côté de ces observations, Paul Détrie évoque longuement des détails sur l’organisation du front et les unités successives qu’il commande, la place des gradés et la sociabilité des « Chefs » qui sont ses camarades. On lit également la transformation du discours en fonction de ses grades successifs. Témoin des grandes offensives de la guerre, il rallie Verdun en février 1916 où son unité est dépêchée en catastrophe. La bataille est dépeinte comme une « fournaise ». Il n’épargne alors aucune description à son épouse : les paysages dévastés, la souffrance endurée, et souligne son « admiration sans bornes pour nos petits soldats » (mars 1916). C’est enfin à travers son témoignage, le turn-over incessant des officiers sous ses ordres, en raison de mutations, de blessures et le plus souvent de décès. Il prend ainsi le commandement du 94e R.I. en septembre 1916 après 30 officiers manquants.
Enfin, Paul Détrie offre matière à étudier le couple en guerre. De ses lettres sourdent en effet le poids de l’absence, la douleur causée par l’éloignement. Il se rassure en sachant sa famille à l’abri, s’enquiert de l’éducation des enfants et s’emploie à faire parvenir aux siens sucre et farine au printemps 1918 quand les restrictions s’amplifient. Il développe des discussions poussées avec sa femme par le biais de cette abondante correspondance pensée comme un puissant lien amoureux (veuvage et «devoirs respectifs » par exemple dans une lettre du 28 juillet 1916 – p. 207). Il partage ses lectures et des réflexions même très militaires avec son épouse. La famille prend ainsi une place décisive à côté du devoir militaire, du service, et de la fierté pour Détrie de commander des unités efficaces (avance maximale en avril 1917 devant Berry-au-Bac). Ainsi se dessine pour l’historien, «l’esprit militaire » qui anime ce cadre supérieur de l’armée baigné de culture militaire, immergé dans la guerre. En date du 11 novembre 1918 et évoquant l’idée de victoire, il écrit : « Nous sommes trop plongés dans l’ambiance habituelle de ces quatre ans de guerre, pour pouvoir dégager complètement des impressions qu’elle comporte. » D’autant que pour le 94e R.I., la guerre se terminera plusieurs mois plus tard après la réoccupation de l’Alsace et le défilé de la Victoire sur les Champs Elysées le 14 juillet 1919.
Bibliographie :
DÉTRIE Paul (général), Lettres du front à sa femme (5 août 1914 – 26 février 1919), Grenoble, Point Com’ Editions, 1995, 583 p.
THUILLIER Alphonse, Un bleuet du 94e R.I., dactylographié relié, UNC Seine-Maritime, 1981, 195 p.
Lafon Alexandre, juin 2012
Lagasquie, Félix (1866-1941)
Fils de médecin, Félix Laqasquie est né à Marcilhac (Lot) le 23 juillet 1866. Entré à Saint-Cyr, il est devenu officier et a fait un séjour en Algérie. Marié en 1902, il a trois enfants lors de la mobilisation qui le trouve chef de bataillon au 366e RI. Il tient d’abord un carnet sur lequel, le 8 août, il écrit qu’il se sent tout à fait à l’aise dans son commandement de temps de guerre, tellement il a lu, réfléchi et manœuvré. Blessé à la jambe par shrapnel le 25 août, il abandonne le carnet, et son témoignage est désormais entièrement contenu dans les lettres à sa femme et à ses enfants qu’il demande de conserver pour constituer des « archives » de guerre. C’est la raison pour laquelle il n’hésite pas à reproduire, à destination de sa femme, les histoires paillardes racontées par tel autre officier. Il est très souvent critique vis-à-vis des ordres absurdes donnés trop loin des lignes, des Anglais et des troupes hindoues, des travailleurs italiens pris à partie par les poilus, des Chinois peureux, plus tard des Américains peu efficaces. A propos de décorations non méritées : « C’est se moquer du monde. » Certains généraux et officiers trouvent grâce devant lui, mais ni les journalistes, ni surtout les parlementaires qui essaient « de limiter la puissance répressive des Conseils de guerre » et qui sont les vrais responsables des difficultés à Verdun. Ayant tenu garnison en cette ville, il décrit les destructions subies en 1916 et 1917.
La partie la plus originale concerne la période d’octobre 1915 à octobre 1916, quand il est commandant du camp de Châlons avec le grade de lieutenant-colonel. Il doit y accueillir les troupes russes et les préserver de tout ce qui se boit, en particulier l’eau de Cologne. Leur général, Lokhwitzky, « est un homme d’une rare distinction, de haute intelligence et tout à fait charmant. Si les Russes en ont beaucoup comme lui, mais j’en doute, les Allemands sont fichus, aujourd’hui ou demain, quand ils auront du matériel de guerre. » Commander le camp donne beaucoup de pouvoir, y compris celui d’ouvrir une maison publique, mais on est loin de la gloire et de l’avancement. Il revient alors dans une unité du front où il regrette son ancien confort, mais il y a « le soldat Bauger, qui nous sert à table » et les parties de bridge avec les officiers. En décembre 1916, il adresse à ses enfants, dans un style « paternel » dédramatisé, une description du système des tranchées, et se félicite d’avoir eu les honneurs du communiqué pour un coup de main réussi. Plus tard, en avril 1918, il raconte sa visite à la tombe du baron von Richthoffen, fleurie par les aviateurs britanniques. Enfin, il incite ses enfants à garder pour toujours le souvenir du 11 novembre, fin de « la plus grande et de la plus meurtrière Guerre du Monde ».
RC
*« La guerre sans gloire », transcription du témoignage de Félix Lagasquie par ses petits-enfants, exemplaire déposé aux Archives du Lot.
Desagneaux, Henri (1878-1969)
1. Le témoin
Henri Desagneaux est né le 24 septembre 1878 à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne). Il fait ses études à la capitale, au collège Massillon, et devient juriste, attaché au Contentieux de la Compagnie des Chemins de Fer de l’Est. Lieutenant de réserve, son ordre de mobilisation prévoit qu’il rejoigne le service des étapes et des chemins de fer à Gray (Haute-Saône). Il débute la guerre dans son domaine et est réaffecté en janvier 1916 dans une unité combattante. Entre-deux-guerres, il devient conseiller municipal, adjoint au maire de Nogent, de 1920 à 1942, après une courte période de remobilisation comme chef de bataillon de réserve pour la campagne 1939-1940. Il a au moins un fils, Jean, qui publie ses souvenirs. Henri Desagneaux meurt le 30 novembre 1969.
2. Le témoignage
Desagneaux, Henri, Journal de guerre. 14-18. Paris, Denoël, 1971, 291 pages.
L’ouvrage a été traduit en anglais sous le titre A French Soldier’s War Diary, Elmsfield Press, en 1975.
Le vendredi 31 juillet 1914, à la Compagnie des Chemins de Fer de l’Est, l’ambiance est mêlée d’anxiété quand survient l’ordre de transporter les troupes à la frontière. La France est menacée ; c’est le début d’une gigantesque guerre européenne dans laquelle Henri Desagneaux, alors lieutenant de réserve dans le service des étapes et des chemins de fer à Gray, devra prendre sa place. Pour l’heure, le 3 août, il assure son poste ferroviaire et prend la conduite des trains de ravitaillement. Il rapporte de suite le grand bouleversement des peuples et des choses, des hommes qui partent au front, remplaçant d’autres qui en reviennent dans des trains de blessés. Il entend les invraisemblances des bruits populaires et note les détails de la fourmilière qui l’entoure. Le 18, la mobilisation ferroviaire est terminée alors que s’engage le choc de la bataille des frontières. Le 20 août, il prend un train qui l’emmène à Badonviller et s’approche alors du front, dont il peut sentir le souffle de mort. Il rapporte ses visions de blessés et se fait le vecteur des horreurs boches inventées dans le sein populaire alors que l’ennemi recule. Mais c’est bientôt la retraite d’août, prélude à la bataille d’arrêt qui borde, en terre lorraine, la Marne.
La guerre s’est installée quand Desagneaux apprend sa nomination, à la veille de 1915, au poste d’adjoint au commissaire régulateur de Gray, puis de Besançon. Décideur, il endosse et rapporte alors les fonctions bureaucratiques mais effervescentes qui permettent l’écoulement des besoins d’une armée et le glissement des divisions. Le travail est intense mais monotone et insipide et l’année 15 se passe à compter les trains et leur contenu, hétéroclite ou tragique.
