Le témoin
Né le 16 avril 1884 à Villefranche-de-Panat (Aveyron), Joseph Costes est ordonné prêtre en septembre 1909. Il enseigne les sciences et l’allemand dans un collège catholique. Il survit à toute la guerre mais a contacté le paludisme dans les Balkans où il était affecté à l’ambulance alpine n° 5. Il meurt le 25 juillet 1930 dans sa commune natale.
Le témoignage
Avant de partir dans l’armée d’Orient, il a servi sur le front franco-allemand, mais le témoignage conservé ne concerne que la période allant de novembre 1915 (embarquement) à mai 1918 (préparatifs pour un nouveau départ). Le carnet et le livret militaire ont été déposés aux Archives municipales de Millau sous la cote 43 J. L’information a été communiquée au CRID 14-18 par Lionel Locqueneaux qui a transcrit et annoté le manuscrit.
Contenu
1. Dès le 15 novembre 1915 est présenté le personnel de l’ambulance avec les professions de chacun dans le civil (ou dans l’ecclésiastique). Tout au long du récit, on suit les départs et les arrivées, et l’équipement de l’ambulance est décrit. Les chefs sont très critiqués, avec l’emploi de termes comme « ces salauds », « crétins », « trouillards ». Ils cherchent à se faire embusquer et à mener la bonne vie, au détriment des subordonnés. Sur le plan médical ils sont incompétents : « assassins », « charcutiers », « tortionnaires ». Un dentiste n’arrachait pas les dents mais les mâchoires. De leur côté, les aviateurs français sont accusés de faire la noce à l’arrière au lieu d’affronter les avions allemands. En plein hiver de la montagne balkanique, les autorités exigent que l’on établisse l’état des moustiquaires : on aurait mieux fait de procurer aux hommes des chaussettes de laine. Au sommet de la hiérarchie, le général Sarrail est épinglé comme franc-maçon et coureur de jupons. Le prêtre aveyronnais pense que les troupes françaises sont trahies par les Grecs et par les Juifs de Salonique. D’autres mentions antijuives figurent ici et là.
2. Les descriptions des pays traversés sont brèves : Malte et ses églises ; les deux quartiers de Salonique ; la Macédoine « pays de pouilleux », « race dégénérée » ; Edessa et ses cascades ; la traversée de la Grèce et de l’Italie lors de son évacuation pour paludisme en février 1918.
3. L’ambulance soigne les blessés et surtout les malades atteints de paludisme et dysenterie, et de multiples pieds gelés en hiver. L’ordinaire est amélioré en capturant grenouilles, tortues, écrevisses et lièvres. La vie est troublée par les bombardements, les raids de zeppelins, dont un est abattu. Le 12 janvier 1916, Joseph Costes signale un fusillé, sans autre précision.
Rémy Cazals, janvier 2025