Vincent, César (1894-1917)

Ni le parcours militaire, ni les thèmes abordés dans la correspondance de ce jeune de la classe 14, né à Crupies (Drôme) le 12 avril 1894 dans une famille paysanne, ne sont d’une grande originalité. En 1914, il fait ses classes à Briançon et au camp de La Valbonne. Il part au 140e RI dans la Somme en décembre 14 ; en juin 15, il passe mitrailleur au 75e RI ; c’est ensuite la Champagne et l’offensive du 25 septembre ; malade, il est évacué en décembre ; de mai à septembre 16, Verdun, puis le secteur de Reims jusqu’en janvier 17 ; permission et maladie au pays natal, retour au front dans l’Aisne en mars, mais il ne participe pas directement à l’offensive Nivelle ; en juin, il décrit un mouvement d’indiscipline au 75e dans une creute ; en octobre, c’est l’attaque de la Malmaison où il est gravement blessé ; transporté à Soissons, il meurt à l’ambulance 5/52 le 26 octobre 1917.
Cultivateur, César s’intéresse aux travaux de l’exploitation familiale et regrette de ne pas être là pour prendre sa part (sa mère étant veuve) ; il est curieux de voir comment la terre est cultivée dans les régions qu’il traverse. Il souffre de l’éloignement et a convenu d’un code avec sa grande sœur pour indiquer où il se trouve. Il ne s’autocensure pas dans ses lettres à la famille et décrit les conditions abominables du front et les dangers presque permanents. Sorti de l’hôpital en avril 1916 et destiné à remonter, il s’écrie : « Retourner à cette boucherie ! Repartir ! repartir au front ! Après 17 mois de campagne, repartir, il me semble que je ne pourrais pas. » Et, plus nettement encore, en mars 1917 : « S’il faut y aller, nous irons ! mais je voudrais pouvoir renier la République, la France et tous ceux qui nous gouvernent ! si mal ! et si honteusement ! » Les lettres maternelles essaient de le consoler, l’encouragent à la résignation ; les colis venant du « pays » constituent de brèves éclaircies.
L’originalité se trouve dans la constitution et la conservation d’un corpus qui rappelle celui de la famille Papillon (voir ce nom) : 1295 lettres ou cartes postales, la plupart de César à sa famille, mais aussi une grande partie des lettres reçues par le soldat, venant de sa mère et de ses sœurs, de ses amis et amies, de ses marraines de guerre, missives qu’il a renvoyées ou apportées chez lui lors des permissions. Grâce à elles, on peut reconstituer le réseau de relations amicales ou amoureuses du soldat et de ses proches, avec ses confidences, ses secrets, ses brèves fâcheries. La correspondance est restée plus de 90 ans dans un coffre en bois au grenier de la maison familiale. Certaines lettres ont disparu au fil du temps pour différentes raisons parmi lesquelles on retiendra la récupération des siennes propres par une jeune fille. Ce riche corpus est actuellement étudié dans le cadre d’une thèse de doctorat de l’université de Nimègue (Pays-Bas) par Mies Haage, sous la direction du professeur Peter Rietbergen.
Rémy Cazals

Share