Raphaël Georges, « Un nouveau départ. Les vétérans alsaciens-lorrains dans la France d’après-guerre (1918-1939) », Presses Universitaires de Rennes, 2024.

(Texte de la quatrième de couverture)

« Ils ont des droits sur nous ! » Comme le rappelle cette formule célèbre de Georges Clemenceau, les anciens combattants français jouissent après la Première Guerre mondiale d’une supériorité morale fondée sur une victoire obtenue au prix de lourds sacrifices. Une catégorie de vétérans ne partage cependant pas ce prestige. Les Alsaciens-Lorrains, en effet, ne sont devenus français qu’au terme du traité de Versailles, à la faveur du retour de l’Alsace-Lorraine à la France. Avant cela, ils ont vécu la guerre dans les rangs de l’armée allemande. après l’armistice, leur retour dans une province désormais français s’apparente à un nouveau « parcours du combattant ». Aux difficultés du passage de la vie militaire à la vie civile s’ajoute la nécessité d’apprendre à vivre avec le poids de ce passé encombrant, voire stigmatisant. Ils n’éprouvent pas moins la volonté de faire valoir leur propre droit à reconnaissance car, s’ils n’ont pas combattu du côté des vainqueurs, ils ont en commun d’avoir partagé les mêmes souffrances. Ce qui se joue en toile de fond n’est rien de moins que leur intégration à la nation française, et celle-ci passe par l’élaboration de nouvelles normes sociales.

Raphaël Georges, docteur de l’université de Strasbourg, est chercheur associé aux laboratoires Arche (UR 3400) et LinCS (UMR 7069) et enseigne dans le secondaire.

Le travail forcé des Ligures durant le nazisme (1943-1945)

Le lien ci-dessous donne accès à un site très complet consacré au travail forcé des Ligures dans l’Allemagne nazie, entre 1943 et 1945. Ces recherches ont été menées dans le cadre d’un projet national plus vaste coordonné par le professeur Brunello Mantelli. Ce projet national a donné lieu à plusieurs publications, ainsi qu’à l’exposition virtuelle, (avec des versions en italien, allemand et anglais) disponible sur le site (merci à nos collègues et membres du CRID Irene Guerrini et Marco Pluviano).

Site & exposition virtuelle : Italian Workers for the Reich

Gestion de la mort durant la Grande Guerre et l’après-guerre. Chronologie, enjeux, débats et polémiques (1914-1936)

Jean-François Jagielski (CRID 14-18)

Présentation

La question de la gestion de la mort de masse durant et après le premier conflit mondial, même si elle a été bien étudiée, demeure particulièrement complexe. Le but de la recherche que nous présentons ici sous forme d’une chronologie détaillée – sans prétendre à la moindre improbable exhaustivité sur un sujet aussi vaste – est d’aider le chercheur à surmonter l’abondance de textes inhérents à cette question. Le sujet en France comme à l’étranger a fait débat. Il a été à l’origine de bien des polémiques dont nous tentons ici de rendre compte. télécharger le texte

Recherche d’informations sur un combattant turc prisonnier de l’armée française

Nous relayons une demande de Sébastien Poublanc, chercheur au laboratoire Framespa qui voudrait préciser les informations partielles dont il dispose sur un combattant turc fait prisonnier par l’armée française et pour lequel les archives consultées jusqu’ici (SHD notamment) ne donnent pas de résultats :

  • Nom de famille : Seyit ou Sayyid ou Sayeed (l’orthographe n’est alors pas fixée)
  • Prénom : Mehmet Mehdi ou Mehmed ou Mahdi pour le prénom
  • Date de naissance : 1900 ou 1901
  • Lieu de naissance : Istanbul ou Eyüp (district de la ville)
  • Lieux de la capture : la mémoire familiale a conservé l’expression « durant la campagne de Syrie » mais ce pourrait être n’importe où, d’Alep à la Palestine en passant par le Liban, ou bien la campagne de Cilicie.
  • Captivité : plusieurs années entre la Première Guerre mondiale et 1922, date où il combat dans la résistance turque.

