Maurice Genevoix en 1915

Genevoix, Maurice (1890-1980)

Maurice Genevoix, Trente mille jours. France Loisirs, 1980, 251 p.

Résumé de l’ouvrage :
À quelques mois de sa mort, Maurice Genevoix, revient sur son enfance, sur sa vie, militaire, comme littéraire, avec les succès qu’il a connus, du Prix Goncourt (1925) à l’Académie française (1946). Il appuie son récit sur quelques épisodes marquants (sa recherche de maison, son enfance, ses études, ses voyages, sa pratique d’écriture, alternant livres de guerre et romans, ses prix littéraires, etc.), mâtinés de souvenirs militaires, de son service au 144e RI (1911) à son entrée en guerre avec le 106e RI le 22 août 1914. Il revient aussi sur son « coup de veine » puis sa grave blessure, atteint de trois balles et quelques courts tableaux qui ont marqué sa mémoire.

Eléments biographiques :
Né le 29 novembre 1890 à Decize (Nièvre), il meurt d’une crise cardiaque le 8 septembre 1980, alors qu’il est en vacances dans sa maison d’Alsudia-Cansades, près de Xàbia (province d’Alicante), en Espagne. Nous ne reprendrons pas dans cette notice l’immense carrière et la biographie de celui qui fut l’un des plus illustres témoins de la Grande Guerre, les éléments le concernant étant facilement acquérables sur Internet.

Renseignements tirés de l’ouvrage :
Dans Trente mille jours, quelques épisodes disséminés évoquent son « expérience » militaire. Page 95, il évoque le statut particulier qu’il choisit pour son service militaire. Il dit : « En 1911, un statut particulier précisait les obligations des jeunes Français admis aux « Grandes écoles ». Comme tous les citoyens, ils devaient à leur pays deux années de service militaire. Mais ils pouvaient, à leur convenance, opter entre deux solutions : ou bien s’acquitter d’abord d’une première année « dans la troupe », la seconde seulement après leur temps d’école et, cette fois, comme officiers. Ou bien entrer d’emblée rue Descartes [Polytechnique] ou rue d’Ulm [École normale supérieure], et accomplir ensuite et d’une traite les deux années de service. C’est la première solution qui nous était judicieusement conseillée, et c’est elle que j’ai choisie ». Il fait son temps à Bordeaux, au 144e RI, et se souvient d’une rixe qui aboutit à une citation « pour avoir courageusement participé à l’arrestation d’un malfaiteur dangereux » (p. 102). Il revoit l’affichage de l’ordre de mobilisation générale et de son ordre de rejoindre le 106e d’infanterie. Il dit : « Un engagement déjà sévère, le 22 août, aux abords de Cons-la-Granville ; fit appeler le premier renfort, dont j’étais » (p. 113). Suit son baptême du feu, la bataille de La Marne, ses engagements aux lisières de Rembercourt-aux-Pots puis de sa campagne jusqu’aux Eparges et sa rencontre avec Porchon (fin p. 124). Il y revient quelques pages plus loin, se souvenant des hommes qu’il a perdus, évoquant d’autres camarades comme Alain-Fournier (p. 133 et 139) ou Louis Pergaud (p. 134) dont il apprend leur mort à quelques pas de sa propre position. Il évoque un peu plus loin de la même façon les camarades de la promo Lakanal 1912 dont il fait le macabre relevé des 19 tués au fil des années de guerre (p. 167). Il se souvient aussi de l’attaque allemande sur la Tranchée de Calonne et les circonstances de sa triple blessure, précisant bien entendu qu’il a déjà écrit tout cela dans Ceux de 14, mais il complète : « J’y reviens après soixante ans, incité ou plutôt obligé par des raisons qui touchent directement à l’inspiration même et, j’espère, à la justification du livre que j’écris aujourd’hui » (p. 137). Page suivante, il évoque son « coup de veine », cet obus qui explose derrière lui sur un parados aux Eparges, et qui ne lui occasionne que quelques légères brûlures (p. 138 et 139). Enfin, il invoque la mort qu’il a pu donner. Il dit : « Il était entendu qu’à la guerre on tirait sur des inconnus que l’on ne voyait pas ; ou seulement sur de vagues silhouettes, aperçues dans un éloignement qui les dépersonnalisait ». Mais il précise juste après : « Deux fois au moins, dans la nuit de la Vaux-Marie, et le matin du 18 février, lors de la première contre-attaque allemande au Eparges, j’ai tiré sur des hommes que je voyais assez pour me rappeler aujourd’hui leur visage » (p. 236). Il contrebalance cet aveu par cet épisode qui illustre le live and let live. Il dit : « … j’ai vu la peur et l’angoisse de mourir dans les yeux du sergent allemand qu’avec trois de ses hommes nous venions de faire prisonniers. Avant de les lancer à l’assaut contre nous, leurs chefs les avaient persuadés que nous fusillions les captifs » mais qu’il épargne et rassurer, conversant avec eux dans leur langue, provoquant leur apaisement et l’aveu : « Je ne suis pas prussien, je suis souabe » (p. 237).
Au final, Trente mille jours n’est pas à proprement parler un livre de souvenirs de guerre mais un complétif de l’œuvre de guerre de Maurice Genevoix dont les pages ne forment qu’une incomplète et quelque peu redondante parfois (à plusieurs reprises il réécrit deux fois les mêmes lignes (cas d’Alain-Fournier, du blessé agonisant ou du « coup de veine ») synthèse.

Yann Prouillet, 8 juillet 2025

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