Le 1er décembre 1915, une loi prend naissance pour réintégrer dans leur arme les officiers de chemin de fer de moins de 40 ans. Le 10 janvier, il quitte son « service fastidieux et si peu récompensé ». Il est affecté au 359e RI de la 129e DI et part sans regret aucun au centre d’instruction des commandants de compagnie à Remiremont, dans les Vosges. Après des débuts difficiles – il n’est pas annoncé, n’a pas d’ordres -, il suit un mois de cours intensifs et intègre un secteur en Lorraine le 16 février 1916. Là aussi, il n’y pas de place pour lui mais reçoit toutefois une affectation à la 22e compagnie du 6e bataillon du 359e RI. L’accueil qu’il reçoit est froid et il juge sans complaisance ses nouveaux subordonnés, de tous grades, mais aussi le désordre qu’il constate. Quand éclate l’orage sur Verdun, la division est en réserve en Lorraine, sur la Seille, à Arraye-et-Han. L’activité y est peu importante et les coups de main ne servent qu’à attraper du poisson dans la rivière.
Le 31 mai 1916, c’est Verdun et le fort de Vaux dans la fournaise, domaine d’une artillerie toute puissance qui fait tout trembler, même les « gens avec la croix de guerre » ! Les nuits, les jours sont terribles ; « on vit dans le sang, dans la folie »… « A la 24e compagnie, deux hommes se suicident ». Et Desagneaux de décrire l’enfer et l’hécatombe, les blessés devenus fous qui veulent que leur lieutenant les délivrent à jamais…
Le 5 juillet, le lieutenant Desagneaux passe capitaine à titre définitif, nomination agrémentée d’une citation. Le 14, il est au Bois le Prêtre où le crapouillotage n’est pas moins virulent. Il quitte ce secteur pour une période de manœuvres au camp de Bois l’Evêque.
C’est ensuite – le 20 novembre 1916 – la Somme où une attaque est prévue puis ajournée. Dès lors, l’activité est moindre mais les conditions climatiques d’une pluie quasi perpétuelle liquéfient le moral. Le 11 janvier 1917, Desagneaux n’est pas mécontent de quitter ce secteur pour intégrer le Groupe d’Armée de Rupture, qui sera chargé, avec 400 000 hommes de réaliser une percée.
Pour l’instant et après un voyage de 42 heures, il arrive à nouveau dans les Vosges, à Corcieux, où ne règnent plus le bruit et la boue, mais le froid persiste. Il va connaître un autre type de guerre à la Chapelotte, dernier contrefort vosgien au nord du massif montagneux, en Meurthe-et-Moselle ; la guerre de mines. Le secteur est considéré comme important et le travail n’y manque pas. En effet, le colonel veut des prisonniers ; il faut donc multiplier les coups de main. Préparés à l’arrière par des officiers hors de propos, ils sont systématiquement coûteux et infructueux.
Le mois de mai le renvoie à l’exercice à l’arrière mais « l’esprit de la troupe devient de plus en plus mauvais ». Les mutineries pointent alors que le 359e monte maintenant au Chemin des Dames, à la Royère, où c’est de nouveau le règne du bombardement. Là se produiront les attaques allemandes de juin et juillet devant des troupes débandées qui refusent parfois d’attaquer (comme les 120e et 121e BCP les 22-23 juin). Les troupes environnant notre capitaine ne seront pas à la hauteur, tâche indélébile aux yeux des décideurs de l’arrière. Mais le régiment est tout de même exsangue et Pétain, grand sauveur de l’armée en dérive, se révèle à Desagneaux être une « triple brute » ! Dès lors, la rétorsion s’abat sur le régiment : les citations sont systématiquement refusées, les exercices, les revues et les brimades s’y multiplient, les hommes sont traités comme des bêtes avant la remontée en ligne à Cœuvres puis, à la fin de juillet 1917 dans le secteur de Vauxaillon où l’enfer reprend, où « il faut vous habituer à vivre dans la merde ».
1917 s’achève en travaux et en soutien de l’armée anglaise à Champs, dans la Somme, qui s’est calmée depuis son précédent séjour, terrible. Il creuse, plante des piquets ou attend, dans le froid et la neige.
1918 commence également dans le froid mais sur un autre front où il arrive le 4 février à Saint-Ulrich en Alsace. Là, il travaille encore la terre. En effet, secteur réputé calme, l’Alsace voit venir nombre de politiques et de militaires qui viennent « sur le front ». Le capitaine Desagneaux change d’affectation. Il quitte sa 21ème compagnie le 28 avril et est nommé capitaine adjudant-major, adjoint au commandant du 5e bataillon. La division retourne bientôt sur la Somme où elle reste en réserve de l’armée britannique, en alerte, puis entre en Belgique dans le secteur du Kemmel au nord-ouest d’Armentières. Là, la bataille fait rage et l’espoir d’être relevé ne s’allie qu’à l’idée d’atteindre 60 % de pertes. Les attaques se succèdent et chaque jour passé est une victoire sur la mort. Le 20 mai 1918, c’est l’attaque qui combine l’artillerie et les gaz et les heures terribles d’angoisse.
Le 11 juin 1918, une nouvelle terrible attaque, aidée de tanks, secoue le capitaine Desagneaux et sa compagnie. Les pertes sont considérables mais insuffisantes et l’été se succède en coups de mains. Cet été si terrible pour les Allemands, se passe dans l’Oise, à Courcelles. L’Allemagne lâche pied, c’est la poursuite et la continuation des attaques. Mais la division ne quitte pas le secteur, elle est en ligne depuis juin et a avancé de 30 à 35 kilomètres avant d’enfin, le 5 septembre, quitter le champ de batailles qui a vu tomber tant des siens.
Le 7 septembre, il revient en Lorraine. Les victoires françaises se multiplient et c’est là que le coup de grâce doit être donné. Après une permission de 16 jours, Desagneaux fait retour dans un régiment dissous (le 4 octobre 1918). Il est appelé à la fonction d’adjoint au colonel et est chargé de préparer les coups de mains de l’attaque de novembre, conjointe avec les Américains, soit 600 000 hommes en ligne. L’artillerie s’amasse, le général Mangin est annoncé dans le secteur, quand les plénipotentiaires allemands s’avancent dans le Nord. Il apprend dans la liesse l’Armistice et note qu’il peut maintenant dormir sans entendre le bruit du canon. Le 17 novembre, Desagneaux entre en Lorraine annexée près d’Arracourt et débute une occupation morne avant d’être démobilisé, sans joie, le 30 janvier 1919.
3. Résumé et analyse
Henri Desagneaux livre au lecteur et à l’historien un témoignage brut, dur, dense et précis, tant dans la psychologie du combattant que dans l’horreur vécue, décrite sans fard et sans autocensure. Jean Desagneaux, son fils, à qui l’on doit cette publication, nous renseigne peu sur l’auteur mais indique que ses notes n’ont subi aucune modification postérieure : « elles sont là telles que chaque jour elle furent notées sur le carnet. Plus tard le Capitaine Desagneaux en les recopiant leur adjoint des coupures de presse qui venaient les compléter ou les recouper ». Un journal aide-mémoire donc, qui permit à l’auteur de « prendre conscience de ce qu’il vivait », un moyen d’être sûr qu’il ne devient pas fou (page 8).
La première année de guerre, vécue dans le chemin de fer est une année d’attente. L’auteur est un témoin éloigné des choses du front, aussi il relaye à l’envi les psychoses et les ragots d’août 1914, à défaut d’un véritable intérêt dans l’emploi qu’il occupe. Ainsi, les deux premiers chapitres qui couvrent la première année de guerre, du 2 août 1914 au 10 novembre 1915, ne couvrent que 38 pages.
Début 1916, son affectation dans le 359ème R.I., régiment d’active, sans cesse à la peine, va plonger l’auteur dans un enfer perpétuel de mort et de souffrance. Sans souci de style Desagneaux reporte cette horreur et introduit le lecteur « in situ », dans la tranchée invivable, le froid, la boue, les gaz, les râles et le sang. Dès lors, il livre un excellent témoignage, dont on trouve des similitudes d’intensités avec celui de Dominique Richert (il passe d’ailleurs à Saint-Ulrich, village du poilu alsacien) par le réalisme des descriptions d’attaques.
Henri Desagneaux est de surcroît un officier de réserve, lieutenant puis capitaine ; il n’en a donc pas la retenue militaire et ne se prive ainsi pas dans la description de ses sentiments sur les hommes et les choses militaires qui l’entourent. Sans souci de pondération, il écrit dans ses notes ce qu’il ressent et chacune des inepties qu’il rencontre est rapportée avec zèle. Officiers, techniques, moral, habitudes typiquement françaises sont critiquées au même titre que la gestion déplorable des hommes, tant dans l’attaque, en tout temps, que dans la crise morale de 1917. Desagneaux confirme et enfonce le clou ; le soldat craque, se suicide avant l’attaque, râle en implorant qu’on l’achève, souffre plus que le supportable, mais le soldat est aussi sale, voleur, là où l’officier d’active est planqué et le commandement incompétent et loin de toute réalité. Autant de personnages décrits avec réalisme dans leur diversité. Ce sont donc trois années de guerre qui sont bien décrites, de 1916 à 1918 où Desagneaux, en témoin honnête, déroule sa vie de soldat, dure et teintée de profond dégoût.
