Jean-Noël Grandhomme. Ultimes sentinelles. Paroles des derniers survivants de la Grande Guerre. La Nuée Bleue, 2006, 223 pages
Résumé de l’ouvrage :
Jean-Noël Grandhomme, historien et universitaire, a interviewé, de 1995 à 1999, 17 des derniers témoins du Grand Est (Vosges, Moselle, Bas-Rhin, Jura, Aube, Haut-Rhin, Meurthe-et-Moselle, Suisse et Ardennes). Des histoires d’hommes jeunes, tous nés dans la dernière décennie du XIXe siècle (de 1893 à 1899), jetés dans le conflit et qui se souviennent de leur parcours dans la Grande Guerre, à l’issue de laquelle ils ont miraculeusement survécu, et qui fut pour eux le plus souvent une aventure extraordinaire. L’auteur, spécialiste de la période, a opportunément résumé les entretiens et certainement gommé les erreurs cognitives, les confusions ou les anachronismes attachés à ces entretiens, réalisant un exercice dont il conclut que « l’enquête orale est d’ailleurs devenue une science auxiliaire de l’histoire à part entière depuis une vingtaine années », correspondant à l’ère des ultimes témoins. Il dit : « Avec ces derniers témoins, ce n’est pas seulement la mémoire de la Grande Guerre qui s’en va, mais aussi cette d’une société rurale, mêlée de rudesse et de solidarité. » Par son questionnement en filigrane ; « Quel regard ces anciens soldats, dressés les uns contre les autres par l’Histoire, portent-ils sur cette gigantesque conflagration ? Qu’en ont-ils retenu, et oublié ? Surtout, qu’avaient-ils à nous dire, à nous, Français et Européens du XXIe siècle, juste avant de disparaître ? » érigent cette œuvre mémorielle et testimoniale en véritable livre hommage. Plus profondément, chacun des témoins, servant dans les deux armées belligérantes, témoignent de leur implication soit dans l’armée française, soit en tant qu’alsaciens ou lorrains dans l’armée allemande, avec les particularismes ou des traitements différenciés attachés cette origine : engagement dans la marine, envoi systématique sur le front de l’est, distinction dans le commandement ou le statut de prisonnier, etc. Le chapitre consacré à Pierre Girardin concerne les pages 47 à 53 de l’ouvrage.
Eléments biographiques :
Pierre Girardin est né à Troyes (Aube) le 13 juin 1893. Devançant l’appel, il choisit d’entrer dans la cavalerie, au 14e chasseurs, en avril 1913. Il a 20 ans. Il est nommé brigadier rapidement, au bout de six mois et a le grade de maréchal des logis à l’entrée en guerre. Son unité est mobilisée dans la région de Belfort, participe à l’avance d’abord victorieuse en Alsace avant la retraite dans les Vosges par le col de Bussang sur Mulhouse et finit sous-lieutenant en 1918. Il parle des mutineries, étant désigné pour « encadrer » les mutinés (p. 51). Il dit plus tard : « Un jour j’ai même fait un prisonnier. (…) C’est le seul Allemand que j’ai vu de près au cours de la guerre. Enfin c’était un déserteur » (p. 51). Il restera militaire puis deviendra chef d’entreprise avant de décéder à Nancy (Meurthe-et-Moselle) le 20 juillet 1995 à 102 ans.
Yann Prouillet, 28 juin 2025