Courteaux, Charles (1898-1997)

Jean-Noël Grandhomme. Ultimes sentinelles. Paroles des derniers survivants de la Grande Guerre. La Nuée Bleue, 2006, 223 p.

Résumé de l’ouvrage :
Jean-Noël Grandhomme, historien et universitaire, a interviewé, de 1995 à 1999, 17 des derniers témoins du Grand Est (Vosges, Moselle, Bas-Rhin, Jura, Aube, Haut-Rhin, Meurthe-et-Moselle, Suisse et Ardennes). Des histoires d’hommes jeunes, tous nés dans la dernière décennie du XIXe siècle (de 1893 à 1899), jetés dans le conflit et qui se souviennent de leur parcours dans la Grande Guerre, à l’issue de laquelle ils ont miraculeusement survécu, et qui fut pour eux le plus souvent une aventure extraordinaire. L’auteur, spécialiste de la période, a opportunément résumé les entretiens et certainement gommé les erreurs cognitives, les confusions ou les anachronismes attachés à ces entretiens, réalisant un exercice dont il conclut que « l’enquête orale est d’ailleurs devenue une science auxiliaire de l’histoire à part entière depuis une vingtaine années », correspondant à l’ère des ultimes témoins. Il dit : « Avec ces derniers témoins, ce n’est pas seulement la mémoire de la Grande Guerre qui s’en va, mais aussi cette d’une société rurale, mêlée de rudesse et de solidarité. » Par son questionnement en filigrane ; « Quel regard ces anciens soldats, dressés les uns contre les autres par l’Histoire, portent-ils sur cette gigantesque conflagration ? Qu’en ont-ils retenu, et oublié ? Surtout, qu’avaient-ils à nous dire, à nous, Français et Européens du XXIème siècle, juste avant de disparaître ? » érigent cette œuvre mémorielle et testimoniale en véritable livre-hommage. Plus profondément, chacun des témoins, servant dans les deux armées belligérantes, témoignent de leur implication soit dans l’armée française, soit en tant qu’alsaciens ou lorrains dans l’armée allemande, avec les particularismes ou des traitements différenciés attachés cette origine : engagement dans la marine, envoi systématique sur le front de l’est, distinction dans le commandement ou le statut de prisonnier, etc. Le chapitre consacré à Charles Courteaux concerne les pages 71 à 78 de l’ouvrage.

Eléments biographiques :
Chartes Courteaux est né à Fresnes-en-Saulnois (Moselle) le 18 février 1898 dans une famille francophone. Il a 16 ans quand la guerre éclate et, comme Léon Nonnenmacher se souvient de l’arrivée des Français, territoriaux du Midi, en août 1914. Incorporé dans l’armée allemande en novembre 1916 comme Musketier au 106e IR, il est affecté sur le front de Galicie en juillet 1917, où l’armée de Kerenski s’effondre. Il dit de cette période : « En ce qui me concerne, je n’ai jamais tué personne » (page 73), précisant même : « Sur les quatre-vingts cartouches que j’ai brûlées, je n’ai jamais visé personne. (…) J’ai tiré en l’air pour faire du bruit, car les sous-officiers nous avaient à l’œil » (p. 74). En 1918, il arrive à l’arrière du front de Verdun, où il est enterré par un obus. Pour sa convalescence, il est versé dans une cuisine roulante puis intègre le secteur de Cambrai. Le 7 octobre, il jette son fusil et se rend à un anglais qui le « fait prisonnier en douceur », « parfaitement heureux de se retrouver captif » (p. 76). À l’Armistice, qu’il apprend par le « tintamarre » du moment, il est examiné par une commission spéciale de « tri », chargée de déterminer s’il est « d’origine et de sentiments français » (p. 77). Il rentre au pays rhabillé de neuf le 1er janvier 1919. Après-guerre, il exerce le métier de cheminot. Il décède le 14 décembre 1997 à Moulins-lès-Metz (Moselle) à l’âge de 99 ans.

Yann Prouillet, 28 juin 2025

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