Ainsi, l’ouvrage offre une multitude d’anecdotes, de détails et de tableaux sur la guerre dans les différents milieux côtoyés par l’auteur. Les renseignements sur les hommes, bruts et sans retouche littéraire, sont à privilégier. A noter aussi de très bonnes descriptions psychologiques de l’attaque.
En bon agent de chemin de fer, les premières pages en témoignent. Desagneaux déplore ainsi les rames superbes du Paris-Vienne dégradées par la « destruction française » (page 16) et relève la moyenne des trains à la mobilisation ; 2,5 km/h. Il relève les inscription sur les trains (page 18) et la mort de notables en auto, tués par des G.V.C. dans lesquels il y a trop d’alcooliques (page 19). Il relève qu’il y a trop de non-combattants à l’arrière (page 21), les carences dans l’organisation du transport des blessés et du ravitaillement (page 21) et voit arriver au front les voitures hétéroclites de livraisons des magasins parisiens (page 23) mais au final, il conclut pour cette période, le 18 août 1914 : « La mobilisation est terminée ; le tout, au point de vue chemin de fer, s’est passé avec une régularité parfaite, avec un retard de 2 heures sur l’ensemble des 18 jours, pour l’horaire établi » (page 24). Plus loin, il compare la régulation effectuée et le chiffre des denrées transportées pour une armée dans le premier Noël de guerre (page 41).
Sa tâche effectuée, il devient plus critique envers ce qui l’entoure. Il commence, comme tant d’autres, par éreinter le XVe corps dont il dénonce la lâcheté (pages 30 et 37) et les exactions (page 37). Sa rancune semble tenace car il reviendra sur ces « Lâches ! gens du midi » en juin 1918 (page 240). Constatant un grand nombre d’automutilation et de blessures à la main des soldats pour quitter le front (pages 33 et 35), il fustige rapidement le service de santé entre anarchie médicale et débauche (page 34), voyant 180 médecins en réserve à Gray, au comportement écœurant (page 37). Volontiers colporteur d’espionnite, une usine allemande de chaux à Ceintrey, devient une base arrière allemande (page 38). Réaliste, il indique à plusieurs reprises dans son récit la réalité des ordres donnés d’en haut. En avril 1916, il note : « les généraux n’ont tien à mettre sur leur rapport quotidien, alors le même refrain revient chaque jour : faire des prisonniers. On envoie des patrouilles sans succès, cela se passe généralement à aller pêcher du poisson dans la Seille à coups de grenades. Le lendemain, on fait un rapport et on recommence » (page 66). Il relève l’ineptie des travaux commandés selon les unités successives (page 67) mais, arrivé à Verdun, la réalité change : « C’est une lutte d’extermination, l’homme contre le canon. Aucune tactique, la ruée totale » (page 77), « on vit dans le sang, dans la folie » (page 85), pour déféquer, « il faut faire dans une gamelle ou dans une pelle, et jeter cela par-dessus notre trou » (page 84) et « à la 24ème compagnie, deux hommes se suicident » (page 86). Il n’est pas étonnant qu’il reporte le rêve des soldats de la bonne blessure : « On en vient à souhaiter, la mort non, mais la blessure de chacun pour être partis plus vite. (…) L’un abandonne une main, l’autre fait cadeau de son bras, pourvu que ce soit le gauche, un autre va jusqu’à la jambe. » « Quelle vie ! de faire à chaque instant l’abandon d’un membre pour avoir la possibilité de revenir » (pages 201 et 202).
Verdun quittée, le calme revient. Desagneaux évoque dans son secteur (Bois-le-Prêtre) des fraternisations et des échanges de cigarettes (page 95) et voit revenir des notes idiotes comme des inventions inutiles comme les gargarisme contre la diphtérie (page 101). Il note en avril 17 une augmentation de la désertion (page 102) et de l’alcoolisme (pages 102, 121 et 130)et donc une augmentation des conseils de guerre le 3 avril 17. C’est le départ des mutineries qu’il constate et pour lesquelles il est très prolixe puisqu’il y consacre 36 pages (pages 129 à 155).
Bien qu’officier, il n’est pas tendre avec sa hiérarchie amont. Sur une note de colonel, il commente : « la première ligne doit être attractive et non répulsive », toutefois, on ne le voit jamais au front (page 118). Et Pétain, qui a rassemblé ses officiers : c’est une « brute, triple brute (…) [il] ne s’est pas montré un grand chef, tout au moins pas humain » page 151). Plus loin, il accuse un colonel peureux, qui organise toutes les batailles pour sa seule protection ! (page 247) et voit un officier saoul pour l’attaque (page 258). Proposé pour la légion d’honneur, il apprend même, le 10 août 1918, « qu’à la division on ne peut avoir cette récompense que si l’on a été mutilé ! » (page 263). Son amertume grandit ainsi avec l’exercice du commandement sous le feu, tellement différent du « badernisme » (page 275) et devant les pertes que son unité subit en 4 mois (pages 269 et 270). Desagneaux grogne ! Il râle contre la paperasserie inutile (page 192), les citations aux hommes… de l’arrière (page 160), le gâchis, suite à un ordre d’allègement des sacs (page 191), contre les embusqués (page 213) une attaque sans morts … à refaire ! (page 255) ou contre le gendarme qui chasse le braconnier, mais pas sur le front. ! (page 282).
Outre sa mauvaise humeur permanente, nombreuses sont ses descriptions aussi justes que dantesques : une corvée de soupe effroyable sous les obus (page 204), un PC devant le Kemmel (page 208), l’illustration d’une attaque, minute par minute (page 215 ou 234). Ponctuée de tableaux horribles, il décrit horrifié différents visages de morts mutilés (page 248), le résultat dantesque pour les occupants d’une automitrailleuse prise sous des balles anti-chars (page 261) ou, horreur de l’horreur, un homme cadavre vivant (page 267).
L’ouvrage présente au final un intérêt testimonial formidable, rehaussé d’une présentation originale insérant le communiqué officiel ou l’article de presse dans sa situation chronologique, démontrant le fossé entre la réalité et le quotidien du soldat. Sont insérées également en marge des photos, connues ou inédites, malheureusement trop petites et tronquées toutefois.
Yann Prouillet, CRID14-18, janvier 2012.
Cornet-Auquier, André (1887-1916)
Hector, Fréderic, Arthur, André Cornet-Auquier est né le 2 juillet 1887 à Nauroy dans l’Aisne, dans une famille protestante – son père est pasteur à Chalon-sur-Saône) dont il cultivera très tôt la foi. Il fait ses études au collège de Chalon et au lycée Ampère de Lyon, où il cultive le goût des arts, de la poésie, de la musique, du chant et des « grandes œuvres de Dieu » de la nature. Il fait des études supérieures à l’université de Dijon et devient professeur en Angleterre, à Glasgow. C’est à Colwyn-Bay au Pays de Galles que la guerre le rappelle en France, le 2 août 1914. Il a fait son service militaire à Dijon et est sous-lieutenant de réserve au 133e régiment d’infanterie de Belley (Ain). Passé capitaine, commandant de compagnie le 12 septembre 1914, il est mortellement blessé dans les Vosges et meurt à l’hôpital de Saint-Dié le 2 mars 1916 à l’âge de 28 ans. Il a été décoré de la croix de guerre et fait chevalier de la Légion d’Honneur.
2. Le témoignage
Cornet-Auquier, André, Un soldat sans peur et sans reproche. Pages dédiées aux jeunes, pour leur servir d’exemple en mémoire de André Cornet-Auquier, capitaine au 133e régiment d’infanterie. Chevalier de la Légion d’Honneur, décoré de la croix de guerre, mort pour la France à l’âge de 28 ans. Extraits de sa correspondance et discours prononcé par le Pasteur H. Gambier dans le Temple de Chalon-sur-Saône à l’occasion du service funèbre commémoratif. Chalon-sur-Saône, imprimerie Générale et Administrative, 1917, 61 pages. Seules les pages 23 à 61 reprennent les extraits de la correspondance de l’officier.
