Clary, Jean (?-?)

1. Le témoin

Il n’a pas été possible de retracer la biographie de Jean Clary, dont on ne peut attester qu’il s’agit de son patronyme ou d’un pseudonyme. Les rares éléments contenus dans l’ouvrage, notamment dans la préface de Pierre Mac Orlan qui dit : « Je ne connais pas Jean Clary » (p. IX), semblent indiquer qu’il était lié à Châteauneuf-sur-Loire (Loiret), où il part en permission en 1916. Il a semble-t-il publié un ouvrage sur son château et deux autres livres ; À la chandelle (poésie) chez Grasset et Le tartuffe démasqué aux Étincelles. Il n’est pas non plus précis sur son unité d’affectation, qui semble être le 4e RAC, dont les 4e et 9e batteries ont pour siège Besançon. Son deuxième tableau mentionne le Quartier Duras en octobre 1913. Pierre Mac Orlan indiquant qu’il a reçu le manuscrit d’un jeune auteur ; Jean Clary pourrait avoir fait son service militaire à partir de 1913. Les lieux et les dates qu’il cite correspondent en tous cas à l’engagement de cette unité. Dans le court chapitre « Vous m’écrivez », il reçoit une lettre de sa mère qui évoque une blessure en novembre 1916.

2. Analyse

Jean Clary, La victoire incertaine, Nouvelles Éditions Latines, 1936, 99 p.

Dans un petit opuscule très aéré, Jean Clary aligne 19 tableaux, presque tous datés, sans respect strict de la chronologie toutefois, et localisés, principalement sur le front des Vosges, fournissant des réflexions plus ou moins profondes d’un artilleur en guerre, entre août 1914 et avril 1917. Si certaines d’entre-elles sont purement réflexives et littéraires, d’autres sont plus introspectives ou descriptives sur la pauvre condition du soldat, mais sans précision toutefois qui érigent Jean Clary en témoin de la Grande Guerre. Aussi, tenant plus de la réflexion sur « fond de front », le livre ne contient que très peu d’éléments ou de matérialité utiles, même si le parcours est cohérent et conforme au déplacement du 4e RAC. Il s’insère toutefois dans une bibliographie exhaustive vosgienne, citant des secteurs peu cités, relevés ci-dessous :
– Besançon, quartier Duras, octobre 1913 (p. 9)
– Août 1914 (p. 15)
– Le Thillot, 5 août 1914 (p. 19)
– Wesserling-Felleringen, 7 août 1914 (p. 23)
– Somme, tranchée de la Pestilence, juillet à septembre 1916 (p. 27)
– Vosges 1915 (p. 33)
– Marzelay, hiver 1914 (p. 37)
– Châteauneuf-sur-Loire, en permission, 1916 (p. 41)
– Crête de « Pierre à Cheval », secteur de la Vallée de Celles, Observatoire 02, juin 1916 (p. 45)
– La Chapelotte, janvier 1916 (p. 51)
– Somme, septembre 1916 (p.57)
– La Chalade, novembre 1916 (p. 61)
– Ferme Montabé, La Schlucht, printemps 1915 (p.71 à 81)
– Devant Reims, Route 44, avril 1917 (p.83)
Si l’ouvrage s’ouvre par une erreur toponymique, l’ouvrage comporte quelques belles citations.

Renseignements tirés de l’ouvrage
Page X : Selon Pierre Mac Orlan : « On peut dire qu’il pourrait exister autant de livres de guerre qu’il y eut de soldats sur le front. L’uniformité collective développait la personnalité de chacun. Tout a été dit sur les hommes qui furent pris dans cet engrenage, inexorable comme une machine ».
37 : Chevaux frictionnés de crésyl contre les poux
42 : Sur le jugements des soldats par les civiles aux langues méchantes pendant les permissions : « Le plaisir de nos permissions est gâté dès la gare par le l’œil mauvais des voisines. Elles trouvent que nous sommes venus il n’y a pas bien longtemps. La vue de notre martyr excite leur férocité. Elles nous trouvent beaucoup trop bonne mine. Elles nous suspectent toujours d’une insuffisance de souffrance. Elles réclament pour nous toujours plus de péril, plus de blessures, plus de sang. Celui qui rentre mutilé, on ne plaint pas sa blessure, on jalouse sa pension. Il n’y a que les morts dont on ne dit plus rien. »
58 : « En dépit du martyr quotidien des corps, ce temps de guerre n’admet donc pas une minute de relâche, de passagère négligence, d’accomplissement hâtif où nous ne nous donnions en entier, puisque nous n’arrivons à y tenir que dans la tension illimitée de nous-même et ainsi… jusqu’à en évidemment mourir… »
62 : « À creuser quotidiennement nos tombes, nous avons aboli les dédains… Nous sommes les familiers de la terre… »
72 : Sur sa haine des rats « outrecuidants »

Yann Prouillet, 18 juin 2025

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