Vous pouvez contacter M. Poublanc à l’adresse suivante :

sebastien.poublanc@univ-toulouse.fr

14-18 en milieu associatif

Voici deux plaquettes de même format, de même inspiration, réalisées en milieu associatif pendant la période du Centenaire et imprimées en 2018 et 2019 à Nîmes. Dans les deux cas, le principal objectif a été de retrouver la trace des morts du village. L’ouvrage sur Buis-les-Baronnies est le plus épais : la commune a eu 65 morts ; la contextualisation est plus poussée avec recours aux archives municipales pour décrire aussi la vie au village (hôpital temporaire, réfugiés, activités des femmes). Sont également cités trois poilus qui figurent dans le dictionnaire des témoins en ligne sur le site du CRID 14-18 : Louis Bonfils, Ernest Gabard, Adrien Girard. La plaquette sur Saint-Auban rappelle le souvenir de 14 soldats tués.

Les deux associations ont pour intitulé « Patrimoine, Histoire et Culture des Baronnies » et « La photographie à Saint-Auban, Culture et Patrimoine ».

Contact : chastel.jean-paul@wanadoo.fr

Un clip en hommage aux tirailleurs sénégalais et béninois

par le slameur béninois Djamile Mama Gao

Dans un carton du fonds du Ministère des Colonies, déposé aux Archives Nationales d’Outre-Mer, un dossier contient 122 lettres et cartes postales de tirailleurs originaires du Dahomey, « engagés volontaires », rédigées entre 1915 et 1917, et toutes adressées à Charles Noufflard, alors Lieutenant-Gouverneur du Dahomey.

Ces correspondances ont été le point de départ d’une performance documentaire menée par Cécile Van Den Avenne (directrice d’études à l’école des hautes études en sciences sociales de Marseille) avec le slameur béninois Djamile Mama Gao. Cet artiste, en résidence à Paris fin 2022, est venu se produire devant des collégiens de Noyon (Oise) dans le cadre de la première édition du festival Histoire et Mémoire au cinéma Le Paradisio.

L’idée de réaliser un clip ayant pour thème l’évocation de la mémoire de ces combattants venus d’Afrique s’est alors imposée. Le clip, co-réalisé par Djamile Mama Gao et quatre élèves de troisième du collège Paul Eluard de Noyon, a été tourné aux carrières de Montigny, à Machemont (Oise), qui servirent de cantonnement aux troupes françaises pendant la Grande Guerre.

Thierry Hardier, janvier 2023

Messimy

Christophe Robinne, Adolphe  Messimy 1869-1935, Héraut de la République, Paris, Éditions Temporis, 2022.

Ancien officier, Adolphe Messimy était le ministre de la Guerre dans le gouvernement français lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Remplacé par Millerand, il a rejoint une unité combattante et a fini la guerre comme général de division. Revenu à la politique comme député radical-socialiste, il a toujours cherché à rendre plus efficace l’organisation de la Défense nationale. Le livre développe les thèmes principaux de son action : la suprématie du pouvoir civil sur l’autorité  militaire ; la défense de l’empire colonial comme partie intégrante de la Défense ; l’orthodoxie budgétaire.

On peut être particulièrement sensible au fait que, jeune officier promis à une brillante carrière, il a préféré démissionner de l’armée en 1899 pour protester contre l’attitude antidreyfusarde des chefs militaires.

Rémy Cazals

Le nouveau livre de Bertrand Goujon (par Rémy Cazals)

Le CRID 14-18 connait bien Bertrand Goujon qui a participé au colloque de Laon et Craonne en novembre 2010 en présentant une communication sur « Insertion et distinction nobiliaires parmi les combattants français de la Grande Guerre », publiée dans le volume collectif Identités troublées 1914-1918, Les appartenances sociales et nationales à l’épreuve de la guerre, Toulouse, Privat, 2011. Ce texte ouvrait quelques pistes suivies dans la thèse de doctorat qui a été reprise dans le livre Du sang bleu dans les tranchées, Paris, Vendémiaire, 2015. Après le masculin, voici le féminin chez le même éditeur : Je maintiendrai. Femmes, nobles et Françaises 1914-1919. Bertrand Goujon est également l’auteur du volume Monarchies postrévolutionnaires 1814-1848, dans l’Histoire de la France contemporaine aux éditions du Seuil, en 2012.