Après une présentation panégyrique familiale dans laquelle la grande piété du capitaine Cornet-Auquier est mise en avant, mais aussi un caractère boute-en-train, un long discours prononcé par le pasteur Gambier dans le temple de Chalon-sur-Saône lors d’un service commémoratif qui s’est tenu le 16 mars 1916, est reproduit. Il glorifie, comme les témoignages succincts qui suivent, une « âme d’élite », pieuse et dévouée.
André Cornet-Auquier, sous-lieutenant au 133e RI, arrive en Alsace le 23 août 1914, quelques jours avant la retraite de la bataille des frontières qui le fixe dans le département des Vosges, au Ban-de-Sapt. Il passera lieutenant, puis capitaine, commandant la 1ère compagnie, et participera avec succès, en 1re ligne, aux affaires de Metzeral (15 juin 1915) et de la Fontenelle (8 juillet 1915) au cours desquels il côtoie sans égratignure la mort, donnant au lecteur, et peut-être à lui-même, un sentiment d’invulnérabilité. Blessé par éclat d’obus au ventre à Denipaire dans la nuit du 29 février au 1er mars 1916, son transport à Saint-Dié n’empêchera pas la mort du héros le lendemain.
3. Résumé et analyse
Les extraits les plus significatifs de ses lettres de guerre permettent de suivre pas à pas l’officier et de voir avec ses yeux la réalité des situations et des tableaux qu’il vit. Courtes ou plus disertes, il n’omet pas d’abord de rassurer sa famille avant de narrer ses combats avec un patriotisme exacerbé et une véritable haine de l’ennemi. Ainsi, dans une lettre datée du 27 octobre 1915, il déclare : « …malgré la forme humaine, ce ne sont pas des hommes qu’on a devant soi » (page 54).
Profondément pieux, il transparaît dans les extraits de la correspondance du capitaine Cornet-Auquier un mélange de piété et d’esprit de sacrifice exacerbé, faisant ainsi singulièrement passer dans son parcours militaire la guerre au second plan. Immédiatement, il teinte son témoignage du moralisme de sa culture ; ainsi, dès le 15 août, il fustige les cafetiers « saligauds qui font entrer nos hommes dans leurs établissements par des portes de derrière, pour les soûler » (page 21). Il constate, à son arrivée en Alsace, un histrionique sentiment francophile (page 22). Nommé commandant de compagnie, il dit son angoisse des fonctions de capitaine ; « la vie de tant d’hommes entre mes mains », à la fois sensible à la mort possible de ses hommes et « indifférent en présence de cadavres » (page 23). Il décrit d’ailleurs plus loin une affectivité décalée par la guerre : insensible à la vision de la décomposition, des blessures, des cadavres, de la mort, il l’est par « des récits émouvants, des paroles patriotiques, une action d’éclat, un élan de pitié » (page 26). Transcendé par la guerre, il dit de la tranchée qu’elle est une « cure contre la neurasthénie » (page 32), fait installer une piscine près de son poste de commandement (page 40) et a même des chats mascottes (page 41). Il est aussi transcendé par la victoire quand, le 16 juin 1915, « après la conquête de trois lignes de tranchées ennemies. Au moment où j’ai eu la sensation de la victoire, j’ai pleuré : la détente nerveuse » (page 43), trouve sa « crasse glorieuse » et les officiers prisonniers « arrogants à gifler » (page 45). Parfois plus prosaïque, il décrit le contenu des « petits paquets du soldat » (page 25), aime le côtoiement de femmes dorloteuses (page 28) ou les roses que lui envoie au front sa mère (page 40). Il souffre pourtant de cette carence affective : « rien, rien, rien pour le cœur » (page 56).
Mais l’ouvrage apparaît surtout sous un jour hagiographique, maladroit et hors de propos par ailleurs, et son intérêt documentaire devient alors trop ténu pour en faire un ouvrage de référence sur la guerre dans les Vosges. Certes, quelques descriptions et relations intéressantes permettent de le faire contribuer à l’étude de la Grande Guerre sur ce front et notamment à la vision de la bataille de juillet 1915 à la Fontenelle. Mais il convient de faire la part des comptes-rendus de gazette dont il se fait parfois rapporteur. Au final, outre quelques relations en rapport avec les évènements peu décrits par ailleurs de la guerre de tranchées dans les Vosges, peu d’enseignements sont à titrer des 40 pages d’extraits de lettres reproduites dans cette plaquette familiale et qui ne valent que par le front secondaire évoqué. Les correspondances incomplètes, et c’est par cela même que pêche cet ouvrage, d’André Cornet-Auquier présentent donc un intérêt documentaire limité. L’ouvrage, de présentation et de typographie médiocres, est illustré d’un portrait de l’officier.
Parcours géographique suivi par l’auteur (date) (page) :
Colwynbay (Angleterre) (3 août 1914) (21) – Chalon-sur-Saône (4 août) – Belley (6 – 15 août) – Alsace (23 août) – Vosges (4 septembre – 17 octobre) (23–25) – Ban-de-Sapt – Gemainfaing – la Fontenelle (17 octobre 1914 – 14 juin 1915) (25-41) – Metzeral (4 juin – 2 juillet) (42-47) – la Fontenelle – Denipaire (3 juillet 1915 – 29 février 1916) (47-61).
Liste des noms cités dans l’ouvrage (page) :
Lt-col Dayet (cdt du 133e RI) (26, sa mort, 34) – Defert, Farjat, Jacquier (29) – Barberot (cdt) (31-32-40-41, sa mort 45, 47) – Defert (ss-lt) (36) – Cornier (cpt) (39-43-45) – Guillemin (lt) (45) – Joffre (50) – Réjol Maurice (ss-lt) (sa mort, 51) – Paulus André (ss-lt) (51).
Yann Prouillet, CRID 14-18, janvier 2012
Une notice Cornet-Auquier figure dans le Témoins de Jean Norton Cru, p. 507-509.
Calvet, Jean (1889-1965)
Jean Calvet est surtout connu dans le Tarn comme principal fondateur et premier conservateur du musée Maurice et Eugénie de Guérin au château du Cayla, et comme maire de Gaillac de 1919 à 1959, avec interruption sous Vichy. Il fut également conseiller général et député socialiste de 1928 à 1932. Mais il avait 25 ans en 1914, il a fait la guerre et il en a témoigné.
Tous deux issus de familles de propriétaires fonciers de la région, ses parents se sont fixés à Gaillac où il est né le 25 février 1889. Il était fils unique et ses parents sont morts très tôt. Après le baccalauréat, il « monte » à Paris pour des études de Droit, puis effectue le service militaire au 80e RI de Narbonne de 1910 à 1912. Chrétien, il est influencé par le Sillon et Marc Sangnier qu’il connaît personnellement. Marié en avril 1913, il aura une fille unique. Lors de la mobilisation, monté sur une table de bistrot, il prononce un discours spontané pour « la Liberté des Peuples contre la brutale agression de Guillaume le sanguinaire », et il arrive au 80e le 4 août. Il est blessé le 7 septembre et évacué. À la fin de sa convalescence, il entre à l’école de Saint-Maixent en janvier 1916 et en sort aspirant. De retour au front, au 251e RI, il est à nouveau blessé en septembre 1917, et sa nomination comme lieutenant est confirmée à titre définitif en avril 1919.
