Masson, Edmond (1894-1999)

Jean-Noël Grandhomme. Ultimes sentinelles. Paroles des derniers survivants de la Grande Guerre. La Nuée Bleue, 2006, 223 p.

Résumé de l’ouvrage :
Jean-Noël Grandhomme, historien et universitaire, a interviewé, de 1995 à 1999, 17 des derniers témoins du Grand Est (Vosges, Moselle, Bas-Rhin, Jura, Aube, Haut-Rhin, Meurthe-et-Moselle, Suisse et Ardennes). Des histoires d’hommes jeunes, tous nés dans la dernière décennie du XIXe siècle (de 1893 à 1899), jetés dans le conflit et qui se souviennent de leur parcours dans la Grande Guerre, à l’issue de laquelle ils ont miraculeusement survécu, et qui fut pour eux le plus souvent une aventure extraordinaire. L’auteur, spécialiste de la période, a opportunément résumé les entretiens et certainement gommé les erreurs cognitives, les confusions ou les anachronismes attachés à ces entretiens, réalisant un exercice dont il conclut que « l’enquête orale est d’ailleurs devenue une science auxiliaire de l’histoire à part entière depuis une vingtaine années », correspondant à l’ère des ultimes témoins. Il dit : « Avec ces derniers témoins, ce n’est pas seulement la mémoire de la Grande Guerre qui s’en va, mais aussi cette d’une société rurale, mêlée de rudesse et de solidarité. » Par son questionnement en filigrane ; « Quel regard ces anciens soldats, dressés les uns contre les autres par l’Histoire, portent-ils sur cette gigantesque conflagration ? Qu’en ont-ils retenu, et oublié ? Surtout, qu’avaient-ils à nous dire, à nous, Français et Européens du XXIe siècle, juste avant de disparaître ? » érigent cette œuvre mémorielle et testimoniale en véritable livre hommage. Plus profondément, chacun des témoins, servant dans les deux armées belligérantes, témoignent de leur implication soit dans l’armée française, soit en tant qu’alsaciens ou lorrains dans l’armée allemande, avec les particularismes ou des traitements différenciés attachés cette origine : engagement dans la marine, envoi systématique sur le front de l’est, distinction dans le commandement ou le statut de prisonnier, etc. Le chapitre consacré à Edmond Masson concerne les pages 93 à 105 de l’ouvrage.

Eléments biographiques :
Edmond Masson est né à Neuchâtel en Suisse le 11 janvier 1894 mais il conserve la nationalité française. Il est issu d’une famille de huit enfants, dont un frère cadet disparait à Verdun le 24 juin 1916 et habite rue des Remparts à Pontarlier, en Franche-Comté. Sa préparation militaire lui fait acquérir les grades de caporal puis de sergent et la guerre vient le chercher alors qu’il est ouvrier dans une usine automobile. Sergent au 171e RI incorporé en septembre 1914. Il arrive en janvier 1915 dans les tranchées de la Woëvre, près de Verdun. Il est blessé par éclatement de grenade le 6 mai 1916 à la ferme de Navarin, en Champagne, en posant des défenses accessoires en avant d’un petit-poste. Il est cité à l’ordre de la brigade pour cet acte. Il participe à l’offensive du Chemin des Dames où il est blessé une seconde fois, par éclat d’obus, puis par une grenade lancée par l’allemand qui le fait prisonnier. Miraculé des combats, il manque d’être assassiné par un soldat par un soldat brutal. Il dit que sa captivité, dans deux camps, près de la frontière belge et le long de la mer du Nord, ne l’a pas traumatisé. Il y a même appris l’allemand, initiative qui lui permet de devenir interprète. Le soldat Masson est toujours en Allemagne aux derniers de novembre, quand éclate la Révolution ; il dit sur ces jours surréalistes : « Les Allemands sont des organisateurs. Ils organisent même la révolution ! » (p. 104). Edmond Masson revient à Pontarlier en janvier 1919 via un port d’Allemagne du Nord puis Cherbourg. Cheminot après-guerre, membre de plusieurs associations d’anciens combattants, il décède à Combs-la-Ville en Seine-et-Marne le 28 août 1999 à l’âge de 105 ans.

Yann Prouillet, 28 juin 2025

Share