Le nouveau livre se recommande par la variété et l’abondance de la documentation consultée. Abondance : 700 pages de texte suivies de 2140 notes. Variété : l’auteur remarque chez les femmes nobles « la propension exacerbée à prendre la plume » (p. 169) ; il a confronté écrits féminins et masculins ; il va jusqu’à utiliser avec profit la rubrique « Déplacements des abonnés » du Figaro pour suivre les pérégrinations de ses personnages selon les moments de la guerre. Même si la catégorie sociale étudiée est minoritaire, le livre contribue à la connaissance des comportements des Françaises et des Français pendant la guerre. Lors des phases les plus marquantes : la mobilisation, le départ des hommes, l’invasion, les grandes batailles, la sortie de guerre… Devant les fausses nouvelles, dans les épreuves et les deuils, à la recherche de « provisions de moral » (p. 247)…

Mais il faut tenir compte des spécificités de la noblesse : « Bon sang ne saurait mentir. » La noblesse s’investit dans l’Union sacrée, dans l’action charitable et la Croix Rouge, sans renoncer aux pratiques socioculturelles propres, sans renoncer à « tenir son rang » (p. 509). Même quand les fortunes s’effondrent, les femmes nobles sont réticentes à la professionnalisation salariée (p. 165) ; elles critiquent les parvenus ; la baronne Michaux en veut à « M. et Mme Nouveau-Riche » qui auraient tant à apprendre pour distinguer ce qu’est le vrai luxe (p. 305). Il faut affronter la crise de main d’œuvre agricole et domestique. Comment remplacer les préceptrices allemandes ? Comment la baronne de Saizieu peut-elle résister à ce qu’elle appelle « les prétentions éhontées » des vendangeurs (p. 156) ?

L’auteur doit adresser ses remerciements à des altesses, des comtesses et des marquises, mais son livre n’est en rien hagiographique. Il n’occulte pas la « propension à la fuite » lorsque l’armée allemande menace Paris (p. 70), les attitudes chicanières lors de partages de patrimoines (p. 115), les manigances pour échapper à l’impôt sur le revenu (p. 161) et les déclamations d’antiparlementarisme (p. 285), le parler double de la comtesse de Martel de Janville (dont le nom de plume était Gyp) à propos des embusqués selon qu’ils sont ou ne sont pas de ses proches (p. 300). L’auteur a raison de revendiquer en conclusion une « exploitation historienne de cette riche documentation » (p. 694).

Il y a du Downton Abbey dans la vie des Françaises nobles en 14-18, par exemple (p. 86) lorsque la comtesse Greffulhe est réveillée en pleine nuit en son domicile parisien par un domestique annonçant : « Madame la Comtesse, le Zeppelin est là. » Et justement, pour rester sur les rapports entre châtelains et serviteurs, voici un cas que le dictionnaire des témoins du CRID 14-18 offre à Bertrand Goujon : durant les six premiers mois de la guerre, au château de Clemery, près des combats, Mademoiselle la vicomtesse de Moustier et la fille de cuisine Charlotte Moulis tiennent, chacune de son côté, un journal personnel. La comparaison des deux textes est intéressante (voir la notice « Moulis Charlotte » sur notre site). Les de Moustier ne sont d’ailleurs pas absents du livre de Bertrand Goujon. Après la guerre, le comte constitue le dossier de demande d’indemnisation pour les dégâts causés au château.

Pour terminer, s’il lit ce compte rendu, peut-on demander à Bertrand Goujon de rédiger pour notre dictionnaire quelques notices sur les témoignages féminins qu’il connait le mieux ?

Rémy Cazals