Il a donné des récits de guerre au Mémorial de Gaillac, et les a repris en volume en 1920, annonçant que l’historien de la guerre « ne devra pas seulement s’attacher à l’étude de la tactique, du matériel, des facteurs économiques et diplomatiques ». « Il devra, encore, tenir compte de l’âme profonde des acteurs immédiats du drame, de la vie morale dont ils ont vécu, de la part de fatalisme ou de liberté qui entrait dans leur sacrifice, de la survivance des sentiments humains au moment où ils étaient poussés par l’instinct primitif des combats. » Marqué par sa culture chrétienne, ses premiers textes évoquent clairement une croisade, le caractère religieux ou sacré de la guerre, qui restera au cœur de sa pensée. Le deuxième départ est cependant moins enthousiaste : « On a trop souffert dans sa chair et dans son cœur de multiples blessures ; on a trop pleuré de morts. On sait trop. Il faut se raidir, pour retourner à la fournaise : il y faut plus d’héroïsme. » Officier, il a des responsabilités, notamment celle de remonter le moral, et aussi de ne pas laisser se développer les fraternisations, ainsi en mai 1916 en Soissonnais : « La nuit, nos sentinelles sortent de leurs abris, et, pour mieux écouter, se placent au bord de l’eau. Les Boches en font autant de leur côté. Parfois, des conversations s’engagent, où ces derniers mettent tout ce qu’ils ont appris de langue française depuis deux ans d’occupation de notre sol. C’est ainsi que hier ils nous ont annoncé le succès de l’offensive autrichienne contre les Italiens. Ils parlent aussi de leur lassitude, et de la misère de leurs familles. Quand un des nôtres tousse, ils le plaignent : « Malade, Kamarade ». Mais je ne puis tolérer ces colloques. Alors, quand je suis là, mes hommes se taisent ; et le Boche s’étonne. »
Jean Calvet livre ses interrogations : « Nous luttons pour une cause juste. Nous le croyons. Le Boche aussi. Alors, je me demande ce que je dois penser de nos mérites respectifs… J’ai presque honte de m’intéresser à ce point au salut de l’âme de mes ennemis. Cet excès de charité m’intimide moi-même. Mais je ne puis m’empêcher de songer au fond de mon gîte. Qu’y faire d’autre ? » (13 août 1916). Quant aux tirailleurs sénégalais : « Je ne sais pourquoi, mais je me sens de la pitié pour ces hommes qu’on a arrachés, pour la plupart, de force, à leur pays ; et qui sont, malgré tout, aux yeux de la loi, des engagés volontaires. Il y a là une sorte de mensonge qui me répugne ; et je suis scandalisé quand on représente nos troupes noires comme accourues d’elles-mêmes au service d’une civilisation dont elles ne savent rien, et qui a, sur la leur, cette étrange infériorité d’avoir occasionné cette guerre. » Belle réflexion, complétée en traitant de folie et de blasphème l’idée de la guerre comme expiation, « nécessaire pour que nous puissions, par elle, racheter nos fautes nationales ».
Le deuxième recueil, qui rassemble les discours de Jean Calvet, maire de Gaillac, en l’honneur des morts de la guerre, tombe parfois dans des excès, ainsi lorsqu’il affirme que, lors d’une attaque, la seule douleur des blessés était de ne pas pouvoir suivre l’élan des camarades. Mais il a su également pleurer « de honte devant cette civilisation qui n’a su qu’enfanter une telle boucherie », et proposer ceci à ses contemporains : « Il convient d’amener chaque gouvernement à accepter, de gré ou de force, une sorte d’amputation de souveraineté et de son autorité propre, pour arriver à la constitution d’une sorte de super État. »
RC
*Jean Calvet, À la sueur du front, Récits et impressions de guerre, Gaillac, Imprimerie Dugourg, 1920.
*Jean Calvet, Avec les Morts, Gaillac, Imprimerie moderne, 1922.
*Cynthia Maltagliati, Jean Calvet (1889-1965), l’histoire d’un idéaliste, mémoire de maîtrise, Université de Toulouse Le Mirail, 2004.
Bith, Jacques (1884-1943)
Deuxième d’une famille qui comptera huit garçons, Jacques Bith est né à Maisons-Laffitte (Seine-et-Oise), le 19 juillet 1884. Son père est rentier. Son frère aîné Paul va devenir jésuite. Il passe son enfance à Paris et fréquente lui-même le collège jésuite, puis il apprend le russe à l’école des Langues orientales. Il part à Odessa en 1908 comme représentant de la joaillerie Chaumet. Il vient se marier à Toulouse avec la fille d’un avocat. Dès le premier mois de la guerre, son frère cadet Jean est tué devant Guise. Lui-même est mobilisé comme lieutenant au 211e RI et il sera nommé capitaine en mai 1915. Le régiment se trouve dans le secteur de Verdun, face au saillant de Saint-Mihiel d’abord, puis du côté du Mort Homme et de Cumières où il est anéanti lors des attaques allemandes de mars 1916. Le capitaine Bith est fait prisonnier le 6 mars ; le colonel le lendemain. Commence une longue période de captivité à Halle, Magdeburg, Ingolstadt, etc. Il y rencontre des personnalités comme Roland Garros et Mgr de Mayol de Luppé, futur « aumônier de la LVF, puis de la division SS française Charlemagne » (note des éditeurs du livre) ; il aurait également écouté des conférences du capitaine De Gaulle. Après la guerre, Jacques Bith se lance dans les affaires, tout en restant un officier de réserve zélé. Chef de bataillon depuis peu, il est mobilisé en 1939 dans l’encadrement des camps du Barcarès puis de Septfonds. Il meurt à Paris le 12 juillet 1943.
Le témoignage est présenté comme un « corpus de souvenirs épars, souvent lacunaire, qui s’est éclairci au gré des héritages et des inévitables injures du temps ». Il comprend de nombreuses photos de guerre et de captivité, et la transcription de ses carnets du 12 septembre 1914 au 27 avril 1915 et du 18 mars au 9 décembre 1916. Les lacunes sont en partie comblées par des extraits du JMO, des passages des mémoires du docteur Voivenel, et un « rapport du capitaine Bith du 211e d’infanterie sur ses différentes tentatives d’évasion », en vue d’obtenir la Légion d’Honneur : on compte jusqu’à 12 tentatives, mais la plupart ont échoué avant même le départ, sans être connues des Allemands.
Convivialités de guerre et de captivité
Le témoin nous avertit presque d’emblée (26 octobre 1914) : « Je n’ai plus guère de goût pour écrire mes notes de route ; il faut dire que les jours ou plutôt les semaines se suivent et se ressemblent et la seule chose que je pourrais enregistrer ce sont mes impressions, or il me semble que ce ne serait que du réchauffé de les noter sur ce carnet qui est destiné à ma chère petite femme alors que je les lui communique dans ma correspondance quotidienne. » En effet, le texte est peu développé. Il évoque cependant l’odeur pestilentielle du champ de bataille après la Marne et la pagaille qui règne au cours des premières semaines ; en mars 1915, les « victoires » en Champagne et aux Dardanelles, et le fait que l’Allemagne n’a plus de provisions que pour trois mois, tout cela laisse penser que la guerre sera vite terminée. Il a une forte tonalité patriotique et catholique. Jacques Bith évoque toutes ses « consolations religieuses » : messe, prière, confession, communion, action de grâce, adoration, neuvaine, sermon, retraite, chemin de Croix ; les fêtes de Noël 1914 et Pâques 1915 sont particulièrement marquées. Dans les tranchées, les conditions de vie sont dures, mais les officiers s’organisent : « la popote est de tout premier ordre » ; tournois de bridge et agréables rencontres se succèdent. Le docteur Voivenel est un excellent convive, mais les officiers cléricaux bien-pensants ne peuvent tolérer leurs collègues amateurs d’histoires cochonnes (« ignobles conversations », « immondices ») ; quant au colonel, c’est un égoïste « qui prend pour lui et sa suite les meilleures cabanes de la place ». Retrouvant, involontairement, les termes de la chanson de Lorette (puis de Craonne), notre officier remarque : « Pour les hommes par exemple la vie n’est pas rose. »
La différence de situation entre soldats et officiers se retrouve en captivité. Les officiers ne travaillent pas ; ils ont des ordonnances ; ils organisent des spectacles ; Bith donne des leçons de russe et apprend l’allemand ; il joue au tennis sur de véritables courts. Les fêtes, comme le 14 Juillet sont célébrées par des officiers français « en grande tenue ». On peut penser que, lorsqu’ils ont été capturés, ils n’avaient pas sur eux cette tenue : comment l’ont-ils reçue ? dans des colis venant de France ? Même s’il y a des heurts avec les autorités allemandes et des « représailles », même si des surnoms péjoratifs sont attribués aux Allemands (« Trouduc » par exemple), ce n’est quand même pas un régime de terreur, et, en captivité comme sur le front, certains officiers supérieurs français sont également critiqués.
RC
*Odessa, Verdun, Magdebourg… De l’avant-guerre à la captivité, souvenirs de Jacques Bith, officier au 211e RI (1902-1918), édition établie et commentée par [le chef de bataillon] Cyrille Becker [arrière-petit-fils de l’auteur] et Éric Labayle, Parçay-sur-Vienne, Anovi, 2007, 254 p., illustrations.
Bruté de Rémur, Augustin (1852-1944)
Source de l’image : Collectif, La Chapelotte, SPV, 2004, p. 172.
1. Le témoin
Augustin-Gabriel-Marie Bruté de Rémur est né à Rennes le 18 mars 1852. A 18 ans, il s’engage pour la durée de la guerre de 1870-1871. Il la termine avec le grade de lieutenant dans un bataillon de chasseur, mais la commission de révision des grades le rétrograde sergent. Il est admis à Saint-Cyr avec le rang de 188e sur 304 et en sort 56e. Le 1er novembre 1874, il est sous-lieutenant au 6e BCP (Embrun) et en mars 1879, lieutenant au 10e BCP (Saint-Dié). Diplômé de l’école supérieure de guerre, il est d’abord détaché à la brigade topographique d’Algérie, puis est nommé capitaine au 28e RI en 1884 puis au 47e d’infanterie (Saint-Malo) en 1892. Chef de bataillon au 148e RI (Verdun) deux ans plus tard, le 6 avril 1897, il est alors commandant du 25e BCP (Saint-Mihiel) puis lieutenant-colonel commandant du 173e d’infanterie (Bastia) en 1901. Le 27 septembre 1906, Bruté de Rémur est nommé colonel au 39e RI ; il y succède au général Sarrail promu directeur de l’infanterie. Il est mis à la retraite le 18 mars 1912 et demeure à Boulogne-sur-Mer. Lorsque la guerre éclate, il obtient le commandement de la 152e brigade dans les Vosges. Il quitte les Vosges à regret le 25 mars 1916 pour prendre, avec le grade de général, le commandement de la 194e brigade. Il a alors 64 ans. Le 19 février 1917, envoyé en congé de repos puis atteint par la limite d’âge, il est placé dans le cadre de réserve. Il décède à Rennes le 16 juillet 1944.
2. Le témoignage
Bruté de Rémur, Augustin (général), Histoire d’un secteur calme. La 152ème brigade dans les Vosges. Le Palon – la Forain – la Mère Henry – la scierie Coichot – la Halte – Celles – la Chapelotte. Paris, la France héroïque, 1929, 115 pages.
Après quelques semaines d’inaction, le général Bruté de Rémur parvient, bien que déjà âgé – il a 62 ans -, avec d’inouïes difficultés, – son hagiographe et préfacier de Raymond Duguet rappelle qu’il fut notamment sali par l’affaire des fiches – à être affecté au commandement de la 152e brigade d’infanterie de réserve alors dans les Vosges. C’est un secteur qu’il connaît bien pour y avoir été affecté dans sa carrière de chasseur à pied et surtout pour en avoir dressé plusieurs analyses de doctrine militaire. Il arrive à Saint-Dié le 23 septembre 1914, alors que le front se cristallise. Il va dès lors s’ériger en historiographe de cette grande unité, rapportant de manière précise les opérations militaires et les petits faits révélant sa proximité avec les hommes. Il consigne aussi ses impressions et ses critiques, parfois violentes des incompétents, même s’ils sont ses supérieurs.
Ainsi débutent ses souvenirs, presque jour par jour, de 20 mois de guerre de montagne, de la vallée de la Plaine à La Fontenelle. Rapidement, l’extension du front l’amène sur les hauteurs de la Chapelotte, qui vont devenir le point de friction le plus violent, d’abord sur terre, au début de 1915 puis sous la surface, dans une guerre des mines qui atteindra à cet endroit la plus grande profondeur rencontrée sur l’ensemble des fronts. Mais les différents secteurs intermédiaires n’en seront pas moins des lieux de mort, de la cote 675, face à la Mère-Henry, à la Forain et au Palon.
Après avoir tant donné de sa personne, poussé à l’organisation formidable des fronts de montagne et dirigé ses hommes au feu, il quitte le secteur peu avant sa brigade, qui recueillera sur d’autres fronts « des lauriers peut-être plus sérieux, mais aussi, hélas ! plus coûteux » (page 110). Le 5 avril 1916, il est nommé au commandement de la 194e brigade territoriale et part pour la Somme pour une autre guerre qu’il n’a pas relaté.
2. Analyse
Voici un excellent ouvrage de souvenirs, véritable historique de brigade dans un secteur si peu étudié par la littérature de guerre. Le témoignage est précis, tant dans les lieux que par les faits de guerre évoqués, petits ou grands et l’auteur fait montre d’un franc-parler parfois violent et critique, notamment des « stratèges en chambre » mais aussi de ses subordonnés comme de ses supérieurs. Il présente l’attrait d’une vision non conventionnelle, juste et même novatrice de la guerre à ce grade ; ne considère-t-il pas que la bataille doit être traitée comme une « affaire commerciale » (page II) ? La verve du général narrateur est inaccoutumée et la note de politique générale (page 33), qui fait tâche dans le court du récit, ne parvient pas à minorer cet excellent témoignage vosgien. Après que le préfacier déjà cité rappelle « la vie quotidienne du soldat dans la tranchée, avec tout ce qu’elle a tour à tour de monotone, de dangereux, d’imprévu, de compliqué, vie dans laquelle l’héroïsme reste le plus souvent obscur, dans laquelle on marche à la mort, sans phrases, dans laquelle on survit sans trop savoir comment ! » (page II), le général Bruté de Rémur ajoute sa pierre. Certes, l’officier souscrit lui aussi d’abord à l’espionnite : « Malgré le calme dont nous jouissons, qui permet de mieux étudier ce qui se passe, on se sent environné d’espions ; il n’y a pas de soir où, à la tombée de la nuit, des fusées lancées en arrière de nos lignes ne renseignent l’ennemi sur nos positions et nos mouvements » (page 17), ou à la rumeur : « Le soir du 4 décembre, une de ces tranchées (…) nous est reprise par l’ennemi, grâce au stratagème que voici : vers 18 heures, une soixantaine de soldats allemands, déguisés en soldat français, ayant réussi, on ne sait comment, à traverser notre première ligne (le terrain très boisé facilite la chose), se présente devant l’ouvrage ; c’est l’heure de la relève, nos hommes, les voyant venir de l’arrière, les laissent approcher sans défiance ; mais, arrivés à quelques pas, les Allemands se jettent sur eux, les assomment à coups de crosse, et les enterrent dans la tranchée qu’ils comblent. » (page 31). Mais il est attentif à l’état sanitaire de ses troupes, aux « excès de fatigue », y compris des « officiers et sous-officiers qui, jusqu’ici [février 1915] avaient bien supporté la campagne, accusent maintenant un peu de dépression ; j’ai dû en évacuer plusieurs qui sont rendus, finis ; les soldats tiennent mieux. Je ne néglige d’ailleurs rien de ce qui peut contribuer à les maintenir en bon état » (page 41). Bruté de Rémur va d’ailleurs à ce propos favoriser les « secours religieux et moraux » (page 42), y compris « grâce à la générosité de ma famille et de mes amis, j’avais pu pourvoir les plus nécessiteux de laine les plus indispensables ; en même temps, j’avais sollicité l’aide de nombreuses œuvres et sociétés de secours » (page 42) et visiter ses ambulances, dont il se fait « un devoir » (page 55). Il n’en n’est pas toutefois toujours ainsi ; au cours d’une attaque de l’ennemi, et pour « que le désordre ne se transforme pas en panique (…) le lieutenant-colonel Hatton et son adjoint, le capitaine Moulut, se jettent au-devant des fuyards ; par leurs cris, leurs objurgations et à coup de trique, ils leur [les soldats] font faire demi-tour » (page 48). Sur ce point, il tente, comme nombre d’officiers, de ne pas envoyer à la mort ses soldats : « La préparation d’artillerie n’ayant donné aucun résultat, je décide de ne pas déclencher l’attaque et, de mon P.C. de la Croix-Charpentier, j’en rends compte par téléphone au général commandant la 71ème division. Mais sur l’ordre de celui-ci, l’opération doit être reprise. (…) Que de vies inutilement sacrifiées. Du moins, j’ai conscience d’avoir fait tout ce qu’il m’était possible pour m’y opposer, mais je ne connais rien de plus pénible pour un chef que d’être obligé de défendre la vie de ses hommes contre les folies inconscientes ou criminelles de certains stratèges en chambre qui ne connaissent rien du terrain ni de la situation. Lancer des hommes contre des retranchements solidement organisés, alors que notre artillerie, plus dangereuse pour nous que pour l’ennemi en raison de la zone boisée où nous sommes, n’a pu préparer leur attaque, que les tranchées de l’adversaire sont intactes, ses mitrailleuses au complet, que l’assaillant ne dispose d’aucuns moyens matériels pour se débarrasser des réseaux de fils de fer et crever le toit des tranchées (car nous n’avons ni cisailles suffisantes, ni grenades), c’est un véritable crime, c’est celui qu’on m’a fait commettre deux jours de suite et que je ne veux plus renouveler » (page 51). Dans cette affaire, devant un général Dubail qui, lui-même « n’admet aucune objection » à ses ordres d’attaques inutiles, Bruté de Rémur parviendra à conserver son commandement ; d’aucun, tel le colonel Keller, y laisseront leur commandement. Et Bruté de Rémur de conclure : « le grand coupable en tout cela, c’est le communiqué officiel ; chaque commandant d’armée veut avoir quelque chose à y mettre » (page 53). L’officier rapporte cette guerre pour le moins étonnante que l’on fait dans les Vosges, dans le secteur de La Chapelotte : « nous sommes dans une situation bizarre, restés accrochés depuis le 27 février à des rochers, à une vingtaine de mètres de nos adversaires qui nous jettent des cailloux, des bouteilles ; des paquets de journaux boches et souvent essayent d’engager la conversation. Dernièrement, à l’occasion de la prise de Przemysl, le général de Division, à l’instar de ce que font les Allemands quand ils ont un succès quelconque, avait prescrit de pousser des hurlements dans les tranchées. « Oh ! la ferme ! » cria un Boche d’un des ouvrages en face de nous ; celui-ci avait certainement pratiqué l’argot parisien » (page 61). Plus loin, d’ailleurs, « des Lorrains annexés qui ne nous veulent point de mal, au contraire : parfois leurs sentinelles toussent pour nous avertir de nous cacher ; l’autre jour, c’était un de nos officiers qui, dînant à une petite table devant sa casa, voyait tomber un petit caillou dans son assiette, manière de le prévenir qu’il était en vue. Mais les pauvres gens jouent là un jeu dangereux. Parmi les mieux attentionnés à notre égard se trouvait un nommé Harmand, très connu de nos chasseurs : quand il prenait la faction, il les prévenait qu’ils n’avaient rien à craindre ; parfois aussi, avant de la quitter, il leur disait : « Attention, celui qui va me remplacer est un mauvais bougre ». Ses amabilités ont fini par être connues des Boches et ils l’ont fusillé » (page 69). Le général confirme l’accord tacite des artilleurs français et allemands à ne pas tirer sur les localités de chaque côté du front : « Dans cette région vosgienne, nous vivons sous un régime particulier et bizarre : de part et d’autre de la ligne qui sépare Allemands et Français, les troupes sont cantonnées dans des villages, et, sans s’être donné le mot, les deux adversaires semblent avoir pris pour règle d’épargner ces villages et de ne porter leurs coups que sur les maisons ou hameaux fortifiés ou sur les ouvrages de défense » (page 62). De tels exemples peuvent être multipliés à l’envi dans cet ouvrage où Bruté de Rémur nous donne à lire une fresque courte mais dense de multiples tableaux d’un intérêt technique voire anthropologique considérable.
Bibliographie de l’auteur
Etude sur les Vosges, Paris, 1888, 67 pages
La défense des Vosges et la Guerre de Montagne, Paris, Dubois, 1890, 55 pages.
Les Vosges en 1870 et dans la prochaine campagne, par un ancien officier de chasseurs à pied, Rennes, H. Caillère, 172 p.
Histoire d’un secteur calme. La 152ème brigade dans les Vosges. Le Palon – La Forain – La Mère Henry – la scierie Coichot – la Halte – Celles – La Chapelotte. Paris, la France héroïque, 1929, 115 pages.
Yann Prouillet, CRID 14-18, septembre 2011
Béthouart, Antoine (1889-1982)
Source : http://promogalbethouart.free.fr/index.php?page=parrain_0.xhtml
1. Le témoin
Né le 17 décembre 1889 à Dôle (Jura), Marie, Émile, Antoine Béthouart embrasse la carrière militaire (Saint-Cyr, promotion de Fez) en 1909. Il en sort en 1912 avec le grade de sous-lieutenant. Après la Grande Guerre, débute alors pour l’officier une période politique et militaire trouble d’entre-deux guerres qui se traduit par une déliquescence de l’armée française, laquelle va amener « au désastre » de la seconde guerre mondiale. Pourtant, il estime que « la disparition de l’armée allemande et le prestige de l’armée française victorieuse ont provoqué de nombreuses demandes de missions militaires françaises par les pays libérés de l’occupation ou de l’influence allemandes et qui avaient besoin d’organiser leur sécurité. » (page 126).
Il entre à l’école de guerre en 1920 et passe par diverses affectations dans l’armée alpine. En mars 1931, il est détaché en mission à Belgrade. Ainsi débute une aventure militaire et diplomatique dans l’imbroglio des Balkans soumis aux tensions européennes et à la montée du nouveau pouvoir allemand national-socialiste. La frilosité voire la démission politique française amèneront, malgré les informations précieuses de la légation française et des rapports adressés par l’officier, au lâchage de la Yougoslavie. Viennent alors l’Anschluss puis les différentes invasions de l’Axe, les fuites politiques de la France et de la S.D.N. devant la montée nazie avec l’aboutissement fatal d’une seconde guerre qui se déclenche. Le 1er août 1939, le colonel Béthouart prend le commandement, à Chambéry, d’une demi-brigade de chasseurs alpins et verrouille la Haute Maurienne en prévision d’une guerre avec l’Italie, qui restera neutre. Il participe à l’opération de Narvik, puis poursuit la guerre au Maroc, organisant l’opération Torch. Nommé général de division, il y gagne une mission militaire aux Etats-Unis afin de préparer le concours américain. Il débarque en Provence en août 1944, participe à la campagne de France, occupe l’Autriche puis se retire de l’active. Il garde un rôle politique et collabore au Figaro. Il décède le 17 octobre 1982 à Fréjus et est inhumé à Rue (Somme).
2. Le témoignage
Des hécatombes glorieuses au désastre, Paris, Presses de la Cité, 1972, 221 pages. La partie de ses souvenirs consacrée à la Grande Guerre occupe les pages 9 à 120.
Le général Béthouart poursuit avec cet ouvrage ses « Mémoires à l’envers« . Après avoir présenté ses années autrichiennes, de 1945 à 1950, puis ses années de la seconde guerre mondiale, il se souvient de sa jeunesse, de la Première guerre mondiale et de l’entre-deux guerres. Après un exposé sommaire nous présentant sa famille et l’armée à la veille de la guerre, il nous fait entrer dans le conflit avec le 152e régiment d’infanterie de Gérardmer (Vosges). Lieutenant, il apprend la déclaration de guerre à Longemer et part occuper le col de Louschpach. Puis il pénètre en Alsace par la vallée de Munster jusqu’à Wintzenheim, aux portes de Colmar avant de retraiter sur Saint-Dié pour y participer à la reprise du piton du Spitzemberg. Globalement, le 15-2 aura eu jusqu’alors moins de pertes que les autres régiments engagés. Aussi, l’hécatombe des officiers de la bataille des frontières oblige l’état-major à reconstituer les autres régiments exsangues.
Béthouart change d’unité et accède au commandement de la 7e compagnie du 158e RI avec laquelle il entre en ligne le 5 janvier 1915 face au bois de Berthonval, à dix kilomètres au nord d’Arras. Il y prend contact avec les tranchées et la boue sur un front qu’il qualifie de « monotone« . Cette situation ne durera pas et l’année 1915 sera terrible dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette. Prise par l’ennemi le 13 mai, le 158e est chargé de reprendre l’éperon. La bataille fait rage quand, debout sur le parapet, l’officier est gravement blessé à l’épaule. Il sera éloigné du front et déclaré inapte à l’infanterie. Après une longue convalescence, il parvient à être affecté à l’état-major de la 77e brigade qui stationne en secteur calme à Baccarat (Meurthe-et-Moselle). Le 17 février 1916, il est brusquement embarqué en train vers un nouveau front, à la veille de ce qui deviendra la fournaise de Verdun. Il y suit l’intensité de la bataille, d’abord à Fleury qu’il faut évacuer pour un abri-caverne de Froideterre, et à son élargissement à la rive gauche de la Meuse.
Le 1er juillet 1916, l’attaque anglo-française qui se déclenche sur la Somme voit la 77e brigade relever les unités anglaises dans le bois de Maricourt. Les attaques se succèdent entraînant de lourdes pertes pour la division, jusqu’au déclenchement de l’attaque française sur le Chemin des Dames. Après un mois de préparation, l’officier intègre le secteur ouest de Vendresse à la fin du mois de mars 1917. Dès le déclenchement de l’attaque, il constate, de l’état-major, l’échec de l’offensive dû à un dispositif linéaire et uniforme, faute indéniable, imputable au G.Q.G. Le capitaine Béthouart demande alors à son supérieur le commandement d’une compagnie, qu’il obtient immédiatement, le 10 mai 1917. A sa tête, il monte en ligne le 13 mai entre l’Epine de Chevregny et Braye-en-Laonnois et se trouve dès son arrivée sous le fouet de la mort. Il y subit à son tour la doctrine de l’attaque à outrance, comme aux jours les plus sombres de 1915. Ayant mal jugé la situation, il concède du terrain à l’ennemi, ce en pleine période de mutinerie. L’une d’elle se déclenche dans son secteur et nécessite sa diplomatie et son intervention énergique pour rétablir le calme.
Le 7 juin 1917, le 20e Corps est mis en repos en Lorraine, où les permissions sont rétablies et augmentées. Remis en secteur de Pont-à-Mousson, réputé calme, jusqu’au 6 janvier 1918, le 158e revient à Verdun. Il y restera engagé au nord de Vacherauville, secteur battu par une artillerie allemande « très active« . L’activité y est composée de patrouilles et de coups de main en attendant une attaque de plus grande ampleur. Le capitaine n’y participera pas. Il est nommé chef de bataillon, lequel est placé en réserve générale au printemps 1918 puis transporté, le 20 avril, en Belgique où les Allemands ont prononcé une attaque sur le Mont Kemmel. Le capitaine Béthouart reçoit l’ordre de contre-attaque le 30 et son action est décisive dans la sauvegarde de la situation. Malheureusement il est pris sous un tir de harcèlement dont un obus le blesse à la main et à la jambe. Il est évacué sur l’hôpital de Dinan et ne réintégrera une unité combattante que le 20 juillet suivant.
Les événements s’enchaînent alors rapidement et la déliquescence de l’armée allemande semble annoncer le dénouement. A la tête du 3e bataillon de son régiment, il va participer à l’irrésistible offensive franco-américaine devant Saint-Mihiel, déclenchée le 12 septembre. Projetant une large offensive de rupture en Lorraine pour la fin de l’année 1918, la division de Béthouart est relevée et placée en réserve à l’est de Nancy. C’est là qu’il va apprendre l’Armistice, « mélange d’incontestable joie, de soulagement, mais aussi d’une déception certaine de ne pas avoir terminé la guerre en territoire allemand » (page 119). Le 19 novembre, il entre triomphalement à Metz.
3. Analyse
Poursuivant son autobiographie militaire, le général Béthouart se souvient de son parcours de 14-18 dans le but de « montrer l’évolution de la guerre au cours de ces quatre années tragiques » (page 120).
Le lieutenant Béthouart n’a probablement pas tenu de carnet de guerre. Il a écrit ses mémoires militaires au soir de sa vie d’après ses souvenirs, mélanges de détails et d’imprécisions. Ainsi, les épisodes de guerre de l’officier sont rapportés en pointillés, avec une précision sommaire. Les combats sont tirés à grands traits, ponctués d’anecdotes et de commentaires, mais le récit est chronologiquement haché au gré des périodes de blessures ou d’inactivités relatives. Dès lors l’ouvrage apparaît comme un livre manqué par un témoin qui aurait pu se révéler exceptionnel tant par son affectation que par son parcours militaire, alternant régiment de couverture (le mythifié 15-2), officier d’état-major et commandant d’une compagnie d’attaque puis d’un bataillon. Malheureusement, la pauvreté d’intérêt du témoignage est navrante et le style narratif reflète cette absence de profondeur. L’ouvrage commence comme un exposé scolaire, relativement maladroit et contient ses impressions doctrinaires ; Béthouart est convaincu que le service militaire, réellement universel, favorise le brassage social (page 19) et impute à l’instituteur un rôle majeur dans la victoire « patriotique » de 1918 (page 29) ou d’impressions personnelles sur la stratégie qui hachent le récit.
Dans le détail, quelques anecdotes prêtent à la réflexion comme l’annonce de la mort du père de l’officier par l’Echo de Paris, début mai 1918, « seul moyen que ma mère ait trouvé pour m’annoncer cette triste nouvelle » ! (page 117). Blessé en mai 1915 devant Lorette, il nous donne une vue tragique d’un poste de secours (page 66) et évoque, plus loin, les « Morituri« , blessés insauvables (page 84). Sans s’étendre sur les mutineries, il évoque des hommes fatigués et nerveux, les limitant presque à un incident avec un gendarme, « hirondelle de malheur », tout en avouant mater la contestation au cours d’un « meeting forestier » (page 104).
Chronologie géographique du parcours suivi par l’auteur, (page) :
1914 : 3 août : Longemer (38), 6 août : secteur de Louschpach (39), 14 août : La Schlucht, l’Altenberg, Stosswihr, Soultzeren, col du Sattel (41), 16 août : Schmelzwassen (42), 20 août : Wihr-au-Wald (44), 21-27 août : Witzenheim (45), 28 août – 3 septembre : Wihr-au-Wald – La Chapelle-Sainte-Croix (45-49). Septembre : Spitzemberg (50)
1915 : 5-8 janvier : Dix kilomètres au nord d’Arras, face au bois de Berthonval (55), 8 janvier – 15 mars : Mengoval, alternance de secteur et de repos dans le secteur d’Aix-Noulette à Noeux-les-Mines (58-60), 15 mars – 14 mai : bois de Bouvigny – Notre-Dame de Lorette (60-66), 14 mai 1915 – 17 février 1916 : convalescence (66-77)
1916 : 17 février : Baccarat (77), 21 février : Revigny (77), 25 février : Regret, Fleury, Douaumont, Ouvrage de Froideterre (77-82), 11 mars : repos à Saint-Dizier (83), 3-14 avril : Cote 304 (84), 1er – 10 juillet : bois de Maricourt à 2 km au nord de la Somme et 13 km au nord de Péronne (86-88), 10-23 juillet : repos en arrière (88), 24 juillet – 8 août : attaques sur Maurepas (89), août – novembre : En réserve (90), fin novembre : Sailly-Saillisel (90), fin 1916 : repos en Lorraine (96)
1917 : 15 janvier : région de Château-Rhierry (96), 24 janvier – 27 février : pentes sud du Chemin des Dames (96), 28 février – 26 mars : nord-ouest de Château-Thierry (97), 26 mars – 21 avril : entre le canal de Braye et Vendresse (99-102), 10 mai : (commandant de compagnie) – attaque entre l’Epine de Chevregny et Braye-en-Laonnois (102), Juin : Nanteuil (104), 7 juin : région de Nancy (109), 25 juin 1917 – 6 janvier 1918 : région de Pont-à-Mousson (109)
1918 : 10 janvier : Toul (110), 15 janvier – 26 mars : Dugny – Verdun, nord de Vacherauville, Côte du Poivre, ravin de Vaudoines (110-112), 27 mars : région de Revigny (112-113), 20 avril – 5 mai : Roesbrugge, Mont Kemmel – Scherpenberg (113-117), (3 mai – 20 juillet) : hôpital de Dinan (117-118), 12 mai : Villers-Cotterêts (117), 20 juillet – 5 août : La Ferte-sous-Jouarre (118), 5 août – 12 septembre : secteur de Saint-Mihiel (118), 12 septembre : nord de Montsec, Buxières, Heudicourt, Vigneulles (119). 19 novembre : entrée à Metz (119)
Index des noms cités dans l’ouvrage – (page)
Soldat Lucien Forgeot, tué le 6 août (30), soldat Pierre Gross (39), soldat Aufray (tué) (40), colonel Nautré, tué dans les bois d’Ormont (51), commandant Prévot, chef d’un bataillon du 158e (15 mars 1915) (61), Girardot (62), lieutenant Bour (63), colonel Lebouc, artilleur, ancien professeur à l’école de guerre, commandant la 77e brigade de la 39e division du 20e Corps (à Baccarat le 16 février 1916) (77), capitaine Flageollet, capitaine commandant une compagnie du 146e RI tué à Douaumont le 26 février 1916 (79), capitaine Denis Cochin, du 146e, blessé le même jour (81), commandant Jacquesson, commandant le 3e bataillon du 146e (même période) (81), colonel Matter, commandant le 153e au Chemin des Dames (99), colonel de Coutard, commandant le 146e au Chemin des Dames (99), général Hellot, commandant une division sur le Chemin des Dames (17 avril 1917) (101), lieutenant de Vrégille, commandant de section au 146e, tué au Chemin des Dames le 13 mai (102), lieutenant Rouyer le remplace, prisonnier le 14 (103), capitaine Gauche, du 146e, tué vers le 15 janvier 1918 sur la côte du Poivre (110), adjudant de bataillon Nugue, tué le 30 avril 1918 sur le Mont Scherpenberg (116).
Bibliographie de l’auteur
La bataille pour l’Autriche, Paris, Presses de la Cité, 1965, 320 pages.
Cinq années d’espérance. Mémoires de guerre (1939-1945), Paris, Plon, 1968, 362 pages.
Des hécatombes glorieuses au désastre, 1914-1940, Paris, Presses de la Cité, 1972, 221 pages.
Yann Prouillet, CRID 14-18, septembre 2011



